Chapitre 24

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Iwaizumi a toujours pris son rôle de chef des armées et de capitaine des gardes très au sérieux. Il a été nommé très jeune à un poste pourtant clef, dès qu'Oikawa a accédé au pouvoir. Son père remplissait les mêmes fonctions avant lui, et tous l'ont reconnu parfaitement apte à s'occuper de l'armée du royaume.

Il a l'habitude de diriger l'entraînement depuis une estrade, le matin et l'après-midi ; depuis quelques semaines, cet emploi du temps a été bouleversé par ses nouvelles responsabilités, et être loin de ses soldats crée en lui un étrange sentiment de manque et de culpabilité. Le soir est tombé, et, suivant les ordres, il a envoyé Kageyama rejoindre Oikawa dans sa chambre ; c'est un soulagement de savoir les résolutions de son ami, mais il ne peut s'empêcher d'appréhender la manière dont se fera la révélation.

Il arpente le couloir des gardes, à l'étage supérieur de l'aile des soldats. Quelques hommes se trouvent dans les couloirs, discutent entre eux après le dîner, en simple pantalon, tunique ou chemise de toile, dépouillés de leur armure réglementaire. Ils saluent respectueusement leur capitaine quand il passe devant eux, et lui parlent avec plaisir lorsque ce dernier s'enquiert de leurs fonctions, de leur santé, de ce qu'ils pensent du fonctionnement au château.

Il envisage d'aller faire un tour du côté des soldats quand des pas précipités se font entendre, résonnant sur les dalles de pierre ; un garde apparaît, en tenue de fonction, le visage rouge et la respiration haletante :

-Capitaine, venez vite ! Le roi vous réclame, c'est très urgent !

Une vague de panique submerge Iwaizumi. Les événements de la soirée ont dû mal tourner... Mais jusqu'où ? Au vu de l'état du garde, les choses ont probablement dégénéré dans le mauvais sens... Tous les deux se dirigent en courant vers la tour royale.

-Que s'est-il passé ? demande le chevalier alors qu'ils commencent à grimper les escaliers.

-Il y a eu un bruit assourdissant, répond le garde essoufflé. Mais le roi a refusé qu'on ouvre la porte. Il n'a demandé que vous, le plus vite possible...

Et il ajoute avec un air tourmenté :

-Il avait l'air très inquiet.

Ils arrivent enfin devant la porte de la chambre du roi. Plusieurs personnes, gardes ou courtisans, se trouvent autour, portant toutes sur le visage la même expression d'anxiété ; Iwaizumi perçoit quelques bribes de ce qu'ils disent, leurs hypothèses sur le « grand bruit » qui a résonné dans toute la tour.

-Ecartez-vous ! leur lance-t-il, et il attend qu'ils reculent pour tambouriner à la porte. Oikawa ! Oikawa, tu es là ?

Il n'entend pas de réponse, plaque son oreille contre le panneau dans l'espoir d'entendre quelque chose. Il ne perçoit que des bruits infimes, et se glace en réalisant que ce sont des sanglots. Il se raidit, dissimule sa peur, et annonce d'une voix forte :

-Je vais rentrer, d'accord ?

Il inspire et pousse la porte. Elle s'entrebâille légèrement, mais l'intérieur de la chambre est plongé dans le noir total, et il ne distingue absolument rien.

-Une torche, réclame-t-il en tendant la main.

On lui en donne une, et prenant son courage à deux mains, il rentre dans la chambre et referme la porte derrière lui.

Le flambeau qu'il brandit lui révèle une scène d'apocalypse. Les meubles sont retournés, brisés, aux quatre coins de la chambre ; les draps du lit, les rideaux, les tapisseries sont arrachés, gisent en tas informes ça et là. Tous les livres de la bibliothèque sont à terre, ouverts, épars. C'est comme si une tempête venait de ravager la pièce. Et au milieu de ce désastre, Oikawa est assis à même le sol, serrant contre lui le corps inanimé de Tobio.

Memento AmariOù les histoires vivent. Découvrez maintenant