Chapitre 17

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Le jour se lève sur le campement de Shiratorizawa. Les tentes des soldats sont démontées, pliées et rangées dans des chariots ; les hommes attèlent les chevaux et apprêtent les carrosses pour les personnages les plus éminents. Ils s'inclinent lorsque Tendou passe devant eux dans sa longue robe aux motifs argentés et violets, et le suivent d'un regard inquiet alors qu'il se dirige vers la tente royale.

Le sorcier ne prend pas la peine de se faire annoncer, il écarte les tentures qui masquent l'entrée et s'engouffre à l'intérieur de la tente. Ushijima est déjà prêt, constate-t-il avec satisfaction, et des serviteurs tournent autour de lui pour agrafer son manteau sur son épaule. Le prince fait un geste agacé : ils se dispersent comme une volée de moineaux, puis quittent précipitamment la tente pour les laisser seuls.

-Quelles nouvelles, Tendou ? demande-t-il impérieusement. Est-ce qu'Oikawa a envoyé des troupes à notre poursuite ?

Un léger mouvement, dans la vision périphérique du sorcier, attire son attention : l'archer est prostré dans un coin de la tente, et a relevé la tête au nom d'Oikawa.

-Le sort est toujours effectif, mon prince, répond Tendou. A cette heure, ils sont encore tous plongés dans le sommeil.

-Bien, marmonne Ushijima.

Sans un regard vers son prisonnier, il sort prendre les commandes pour la levée du camp, et laisse le sorcier seul avec Tobio. Tendou sourit doucement à cette constatation ; il s'avance vers lui, et l'archer, au sol, remonte ses jambes nues contre sa poitrine dans un geste de défense. Les chaînes, autour de ses chevilles et ses poignets, produisent un bruit métallique à ce mouvement, à peine étouffé par le tapis.

-Je ne vais pas te faire de mal, promet le sorcier.

D'un coup d'œil rapide, il inspecte le visage et le corps du jeune homme, en déduit une nuit particulièrement éprouvante. Des traces de larmes sur ses joues. Des traces de sang le long de ses cuisses. Il remarque quelques entailles et quelques hématomes ça et là sur la peau blanche, mais rien de trop sérieux. L'archer tressaille quand il pose la main sur ses chaînes ; la chair, dessous, est à vif, profondément marquée par les fers.

Tendou se relève et fait le tour de la tente pour trouver ce qu'il cherche : à boire et à manger. Il trouve de l'eau et des fruits sur une table, revient près de Tobio.

-Tu as soif ? demande-t-il.

Tendou voit les yeux hostiles de l'archer se poser sur la gourde qu'il lui tend, et, après un instant d'hésitation, il hoche la tête.

-Je vais défaire tes chaînes, déclare le sorcier. Si tu tentes quoi que ce soit, je prolongerai le sommeil dans lequel j'ai plongé ton château et tous ses habitants.

L'archer hoche une seconde fois la tête pour montrer qu'il a compris, et les chaînes glissent d'elles-mêmes de ses poignets et de ses chevilles avec la fluidité d'un serpent. Il grimace en sentant le sang circuler à nouveau dans ses doigts, puis saisit la gourde que lui tend toujours Tendou et se désaltère. Le sorcier récupère ses vêtements, semés de part et d'autre du lit d'Ushijima, et dont l'archer n'a pu conserver sur lui qu'une chemise de toile. Il jette un regard de biais : il est toujours assis et mange, inoffensif, tête baissée. Aussi longtemps qu'Oikawa est menacé, il sera obéissant, comprend le sorcier.

-Nous reprenons la route, annonce Tendou une fois que Tobio a fini de manger et a pu s'habiller.

L'archer ne parle toujours pas. Sûrement a-t-il compris leur destination : Shiratorizawa, sans savoir ce qu'il lui arrivera une fois là-bas. Tendou lui propose un bras pour s'appuyer ; Tobio le repousse, mais le sorcier ne le quitte pas d'une semelle lorsqu'ils sortent de la tente. Jeune, fier, dévoué, songe le sorcier avec satisfaction.

Memento AmariOù les histoires vivent. Découvrez maintenant