La nuit noire et ombrageuse a laissé place à l'aube grise. Le vent souffle toujours sur les chemins de terre, humide et froid, annonciateur de l'hiver. Iwaizumi s'efforce de rester éveillé sur son cheval après la nuit de sauvetage ; cela se fait naturellement à l'idée du passager qu'il transporte.
Tendou est ligoté, les mains solidement attachées dans le dos, les yeux bandés, un bâillon dans la bouche. Il a été jeté de travers sur la croupe du cheval, derrière la selle d'Iwaizumi ; sa tête balance dans le vide, mais c'est bien la dernière chose à laquelle pense Oikawa. Au contraire, le moins d'égards sera le mieux.
Le roi se tient droit sur la selle, l'expression fermée, tenant toujours Tobio contre lui. Iwaizumi se souvient de ce moment où il les a finalement vus revenir, alors que l'incendie se propageait dans le camp de Shiratorizawa : Oikawa, les mains et le visage tachés de sang, portant l'archer dans ses bras, grave, solennel. L'expression du devoir accompli laissait entendre qu'Ushijima était mort ; l'absence de douleur sur son visage signifiait que Tobio était sauf.
Du moins est-il vivant, songe Iwaizumi en jetant un regard de biais au couple. L'archer est assis en travers de la selle, les jambes ballotant contre le flanc du cheval. Oikawa lui a donné sa cape pour ne pas qu'il aie froid, et Iwaizumi, préférant souffrir le vent et la pluie plutôt que de risquer que le monarque ne tombe malade, a alors proposé que le roi prenne la sienne; mais il a résolument refusé, décidé à s'éloigner du camp le plus vite possible.
Les cheveux du monarque sont agités par le vent ; sur ses doigts et sur ses joues, les gouttes de sang ont séché. D'une main, il tient la bride, de l'autre, il presse l'archer contre sa poitrine. Iwaizumi ne sait pas si Tobio dort : il a blotti son visage dans le cou du roi, et la capuche rabattue de la cape l'empêche de distinguer son visage. Oikawa, du moins, semble tout faire pour qu'il ait le plus de confort possible, et a mis son cheval au pas : le retour prévoit d'être bien plus long que l'aller.
Alors que le soleil pointe à l'horizon, le sorcier commence à remuer : des cris étouffés s'échappent d'entre sa gorge alors que les mots ne peuvent prendre forme, étouffés par le bâillon. Oikawa tourne vers lui son regard glacé, le considère un moment : les mains bleuies par les cordes du sorcier sont solidement immobilisées, et il peut à peine remuer quelques phalanges.
-Bouge encore, prévient le roi d'une voix sèche, et je te tranche les mains.
La menace est effective : Tendou cesse immédiatement.
Peu avant la mi-journée, ils décident de s'arrêter pour manger et se reposer. Ils ont emprunté les routes à l'écart des hameaux pour ne croiser personne, et il ne leur est pas difficile de trouver un endroit isolé en bordure de forêt pour faire une pause, près d'un ruisseau où puiser de l'eau fraîche. Iwaizumi allume un feu pendant qu'Oikawa sort les provisions et les gourdes des sacoches ; ils s'asseyent, le chevalier en face de l'archer et du roi.
Iwaizumi se sent presque indiscret d'être là, face à eux qui viennent de se retrouver. Il ne sait pas ce qui est arrivé à Tobio, mais constate, tristement, ses yeux éteints et baissés, ses joues pâles, son air abattu. Le roi est assis à côté de lui et ne le quitte pas du regard ; Iwaizumi le voit, discrètement, lier ses doigts à ceux de l'archer.
Il s'éloigne un instant sous prétexte d'aller remplir les gourdes ; en vérité, les voir s'aimer ainsi le bouleverse. Il n'a jamais recherché les aventures amoureuses ni le mariage, tout occupé par son engagement militaire envers le royaume, et bien que jeune, il jette souvent sur ses soldats –et en particulier les recrues- un œil paternel.
Depuis quelques minutes, Tendou s'agite à nouveau. Sans doute la posture inconfortable à laquelle il est contraint est devenue insupportable ; la douleur et la soif doivent le tirailler. Oikawa lui jette à peine un coup d'œil, bref et revanchard ; Tobio laisse ses yeux s'attarder sur lui, et ses sourcils se froncent légèrement.
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Memento Amari
FanfictionOikawa est le roi du puissant royaume d'Aoba Johsai. Cependant, peu après son accession au pouvoir, il s'éprend d'un simple archer. Cet amour lui est défendu: son devoir l'appelle à épouser non pas un simple soldat, mais un bien un prince étranger.