Chapitre 1 - Mon nom est Schmidt

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Illustrations (sauf précision contraire) :  Pandamath

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Illustrations (sauf précision contraire) :  Pandamath

Il marchait avec ses parents le long de la plage de Nice. Il faisait beau. Il avait sept ans alors. Une vieille dame arrivait en sens inverse ; ils allaient bientôt la croiser. Elle s'appuyait péniblement sur un déambulateur qui, chose incroyable, paraissait plus vieux qu'elle. Le déambulateur avait un air démoniaque. Le petit garçon avait peur. Il avait bien raison.

Tout à coup, la vieille dame s'arrêta. Son visage pâlit tout d'abord, puis il verdit, bleuit, blanchit de nouveau, rougit et enfin noircit. Et le temps sembla ralentir. La vieille criait : « Holà, attention, un jeune là-bas ! ». Elle pointait du doigt le grand frère de Zébulon (c'était le nom du petit garçon), Hippolyte, qui avait quinze ans. La vieille dame appuie sur un bouton caché de son déambulateur, et voilà que celui-ci a des roues ! Et soudain, la vieille dame charge, et elle utilise son déambulateur comme une trottinette ! Elle accélère, arrive au niveau d'Hippolyte, ouvre la bouche en grand, et voilà qu'un dentier en jaillit, et qu'il mord Hippolyte au cou, perce la carotide, et le garçon s'effondre, la vie lui échappe, et il meurt. Puis c'est le père qui tombe à son tour. Et sa femme qui s'effondre après lui. La vieille se tourne vers Zébulon ... Sa bouche s'ouvre ... Une canne vole ... Le dentier est tapi dans le palais, prêt à bondir ... La canne heurte la vieille en plein front ... Celle-ci bascule en arrière ... Son visage n'est plus que surprise ... Elle tombe ... Lentement ... Silence ... Le bruit de la chute est comme amorti, presque inaudible ... Et le silence ... Le silence qui suit le choc ... Une voix appelle Zébulon ... Jeune homme ... Jeune homme, vous m'entendez ? Le silence se brise. Le temps reprend son cours normal.

« Jeune homme, vous m'entendez ? » Zébulon se retourna. L'homme qui lui parlait devait avoir entre trente-six et soixante-deux ans. Il portait des lunettes larges et opaques et rampait par terre.

« Jeune homme, je comprends que vous soyez en état de choc, mais serait-il possible s'il-vous-plaît que vous me rendissiez ma canne avant que vous ne fussiez terrassé par le syndrome de stress post-traumatique qui ne saurait tarder à fondre sur vous à la vitesse du percepteur sur le malhonnête contribuable ? »

Par miracle, Zébulon comprit ce que voulait l'homme. Sa canne était certainement celle qui avait abattu la vieille, et l'homme était donc certainement son sauveur. Zébulon lui rendit la canne et l'homme se releva péniblement.

« Vous pouvez bénir ma jambe inutilisable, dit-il, sans elle, pas de canne, et sans canne vous seriez mort. »

Il regarda le petit garçon.

« Vous êtes Zébulon de Saint-Pierre, n'est-ce-pas ? »

Le garçon acquiesça.

« Mon nom est Schmidt, mais on m'appelle généralement docteur. »

Le garçon l'observait.

« Enfin, maintenant vous n'avez plus de proches, n'est-ce pas ? Vous allez venir avec moi. Je ne remplacerai jamais votre véritable famille, mais c'est mieux que rien vous ne croyez pas ? »

La narine droite du garçon sembla approuver.

« Suis-je distrait, s'exclama soudain le docteur. J'ai failli partir en laissant tout ça en désordre ! (il montra les quatre cadavres) Ça n'aurait pas été très correct pour le personnel municipal, ils auraient dû tout nettoyer eux-mêmes. »

Il nettoya le sang et aligna les corps proprement.

« Voilà, à présent nous pouvons partir. Suivez-moi jeune homme. »

C'est à ce moment qu'il s'aperçut qu'il vouvoyait un enfant de sept ans. Il secoua la tête, dépité, pensa qu'il devait se laver les mains au plus vite car il risquait de prendre froid à cause de ses courants d'air intestinaux, exécuta un salto arrière, se demanda pourquoi il le faisait, manqua de mettre le feu à ses vêtements, mangea un chapeau haut-de-forme qui passait par là et maudit l'Auteur qui l'obligeait à faire n'importe quoi. Puis il dit :

« Vois-tu mon garçon (on notera le passage au tutoiement), toi, moi, nous deux, nous sommes ici n'est-ce-pas ?

- Oui, murmura courageusement Zébulon.

- Eh bien non. »

Et le fait est qu'ils n'y étaient pas.

Le Docteur et l'ImpératriceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant