M. C. Escher, Wentelteefje (1951)
« Les forces ennemies nous surpassaient en nombre, et nous pouvions voir la plaine disparaitre, submergée par la multitude grouillante de nos adversaires. Au loin, un cor sonna, c'était le signal de l'assaut ! Pendant deux heures, nos hommes firent preuve d'un courage inégalable, perçant, débordant l'ennemi de toutes parts. Nos pertes devenaient cependant injustifiables. Ma compagnie décida alors spontanément d'opérer un repli stratégique en abandonnant les armes pour plus d'efficacité, et en hurlant pour impressionner l'adversaire.
Nous nous réfugiâmes dans un désordre apparent (en réalité très organisé et répété maintes fois lors des exercices) dans la petite redoute de Frontezelles, de laquelle nous pilonnâmes l'ennemi à l'aide de canons à paillettes, les seuls que nous eussions trouvés. Nous pûmes ainsi repousser nos adversaires : nombre d'entre eux moururent de rire. »
Évariste Moutarde, Mémoires
Il y avait longtemps que Zébulon de Saint-Pierre ne supportait plus les réveils. Depuis qu'il avait jeté le dernier par la fenêtre, il s'était mis en quête d'un nouveau moyen de se réveiller tous les matins à 6h03 précises. Il avait alors eu l'idée de percer un trou dans le volet de sa chambre, de telle sorte que le soleil illumine l'oreiller à 6h03, réveillant son occupant par la même occasion. On pourrait se dire que ce stratagème n'était qu'imparfait, notamment parce qu'il suffisait d'un nuage pour tout gâcher. Mais ce serait oublier que Zébulon, bien qu'il l'ignorât, possédait un trente-deuxième de sang de vampire, et était par conséquent très sensible à la lumière.
Et de toute façon, ce matin-là, quand Zébulon se réveilla à 6h03, le soleil brillait et dégageait déjà une forte chaleur, laissant présager un bel été bien chaud. Zébulon se sentait extraordinairement bien et avait l'agréable pressentiment qu'il allait passer une excellente journée (ce en quoi il se trompait complètement). Il descendit l'escalier et se rendit dans la salle à manger pour y prendre son petit-déjeuner. Marila Âl Iram l'y attendait, l'air contrarié.
Précisons qu'au cottage, le repas était une institution et que tout le monde devait être assis autour de la table aux heures fixées, faute de quoi le courroux de Marila s'abattait sur le fautif avec violence et soudaineté. Or, il était 6h22, heure légale du petit-déjeuner, et le docteur n'était pas là. Pis encore : les miettes laissées en bout de table indiquaient que celui-ci avait déjà mangé, sans attendre les autres occupants de la maison. Ai-je dit que Marila Âl Iram était contrariée ? Non, elle bouillait de rage.
Tout-à-coup, on entendit à l'étage le grincement caractéristique de la porte du bureau. Aussitôt, Marila sauta dans ses charentaises et fusa vers l'escalier. Zébulon soupira et s'assit à sa place à l'instant où les murs commencèrent à trembler sous l'effet des hurlements de Marila.
« Docteur ! Vous avez intérêt à vous expliquer ! - ... - Du travail ? Vous vous foutez de moi ? Et moi, je n'en ai pas, du travail, pour faire en sorte qu'il y ait un minimum de convivialité dans cette maison ? - ... - Que je me calme ! Donnez-moi une seule bonne raison ! - ... - CE N'EST PAS UNE BONNE RAISON ! »
VOUS LISEZ
Le Docteur et l'Impératrice
FantasyPourquoi ont-ils tué les parents de Zébulon ? A quoi travaille l'étrange Sir Ogier de Pique ? Que fait le Christ amnésique dans cet hôpital psychiatrique ? Quel complot se trame dans l'ombre ? Pour répondre à ces questions, un seul endroit : le Coll...