"Soif de liberté"

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MISE À JOUR 4.4 - ZAYA

Sur scène


Rage.

Zaya plissa des yeux, supportant difficilement la lumière des projecteurs.

Titus était affalé sur son siège rouge, une paire de lunettes de soleil vaniteusement fixée sur le haut de son crâne. Son attitude lui portait facilement sur les nerfs. D'autant plus depuis qu'il avait vicieusement coincé Mike.

Callum à ses côtés, elle n'attendit pas à ce que le show-runner l'invite à s'asseoir. De sa démarche assurée et dominatrice, elle prit place sur le siège en velours et lança un long regard à son frère. Celui-ci resta debout près d'elle et plongea ses mains dans les poches de sa veste, un air bougon dissimulé sous une apparence sereine.

Elle sourit : il fulminait de l'intérieur. Agacé à ce qu'elle s'amuse tant à détruire le lien solide des jumeaux que s'aimait imaginer la population.

Ils n'étaient pas inséparables et elle allait prendre un malin plaisir à le démontrer.

— Bonsoir Titus, fit-elle d'une voix séductrice, ses cils papillonnant.

Elle s'étendit largement, dévoilant des jambes longues et fines se croisant l'une par dessus l'autre.

Callum grogna imperceptiblement. Ses yeux lui lança des éclairs d'avertissement. Provoquer le Grand-Paternel de Mike n'était pas conseillé. Modifier ses plans était interdit. Ce qui était le défile plus excitant qu'elle ne s'était jamais lancée.

— Bonsoir, ma chère mademoiselle Saywn, répondit d'une voix langoureuse le show-runner, son sourire se figeant toutefois sur une note glaciale.

Il devait pressentir que Zaya s'apprêtait à marcher sur ses plates-bandes.

— Appelez-moi Zaya, Titus, sourit-elle.

— Et ce grand gaillard qui est debout le pauvre, c'est donc Callum ? enchaîna-t-il bien vite, ses yeux se vrillant dans ceux de son frère.

— Lui-même, répondit celui-ci avec un clin d'œil.

Une mine inquiète modifia les traits goguenards du show-runner.

— Je suis navré mon cher, mais l'unique place est prise par ta sœur !

Malgré les ténèbres qui l'enveloppaient, Zaya sentit une exaltation curieuse jaillir de la masse. Cela lui donna envie de vomir. Pourquoi malgré elle, Titus arrivait toujours à ses fins ?

À ses côtés, Callum se détendit, ses épaules contractées par l'appréhension se relâchant.

« Il a beau jouer au chevalier servant, dès qu'il s'agit de réelles confrontations, il devient plus lâche que jamais » songea-t-elle avec amertume.

— Et oui, et oui ! s'exclama Titus avec le public, une joie pure sur son visage factice et retouché. Ils sont JUMEAUX !

Sifflements, applaudissements et hurlements : la nausée de Zaya s'intensifia, emplissant les parois de sa bouche. Un vertige la saisit face à ce raz-de-marée mais elle conserva son sourire.

Les jumeaux étaient devenus un événement rare depuis que les porteurs de ce gêne avaient été éliminés jusqu'au dernier, durant le règne tyrannique de l'empereur Yenstène en 3320. Ce massacre n'avait eu qu'une seule raison : ralentir l'expansion humaine par tous les moyens.

Deux siècles après, il était apparu que des porteurs étaient restés en vie miraculeusement, transmettant encore la possibilité de naissance gémellaire. Entre temps, ceux-ci avaient été vénérés, considérés comme des martyres de dieu face à la cruauté humaine. Une légende s'était construite autour d'eux, divaguant au sujet de lien immatériel reliant les deux êtres et amplifiant leurs capacités sensorielles en cas de dangers.

Un véritable tissu de débilités qui leur avait valu la vie sauve, eux et leur mère, mais qui les avait aussi condamné à une vie dictée par les Grands. De ce qu'avait retenu Zaya des discours confus de sa mère, les jumeaux finissaient par craquer sous la pression de la société et s'inventaient un quelconque pouvoir.

Si Callum acceptait d'être ainsi emprisonné dans une cage dorée, Zaya, elle, voulait s'en échapper à tout prix. Mais dès qu'une porte s'ouvrait, miroitant un semblant de liberté, une main géante s'empressait de la refermer juste devant son nez. À croire que la conception d'issue n'existait pas dans ce monde-ci.

Peut-être qu'elle était défaillante. Peut-être que sa vision était faussée, que son sort n'était pas si cruel. Peut-être que Callum avait raison.

— Zaya ?

La voix de Titus l'extirpa violemment de ses songeries. Elle porta un regard hagard vers sa silhouette affalée et croisa son reflet dans les pupilles dilatées du show-runner.

— Veuillez m'excuser, j'ai eu un instant d'absence. Toute cette effervescence monte si facilement à la tête !

Titus acquiesça en lissant son costume fluorescent.

— Je te remercie de ce joli compliment, Zaya. Mais sinon, passons aux choses sérieuses, si tu le veux bien.

— Absolument !

Elle devait se ressaisir. Elle n'était pas ici pour réfléchir sur sa condition et sa perception du monde. Elle n'avait qu'un seul but : désarçonner Mikaelus Senior. Elle n'était pas une poupée avec laquelle on joue.

— Qu'est-ce que va vous apporter Unreal, selon vous ?

Zaya prit de l'avance sur son frère qui s'apprêtait à ouvrir la bouche :

— Personnellement, j'attends de cette émission de l'adrénaline, du défi et de la testostérone.

Avec un clin d'œil, elle déposa un baiser sur ses doigts qu'elle souffla vers le public.

Callum se tendit à nouveau alors que Titus restait de marbre, l'incompréhension le figeant telle une statue aux traits lourds.

Son frère s'empressa de rattraper sa réponse :

— Ce que ma sœur souhaite dire, c'est que nous voulons d'Unreal une expérience nouvelle pour renforcer notre lien à travers l'action et le danger !

Les lèvres de Zaya portaient un sourire fané lorsqu'elle tourna la tête vers Callum et lui adressa ces quelques mots avec un ton mielleux :

— Tu sais toujours mieux retranscrire mes paroles, cher frère.

Les faisceaux de leurs yeux luttèrent entre eux. Il rageait intérieurement, en symbiose avec le rire noir de sa sœur qui luisait à la surface de ses iris

— Bien, bien ! s'exclama vivement Titus, abrégeant la dispute qui couvait. Maintenant, dîtes-moi ce que vous êtes prêts à faire l'un pour l'autre !

Il insistait sur ce détail afin de couvrir ce que le langage corporel clamait par-dessus tous mensonges. Il venait aussi de lui donner ce qu'elle souhaitait depuis le début : la marge suffisante pour asséner le coup fatal sur cette stupide légende.

Mais alors qu'elle ouvrait la bouche, la main de Callum frôla son épaule. Ce contact l'arrêta net. Il était emprunt d'une tendresse différente qui la fit frisonner.

Intriguée, elle tourna la tête vers lui. La gravité tendait ses traits, lui coupant toutes envies de rébellion.

— Pour ma sœur...

Elle était suspendue à ses lèvres.

— Je me jetterais entre elle et une balle.

Les mots vibrèrent dans l'air, comblant le silence mieux qu'aucun hurlement exalté du public.

Un soupir collectif fit sourire béatement Titus et la sonnerie retentit. Pour eux, cette préparation était finie.

Une humidité imprégnait les joues de Zaya. Les projecteurs lui semblaient plus forts que jamais, lui brûlant les rétines.

Absence de colère, d'angoisse, de tristesse. Jeu, set, match.

Le sort en était jeté.

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