MISE À JOUR 1.3 - CALLUM
Le Rassemblement
— Callum, tu es vraiment pathétique. Je ne comprends qu'à moitié ta décision de participer à cette petite émission inutile, mais jamais je n'aurais cru que tu oserais y traîner ta sœur !
L'apollon poussa un long soupir, adossé contre l'un des murs courbes de la salle. Le Rassemblement allait bientôt commencer et sa mère ne pouvait pas s'occuper en brodant, lisant, ou même surfant sur le serveur par le biais de son e-brain dernier cri tout juste implanté dans son cerveau. Non, la mère Saywn ne pouvait trouver chaussure à son pied qu'en harcelant son fils aîné de deux minutes sur la soi-disant influence pernicieuse qu'il exerçait sur sa petite sœur.
Callum passa une main lasse sur son visage, les yeux dans le vague. Pas exactement dans le vague. Plutôt fixés sur la silhouette timide de l'adolescente prenant brusquement courage et descendant rejoindre la foule.
Elle avait quelque chose d'indéniablement attirant. Peut-être son regard, qui fuyait les autres, lorgnant le sol, comme si tout ce qu'il pouvait lui dire serait mille fois plus intéressant que ce que lui racontaient les autres. Une facette humble, posée, ailleurs. Assez rafraîchissant à vrai dire. Dans le moindre de ses mouvements, le moindre des plissements furtifs de son visage, naissait une sorte de nouveauté, une illusion majestueuse et imperceptible à l'œil non attentif.
Tout chez elle l'hypnotisait. Même ses vêtements trop larges et raccommodés à plusieurs reprises. Une défavorisée mineure dont seul le talent et le mérite avaient pu l'amener aussi haut.
Il voyait en elle un petit animal apeurée mais fort, prêt à surmonter sa peur pour survivre. Prêt à sortir les crocs pour mordre. Puis lentement, l'image symbolique de son impuissance se modifia. Prit des teintes plus complexes. Sans qu'il ne puisse réellement les comprendre.
— Callum Saywn ! Je te parle, fils indigne !
La voix assommante de sa mère lui fila un mal de crâne. Grimaçant et grognant, il appuya une main hagarde sur son front, là d'où provenait la souffrance.
— Je t'entends, fit sa voix mentale dans sa tête, avec une pointe d'agacement.
— Alors réponds-moi !
— Je te réponds.
— Tu veux jouer à ça ? Tu veux jouer, tu es sûr ?
— Mère, ils vont déconnecter nos e-brains afin d'éviter toute fuite au sujet de Replay. Tu devrais raccrocher avant qu'ils ne le fassent.
Pitoyable excuse, digne des hommes de l'âge de pierre. Ces bestiaux sans cervelles, plus proches du singe que de l'homme actuel. Et pourtant, Callum les enviait. Ils étaient si peu nombreux et la Terre fourmillaient de tant de vies qu'ils trouvaient toujours de quoi se substanter.
Callum faisait parti des "Grands". La plus basse caste effectivement, mais il faisait tout de même parti de la légende. Il avait côtoyé les plus grands lycées, avait eu les meilleurs systèmes informatiques du moment, avait collecté les bonnes notes contrairement à sa sœur, rebelle de toujours. Il avait cependant dérapé qu'une seule fois. Une seule et minuscule fois.
C'était Zaya. Encore et toujours, Zaya. Cette idiote avait provoqué un gars, assez riche et assez stupide. Bien que selon elle, ce serait lui qui aurait commencé en riant de ses vêtements. Car si Callum et elle avaient toujours été sur un pied d'égalité sur les choses qui avaient de l'importance pour leur avenir, ils avaient aussi connu des jours de faim. Des jours où ils devaient recoudre les trous de leurs pantalons. Certes, bien moins que ceux de la Basse. Mais dans cette région de favorisés où jamais un seul de ces miséreux n'avait un jour posé les pieds, les Saywn étaient une famille considérée comme pauvre, démodée et affamée. Et Zaya, à la beauté surnaturelle qu'elle jugeait suffisante pour l'élever, supportait difficilement cet état de fait.
Le gosse de riche s'était enflammé et avait continué de cracher son venin. Zaya était sur le point de pleurer de rage. Callum était là, à quelques pas seulement. Ils ne se séparaient jamais. Il l'avait vu se jeter sur le gosse, le projeter au sol et asséner son poing sur sa figure à multiples reprises. Figé, il n'était pas intervenu. Puis lorsque le visage du gosse avait été recouvert de sang, la logique et son sang-froid avait refait surface. Callum avait tiré Zaya de son corps, l'avait envoyé se laver les mains aux toilettes puis avait achevé l'oeuvre de sa jumelle.
Sa manœuvre avait eu son petit succès. L'école avait été scandalisée face à ses poings rouges et au corps évanoui du petit con prétentieux qui s'en était pris à Zaya. La directrice avait appelé sa mère, divulgué la terrible information qui abattit la honte sur la famille. Depuis ce jour, il était devenu le paria, celui qui était le fautif pour toutes les erreurs, pour toutes les insultes, pour tout et pour rien.
Mais c'était aussi depuis ce jour qu'il avait tissé un lien incassable avec Mike. Car ce petit gosse stupide et prétentieux, c'était lui, le blond acariâtre, cynique, et détestable.
Une perle, un joyaux dissimulé sous une carapace blindée renforcé de pieux embrochant tous ceux trop hardis pour s'approcher. Le travail parfait pour Callum. Pas après pas, il avait découvert le véritable Mike. Zaya avait développé un intérêt certain pour lui à son tour, plus profond et instable, qui paraissait non réciproque. Parfois, il se demandait s'il devrait à nouveau arriver aux poings avec lui pour sa sœur. Un jour. Puis il se demandait s'il pourrait ne serait-ce qu'y penser le faire.
Mike avait bouleversé sa vie. Il l'avait traîné dans la boue, et l'avait transformé en un bouc-émissaire. Il avait aussi assuré tant de fois ses arrières, pris soin de lui, écouté ses pensées noires.
Ce n'était pas qu'un ami. C'était un frère, un acolyte. Il avait totalement confiance en lui.
— Arrête de me mentir Callum ! Tu dois ramener ta sœur à la maison et tout de suite !
— Chère mère, Zaya est majeure. Je n'ai plus aucune influence sur elle. J'en ai jamais eu, en vérité. Si elle avait vraiment voulu rester à la maison, elle ne serait pas ici. Et si tu veux absolument la convaincre, prends contact avec elle. Je ne serais pas votre intermédiaire.
Un silence. Puis :
— Tu le regretteras Callum.
— Je regrette beaucoup de choses, mère, mais cette fois-ci, cela ne fera pas parti de ma liste. Au revoir, passe le bonjour à Père.
Et sans plus tarder, il coupa la communication.
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Replay
Ciencia Ficción3666. Entre projections et une humanité surpeuplée, Iria-Alessys, ou plutôt Ia, n'a qu'une seule possibilité pour échapper à sa destinée de miséreuse : participer à Replay, l'édition spéciale des cents ans d'Unreal, une émission mêlant jeu vidéo et...