MISE À JOUR 5.3 - CALLUM
Au cœur de la nuit
Callum ferma les yeux un instant, allongé sur son lit.
Son e-brain parcourait activement les playlists que sa mémoire avait téléchargé plutôt dans la journée. Un titre attira son regard virtuel. « No One's Here To Sleep » de Bastille. Une vieille chanson passée aux oubliettes. Le genre dont il était friand.
D'une impulsion électrique de ses nerfs, il choisit de la jouer dans sa tête, les notes résonnant sous son crâne. Purement simulées.
Les paroles lui faisaient mal. Toutes étaient devenues incompréhensible pour le peuple lambda, tant le langage avait évolué. Callum, lui, avait pris des cours supplémentaires afin de comprendre le sens de l'anglais d'avant.
L'anglais de l'âge d'or. La période où les humains avaient cru naïvement pouvoir sauver leur Terre d'une décadence assurée grâce à la technologie. Mais les humains étaient une race particulièrement gourmande, prenant plus que la nature pouvait leur céder. Toujours plus. Aucune technologie, aussi pointue soit elle, ne pouvait compenser les effets néfastes d'un tel virus.
« L'humain est le cancer de notre monde. »
Une très belle phrase, résumant dans son intégralité la situation actuelle.
Il se rappelait de la nuit où Anna l'avait prononcé. Il pleuvait des cordes et...
Un léger cognement le sortit de ses songeries. Dérivant son regard vers sa porte, Callum fronça des sourcils. Qui pouvait bien le déranger à cette heure ?
Grognant, il se leva et mit la lecture de sa chanson en pause. Il traîna des pieds jusqu'au seuil puis entrebâilla le battant, les yeux dans le vague.
— Salut, Cal.
Une colère inattendue prit possession de ses membres engourdis. Alors qu'il refermait la porte d'un mouvement d'épaule implacable, Mike la retint de son pied.
Callum fut obligé d'observer sa mimique suppliante à travers l'interstice alors qu'il luttait pour clore définitivement cette tentative d'approche.
— Cal, je t'en prie ! Laisse-moi te parler !
— Pars, Mike. Je ne suis pas d'humeur.
— Non. Pas avant qu'on ait tout mis à plat.
Il soupira profondément, cessant de se débattre. Il ne pourrait le faire changer d'avis. Parfois, il s'entêtait bien plus que Zaya. Ce qui n'était peu dire. Et ce cas semblait faire parti des exceptions.
Il serait capable de dormir sur le seuil en chien de fusil. Malgré le risque élevé d'être pris en train de violer le couvre-feu imposé. Il pourrait s'élancer contre la porte close afin de tenter l'infime chance de la briser. Malgré le risque de se déboîter l'épaule et d'être hors circuit de l'émission.
Il était capable de tout.
Et lui ? Pouvait-il laisser son ami souffrir en silence, le laisser foutre en l'air les plans de son Grand-Paternel ? Il ne risquait pas seulement de partir dans le jeu avec des sanctions ou de se casser quelque chose et ne pas participer du tout. Il se mettait en danger. Il avait vu de ses propres yeux ce qu'étaient les remontrances auxquelles il avait droit lorsqu'il désobéissait à Mikaealus Senior.
— Qui te dit que je veux te pardonner, Mike ? lâcha-t-il finalement, sa voix traînant sur son nom avec une colère sous-jacente.
Un silence. Une respiration plus marquée.
— Parce que si tu ouvrais un peu plus cette porte, tu verrais de tes propres yeux que j'ai accepté mes torts et que j'ai cherché à les réparer.
Callum, la main sur la poignée, s'immobilisa. Entièrement. En apnée. Avait-il... ? Non, il n'était pas si fou, tout de même !
Piqué par la curiosité, il fit pivoter lentement le battant.
Son souffle alors se coupa et ses sourcils montèrent jusqu'à se perdre derrière les mèches désordonnées glissant sur son front.
— Ia ?
Fluette, sa chevelure coincée à la hâte dans un chignon improvisé et vêtue comme une voleuse, elle haussa des épaules.
— C'est ton pote qui m'a convaincu de venir, dit-elle d'une voix basse et réservée.
Envolée l'assurance de ce soir qu'elle avait montré face à Titus. Bien qu'elle avait été remarquable, il la préférait ainsi, ses mains enfoncées dans ses poches, son regard gris observateur balayant chaque détail alors que du rose s'emparait de ses pommettes.
Détachant difficilement ses yeux de sa silhouette, il les reposa sur le visage plein d'espoir de Mike.
Puis les plissa, soudain suspicieux.
— Qu'est-ce qui t'as fait changé d'avis ?
Son acolyte humidifia ses lèvres et ébouriffa nerveusement ses cheveux.
Durant un instant, il crut à un piège. Une sorte de défi stupide lancé par Zaya. Puis il discerna cette lueur dans ses iris. Ce froncement de sourcils particulier, si léger qu'il était imperceptible pour les autres. Mais pas pour lui.
Mike avait toujours été très discret sur sa souffrance. La majorité du temps, il la dissimulait sous son masque habituel. Ce n'était plus seulement un geste réfléchi. Après... après Anna, il avait changé. Le mur qui ceignait son esprit s'était fondu en lui tandis que de nouvelles murailles s'étaient élevées. Et ce masque qu'il prenait attention à enfiler face aux inconnus et aux silhouettes floues qu'il détestait ; ce masque était devenu lui.
Callum croyait l'avoir perdu. Puis, à force de patience, il s'était aménagé une place dans sa confiance si restreinte. Il l'avait atteint, frôlé son esprit en peine du bout des doigts.
Depuis, il savait reconnaître les signes.
— Encore elle, n'est-ce pas, murmura-t-il, son regard s'ancrant dans celui de Mike.
Partageant souffrance, peur, inquiétude, chagrin. Secrets. Le lien était si fort entre eux qu'Ia se sentit obligée de toussoter pour rapporter l'attention sur leur venu.
— Bon, c'est bien beau cette réconciliation. Mais si je me suis levée à cette heure, c'est bien pour une de ses Night Parties des Grands dont on entend tant parler dans la Basse !
Callum esquissa un sourire. Tout prenait sens. Effectivement, Mike avait joué fin, cette fois-ci.
— Une Night Party ? dit-il à l'adresse d'Ia, avec tendresse et ironie mêlées dans sa voix veloutée Tu sais, il faut être quatre pour ce genre de jeu.
— C'est pour cela qu'ils m'ont récupéré en chemin, fit une voix familière dans le noir.
Zaya émergea de l'obscurité de sa démarche féline, son regard de braise fixé sur son frère. À leur hauteur, elle glissa un bras en travers des épaules de Mike et prit appui sur sa jambe droite, dans une position provocatrice qui lui était naturelle.
Elle était habillée d'un haut moulant et échancré, sa chevelure pâle dégringolant sur ses épaules nues. Parée pour le petit jeu que quémandait Ia.
Sous le regard surpris de son jumeau, elle eut un sourire en coin qui la fit rosir.
— Tu es un grand-frère vraiment pitoyable, tu le sais ?
Callum eut un petit rire, une sensation de joie et de reconnaissance s'épanouissant dans sa poitrine. Finalement, peut-être qu'il n'avait pas tout foiré...
Agrandissant son sourire, il posa son regard sur la silhouette frêle d'Ia.
— Si on est quatre, je ne vois pas d'objections pour une petite Night Party.
De toutes les attentions qu'il avait reçu en guise de gage de paix, la plus belle fut cette lueur d'excitation dans ses iris grises.
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Replay
Science Fiction3666. Entre projections et une humanité surpeuplée, Iria-Alessys, ou plutôt Ia, n'a qu'une seule possibilité pour échapper à sa destinée de miséreuse : participer à Replay, l'édition spéciale des cents ans d'Unreal, une émission mêlant jeu vidéo et...