"Divergence"

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MISE À JOUR 3.3 - CALLUM

Premier pas


Mike saisit violemment le poignet de Callum et le pressa entre ses doigts. La douleur remonta dans son bras mais le jumeau soutient son regard.

— Mais qu'est-ce que tu fous, Cal ? grinça-t-il.

— J'essaie de faire connaissance.

Ton calme, posé. Toutefois une rage intense bouillonnait dans ses veines.

La main de Mike tourna son poignet à la limite du point de rupture. Callum retint un cri.

— Tu vas arrêter avec ton syndrome du sauveur ! Cette gosse sera morte dès les premières minutes de Replay ! Tu n'as pas intérêt à nous la mettre entre nos pattes : je ne veux pas de boulet !

— Lâche-moi.

— Seulement si tu la renvoies d'où elle vient !

— Mikaelus, je ne plaisante pas.

Ton glacial. Son ami cessa aussitôt de crier.

Cédant à l'une de ses impulsions, Callum rapprocha son visage du sien et articula deux mots :

— Lâche. Moi.

Le grand blond sembla alors prendre conscience des regards convergeant sur eux. Grognant, il libéra Callum de son emprise. Ce dernier frotta nerveusement son articulation meurtrie.

— Bon, Cal, il faut que tu...

— Et si tu te taisais et me laissais enfin faire ce que je souhaite ? le coupa-t-il.

Mike eut une expression interloquée.

— Pardon ?

— Oui, pour une fois, arrête de vouloir tout contrôler. Je veux être ami avec cette fille, que tu l'aimes ou pas.

Il eut un rire sarcastique qui emplit la salle silencieuse. Les regards ne les lâchaient toujours pas, avides d'une confrontation prématurée. Si seulement Mike possédait plus de jugeote et n'avait pas décidé de piquer sa crise en public...

— Ami ? rétorqua-t-il d'un ton ironique. Ne me prends pas pour un idiot, Cal ! Je sais très bien que cette foutue mascarade d'amitié n'est qu'un moyen détourné pour obtenir plus !

Callum dût s'imposer une profonde inspiration. Un. Deux. Trois. Expirations.

Bien qu'un léger rose avait enflammé ses joues, ses traits étaient restés détendus, prônant une impassibilité presque dérangeante.

— Désolé Mike si cela ne te convient pas mais t'acharner sur moi dès que je trouve une possibilité de bonheur est tout à fait immature.

Le concerné souleva un sourcil, une mimique cynique se peignant sur son visage.

— Si cela n'interférait pas avec moi, je m'en ficherais totalement que tu couches avec une fille même pas majeure : c'est ta vie, pas la mienne. Mais dans ce cas, ta romance va nous traîner dans les pattes durant l'émission. Et je ne peux pas me permettre de perdre la chance de ma vie à cause de tes ébats amoureux !

Callum passa une main sur son front. Si cela continuait ainsi, son e-brain allait exploser sous l'afflux des ondes négatives.

— Mike, calmons-nous d'abord. Ia n'est pas le genre que tu crois...

— Ia ? La fille s'appelle Ia ?

Un instant de silence. Le temps pour que Callum cerne le changement de ton de son ami. Il n'était plus furieux. Mais nerveux.

— Oui, pourquoi ?

Aussitôt qu'il sembla toucher le nerf sensible, Mike se referma sur lui-même. Arborant un masque d'acier, il n'exprimait plus aucune émotion.

— Je ne la veux pas dans notre groupe. De loin ou de près. Ne la côtoie surtout pas.

L'apollon fronça des sourcils.

— Mais qu'est-ce qu'y a, Miky ?

— Je te dis de pas l'approcher ! tonna-t-il. Obéis-moi seulement !

Silence. Durant lequel la barrière qui retenait la fureur de Callum se brisa en multiples morceaux. Les mots se déversèrent de sa bouche sans qu'il ne puisse les arrêter, acides et violents :

— Et c'est ce que tu as fait pour Anna, peut-être ?

Une pause. L'instant sembla suspendu dans le temps. Sans aucune réaction de la part de son ami. L'espace d'un moment, il crut que ses paroles seraient sans effet.

Puis il vola en éclats : le poing serré de Mike percuta la mâchoire de Callum d'un mouvement d'épaule.

Sa tête fut projetée en arrière. La souffrance embrasa son cerveau, brouilla sa vision. Un goût métallique se répandait dans sa bouche, synonyme d'échec.

Il ne contre-attaqua pas aussitôt : la tête baissée, les yeux perdus au loin, sa mémoire se perdit dans des souvenirs agréables. Dans ses yeux gris, plus argent sous la lumière des néons, qui l'examinait avec suspicion. Dans sa voix légère, incertaine : « Callum... Je peux t'appeler Callum ? ». Son prénom prononcé par elle avait une toute autre sonorité, plus profonde, plus intense.

Et Mike s'attendait à ce qu'il lui tourne le dos ainsi, sans poser plus de questions ? Peut-être qu'il était allé trop loin avec Anna. Il ne méritait pas qu'on lui remue le couteau dans la plaie. Mais lui aussi l'avait poussé à sortir de ces gonds. Pourquoi se devait-il être aussi catégorique ?

— Pardon, marmonna-t-il.

Cela lui fit au mal au cœur de sortir ce mot. Comme si toutes les horreurs qu'il avait proféré sur Ia étaient sans conséquence.

Le visage du grand blond se déforma dans un méli-mélo d'émotions intenses. Il se rapprocha de Callum et agrippa son épaule d'une étreinte masculine. Le jumeau reçut alors un uppercut en plein ventre.

Il hoqueta, cherchant son souffle. Une vague de nausée remonta dans sa gorge, brûla les parois de sa bouche.

Les lèvres de Mike frôlèrent son oreille.

— La prochaine fois que tu oses dire un mot de plus sur elle...

La fin ne vint pas. Une main avait tiré le corps du grand blond à l'écart du conflit.

En levant la tête, il aperçut Zaya aux prises de celui-ci, lui hurlant de demander des excuses. Cette fois-ci, Ia se trouvait à quelques mètres. Elle observait le spectacle, catastrophée, tout en mangeant distraitement son muffin. Elle était d'une douceur enfantine. Cette innocence le ravissait contrairement à Mike. Cela devait l'horripiler.

Mike, son acolyte. Comment leur relation avait-elle pu subir une telle dispute ? D'où provenait les racines du mal ? « Anna » lui chuchota une voix intérieure. Anna, évidemment. Tout avait un rapport avec elle.

— Non, mais tu te rends compte du pourquoi tu as frappé ton meilleur ami ? s'égosillait Zaya de son côté, tout en frappant de son index tendu les pectoraux de Mike à chaque mot. Mon frère en plus de cela?

Parce qu'il l'avait nargué. Parce qu'il avait dépassé la ligne rouge.

Ravalant la sensation d'humiliation qui imprégnait chacun de ses pores, Callum sortit du réfectoire, la pomme en main.

Il trouva refuge sur un balcon non surveillé, ce qui était très rare au siège d'Unreal. S'y glissant, il s'assit dos contre le muret contempla la végétation qui s'étendait sous ses pieds.

Unreal faisait parti des dernières industries produisant de l'énergie par le biais de la photosynthèse, préférant privilégier la propreté et la profusion régulière que la grosse quantité à bas coût du Prolty, nouveau carburant bien moins performant. Ce verger sauvage sous verre devait être leur bien le plus précieux.

Callum avait rarement vu des plantes d'aussi près. Elles avaient presque toutes disparu de la surface de la Terre. Il trouvait en elles une certaine élégance, une tenue gracile et joyeuse.

Un peu comme Anna.

Il croqua distraitement dans sa pomme, son regard se perdant à nouveau au loin.

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