Replay

"Souvenirs"

MISE À JOUR 7.1 - MIKE

Les premières pièces du puzzle

Mike se réveilla en douceur.

Tout son corps étaient engourdi. Gelé par le froid suintant des murs. Ses yeux papillonnèrent, son regard se promena le long des fissures. Sa respiration lourde présentait des difficultés à passer le barrage de ses lèvres.

Il était dans la projection. Il sentait les mécanismes s'assembler, actionnant sa réflexion endormie. D'abord, les questions primordiales. Où et quand.

Il se redressa avec délicatesse, ses pensées perdues se mêlant à l'état mental que lui dictait le programme. Ses yeux se posèrent sur l'unique fenêtre d'où filtrait à travers des barreaux une lumière terne, lourde de poussière.

Où était-il ?

Il apposa ses mains sur le sol, tentant de distinguer le moindre indice. Quelque chose dans le souffle du vent qui s'engouffrait lui donnait une sensation de vitesse vertigineuse. Pourtant il ne ressentait aucune vibration parcourir le béton armé.

Finalement, il remarqua la présence de la porte. Métallique et cabossée, elle semblait infranchissable. Il observa ses vêtements avec étonnement. Un uniforme pourpre non ajusté qui glissait de ses épaules.

Prisonnier. Il était prisonnier.

Inspirant profondément, il se leva et s'approcha de la fenêtre. Ou plutôt du trou béant dans le mur. Grâce à sa grande taille, il put agripper les barreaux extérieurs et se soulever. Ses yeux accrochèrent un paysage flou. Gris, noir, rouge. Beaucoup de rouge. Et une odeur de putréfaction emplissant sa poitrine à en lui donner la nausée.

Il relâcha bien vite les barreaux, dissimulant cette vision d'horreur de ses rétines.

Les détails lui avaient échappé, la vitesse perturbant ses sens. Mais il avait su rallier cette perception confuse avec l'unique expérience qu'il avait eu des trains. Lorsqu'il était plus jeune. Bien plus jeune.

« Une main qui tente de le retenir sur le quai. Sale, calleuse, fripée. Un sanglot dans son dos. Étouffé et rauque. Purement masculin.

— Edwy. Edwy, je t'en prie !

Une autre main plus douce le tirant de l'autre côté. Vers le wagon aux lignes épurées qui l'attirent inexorablement.

— Ne l'écoute pas, Mikaelus. Nous allons en vacances chez ton Grand-Paternel.

Une voix légère, parfumée. Indéniablement féminine et distinguée.

— Edwy, si tu la suis, je ne te reverrais plus jamais !

Craquelles. Tonalité masculine cédant sur les deux derniers mots.

— Et tu en dois être heureux, Mikaelus. Après tout, comment peux-tu être fier d'un père pareil ?

Son timbre sucré s'insinuant sous sa peau. Persuadant. Convaincant. Détruisant les doutes.

— Edwy, mon petit garçon ! Je t'en prie, ne me laisse pas seul !

Sa main crasseuse tirant sur son bras, faisant poids depuis sa position agenouillée. Presque rampant.

Comme un insecte.

Il prit peur. Il secoua son bras, brisant l'étreinte qui le répugnait.

— Lâche-moi.

Voix glaciale.

— Je m'appelle Mikaelus désormais.

— Mais...

— Non ! Tu n'es pas mon père !

Un silence. De simples yeux d'enfants. Pourtant, brisant à coups de massue la carcasse de cet homme épuisé par la vie.

Il était si vieux. Si sale. Si... sauvage. Il n'était presque pas humain. Il n'était pas humain.

— Tu ne le mérites pas. »

Son cœur affolé ne parvenait pas à s'apaiser. Il cognait si fort dans sa poitrine qu'il en ressentait les pulsations dans le bout de ses doigts.

Le souvenir lui avait paru plus vif que jamais. Ceci était anormal. Était-ce un effet secondaire du programme ? Ou bien volontaire ?

Son esprit était surveillé. Il en était certain.

Se pinçant les lèvres, il passa une main dans sa chevelure puis fit les cent pas. Dans tous les cas, il savait à présent qu'il se trouvait dans un train. Particulièrement évolué par la lourdeur de ses matériaux, la vitesse affolante et l'absence de secousse.

Emprisonné dans un train ? Avec une odeur de mort et un froid intense ? Son Grand-Paternel prenait au sérieux Replay. Son avenir était brumeux, incertain. Il n'avait aucune information. Il ne pouvait qu'attendre.

Le moment de libération lui fut enfin accordé alors qu'il s'était accroupi dans un coin de la pièce. Ouvrant les yeux, il les posa sur les deux silhouettes venant d'entrer dans sa cellule. Encapuchonnées par de longues toges en lin, leur figure était plongée dans l'obscurité. Il émergeait d'eux une sorte d'aura. Quelque chose de sombre et de venimeux.

Mais alors que son cerveau lui criait de s'en méfier, son cœur accéléra sous l'envie de s'en rapprocher. Cette aura envoûtante susurrait à son oreille des mots silencieux, portant sa pompe vitale en rébellion contre la raison se logeant dans les coins et recoins de son cortex.

— Il est l'heure, Mikaelus. Tu vas être enfin intégré à la Communauté.

— Je ne veux pas de votre Communauté, les gars, répliqua-t-il d'une voix sèche. Je crois que je vais passer mon tour.

Un silence. Puis ils se rapprochèrent d'un pas encore.

— Tu devrais t'estimer heureux, Mikaelus. Notre Majesté va assister à ton Intégration.

Il ignorait qui pouvait bien être Leur Majesté, mais actuellement il s'en moquait. Bien que la sensation d'être pris en piège s'amplifiait et qu'il en souffrait comme un animal en cage, leur charisme l'attirait. Lui donnait envie de combler le reste d'espace entre eux par ses propres pas.

— Mon Intégration ?

— Cela sera bref et peu douloureux, Mikaelus. Fais nous donc confiance.

Au fond de lui, il savait que cette histoire d'Intégration ne lui apporterait rien de bon. Mais il céda.

Se relevant, il les rejoignit puis les suivit en dehors de sa cellule avec docilité. Ils le menèrent en quelques pas à une salle enfumée et peu éclairée.

Mais alors que son regard aurait dû s'attarder sur l'autel puis sur les silhouettes accroupies qui se tenaient les mains, son attention fut irrémédiablement aimantée par les iris argentés qui le fixaient. Avec une once d'horreur vibrant sous la surface.

Mike fronça des sourcils, rejouant les dialogues avec ses guides. Puis il finit par faire le lien. Sa bouche s'entrouvrit, la stupeur bloquant ses cordes vocales.

Leur Majesté. C'était elle. Évidemment. Quoi de plus ironique ?

 — Ia ? lâcha-t-il faiblement.