Chapitre 1 : Muette

27K 1.1K 24
                                    


Un soir de juillet 2018, Florence

Assise dans la baignoire, la tête sur les genoux je sens la chaleur de l'eau chatouiller mon visage, ça en est presque étouffant. Je déplie mes jambes et les allonge comme je le peux dans mon étroite baignoire. Une odeur des Antilles enivre mes narines et me procure un étrange bien-être.

Je regarde un peu hagard la salle de bain. Les joints de carrelage qui étaient auparavant blanc cassé, certainement, sont devenus grisonnant avec le temps. Je vois mêmes des rayures sur le carrelage blanc ce qui donne un caractère vétuste à la pièce. Le néon au-dessus du lavabo ne fait que renforcer l'austérité de la salle de bain. Cette pièce est à mon image, elle a connu son heure de gloire avant de connaître sa déchéance. Brisée en mille morceaux, j'aimerais redevenir la jeune fille que j'étais.

Au bruit de la sonnerie de mon téléphone portable, je laisse mon visage glisser sous l'eau. Le téléphone sonne, je le sais, mais le silence règne sous l'eau. Ce silence est si reposant, je me retiens de respirer. Soudain un bruit sourd retentit dans la salle de bain et deux mains me prennent par les épaules ce qui me fait sortir la tête hors de l'eau.

- Je peux savoir ce que tu fais, Chiara ?!, s'emporta mon grand frère.

J'aimerais lui rétorquer quelque chose, lui demander ce qu'il fait ici, dans mon appartement, dans ma salle de bain mais je suis incapable de parler depuis deux mois, depuis ÇA. Je suis juste soulagée que mon corps soit recouvert par la mousse. C'est mon frère certes mais je suis une femme avant tout. Je le regarde avec étonnement et surprise.

- Ne me regarde pas comme ça ! Ça fait depuis trois heures que j'essaie de te joindre mais je tombe toujours sur ta boîte vocale.

Si tu tombes sur ma boîte vocal c'est peut-être pour une bonne raison, pensai-je en mon for intérieur.

- Vu ton état depuis deux mois, je me suis tout de suite inquiété de ton silence, poursuivit Lorenzo.

Je soutiens son regard avant de regarder mes orteils, laissant volontairement un silence régner. Il soupire en constatant que ça ne sera pas non plus aujourd'hui que je compte lui répondre quelque chose. A quoi cela servirait ? Il ne comprendrait pas, personne ne peut comprendre de toute manière.

- Que s'est-il passé Chiara ?, me demanda-t-il d'un ton suppliant.

Il me la pose depuis deux mois, depuis que je l'ai appelé en pleure après cette soirée.

- Tout le monde commence à s'inquiéter !, s'emporta Lorenzo. Papa et maman surtout.

Je soupire mais compte bien garder le silence. Ne dit-on pas que le silence est d'or ?

- Chiara tu sais dire ou faire autre chose que soupirer ou rester muette !

Mon frère est ce genre de frère très protecteur vis-à-vis de sa petite sœur, peut-être même un peu trop parfois. Oh je ne dis pas que ça a toujours été inutile, je dois même avouer que c'était très pratique au lycée quand les garçons m'embêter. Mais j'ai dix-neuf ans maintenant et je ne suis plus un bébé, enfin sauf pour mes parents où je le serais encore longtemps.

- Je sais que tu es incapable de dire quoique ce soit et le médecin a dit que ça pouvait prendre du temps avant que tu ne reparles mais sois au moins attentive à ce que je te dis, me dit-il gentiment.

Ses traits se détendent quand il me voit afficher un rictus involontaire sur le visage. Je n'ai pourtant pas envie de sourire mais savoir que je peux compter sur lui en toute circonstance me fait du bien et lui sourire est finalement la moindre des choses.

CHIARAOù les histoires vivent. Découvrez maintenant