Quatrième chapitre

74 11 16
                                    

Avril 2146 - Age d'Octave - 5


Rodrigo quitta sa tour d'habitation en tenant Octave par la main, puis se dirigea vers l'un des nombreux vélos qui se trouvaient à disposition dans le parc. Il en déverrouilla les roues d'une touche de bracelet au guidon, et souleva Octave pour l'asseoir sur le siège arrière. Il régla ensuite la température de la tunique de son fils pour compenser le froid extérieur, et enfourcha sa monture.

Rodrigo se mit à pédaler pour rejoindre les voies de circulation en terre. La vitesse accentuait la fraicheur du vent sur leurs visages. Le vélo n'était pas le plus agréable des moyens de locomotion par temps hivernal, mais compte tenu du coût de l'énergie depuis le début de la guerre, ils ne pouvaient pas se permettre d'emprunter un drone avec cabine. Ne leur restait que l'alternative du froid chaque matin, pour se rendre à la station d'atubes la plus proche.

Octave, cinq ans, se laissait tracter, confortablement installé dans son siège arrière. Son visage d'enfant était rougi par le froid, mais il souriait en observant son chien virtuel galoper à côté du vélo.

L'animal n'était qu'un spectre de lumière, généré par leurs bracelets conjugués, mais il avait le comportement et l'apparence d'un vrai. Sorte de tamagoshi moderne, l'animal virtuel, moins consommateur en ressource que son équivalent réel, s'était peu à peu reproduit dans toute l'Europôle.

Il y avait différentes races de chien et chaque animal était unique, doté de sa propre personnalité. Ses caractéristiques singulières découlaient de celles de ses parents, virtuels eux aussi. Des professionnels de l'élevage dressaient ainsi toute sorte d'animal générés par le Cerveau. Pour une somme modique, un éleveur pouvait même payer des gènes surnaturels à protégé, afin que celui-ci puisse voler, ou dire quelques mots en langage humain. La compagnie de ces fidèles amis virtuels constituait un ersatz convainquant de leurs équivalents réels, prohibés en ce temps.

Rodrigo gardait un œil sur sa bague électronique, dont la couleur variait du rouge au vert selon l'évolution du match de football qu'il suivait. Brutalement, il freina, mais trop tard. Son vélo dérapa sur le chemin de terre, avant de s'encastrer dans un autre arrêté en pleine voie.

Le choc propulsa Octave contre le dos de son père, lui-même désarçonné de sa scelle. Leur chute commune sur les vélos enchevêtrés fut douloureuse. Les autres cyclistes continuaient à passer tout près d'eux sans s'arrêter. Nul doute que si Rodrigo avait été mieux gradé, ceux-là même se seraient précipités pour l'aider.

Il parvint à se relever et tapota sa tunique pour en retirer la poussière. Redressant Octave d'une main et son vélo de l'autre, il constata que son fils avait l'air indemne à quelques égratignures près. Un jeune homme les regardait d'un air interloqué et il devina qu'il s'agissait du fautif.

― Non, mais qu'est-ce que vous foutiez, arrêté en plein milieu du chemin !

Avant de lever la voix, Rodrigo avait pris soin de noter l'infériorité du grade de l'autre.

― J'étais sur le bord ! protesta l'individu avec la même hargne. C'est vous qui avez foncé sur mon vélo comme un dératé !

Ils quittèrent le passage afin de continuer à s'écharper en toute sécurité. Le chien s'approcha d'Octave selon l'algorithme, afin d'apporter du réconfort à l'enfant. Rodrigo et l'étranger entrechoquèrent leurs bracelets et leur noms apparurent l'un à l'autre sur l'application LifeWatch. Plus hygiénique que la poignée de main, LifeWatch gardait en mémoire tout l'historique des interactions, de sorte qu'on ne pouvait jamais oublier le nom d'une vieille connaissance.

AlgocratieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant