Douzième chapitre

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Avril 2186 - Age d'Octave - 45


Les Diplomates avaient arraché plus de cinquante sièges aux Pacifistes en l'espace d'un an. Une droitisation de nature à inquiéter le Roi d'Orient, dont le plus clair de la politique étrangère ne consistait jusqu'ici qu'à profiter de sa position dominante.

Certains observateurs alertaient leur audience sur les signes avant-coureurs d'un conflit en Méditerranée, car sous couvert d'exercice, les armées s'amassaient sur les deux rives opposées.

Alors que le téléphone rouge s'apprêtait à sonner, les tribunes de l'Assemblée étaient pleines de leurs mille délégués, dans une atmosphère digne des plus grands évènements. Beaucoup attendaient du dialogue promis par le Roi, qu'il désamorce la poudrière géopolitique.

« Mesdames et messieurs les délégués de la Guerre, annonça la voix solennelle du Cerveau. Le délégué Banks. »

Soudain, le brouhaha cessa, les délégués se levèrent, et l'homme du jour entra sous leurs regards scrutateurs. Octave vint se placer au centre du large perchoir, où était installé le fameux fauteuil rouge. Faisant face à l'Assemblée, il distingua les habitués des premiers rangs. Otto, David, Andrew... Ces augustes personnages avaient façonné l'Histoire récente, et c'était impuissants qu'ils allaient assister à sa manœuvre. Lui sur qui nul n'aurait parié un forsitin trente ans plus tôt.

Il positionna son oreillette, dans laquelle la voix du Comte Stanovic se fit entendre sans tarder.

― Fais bien attention à la manière dont tu vas t'adresser à lui, conseilla-t-il d'un ton menaçant. Il est crucial de respecter le protocole...

― Et moi, répondit Octave sans même le regarder, je te fais confiance pour ne pas m'interrompre.

Les délégués de droite s'enthousiasmèrent de la réplique cinglante, heureux de trouver en lui un homme combatif. En réalité, Octave sentait sa mâchoire trembler lorsqu'il parlait, incertain que son ton soit ferme face au Roi.

Soudain, la voix off lança le décompte.

― Liaison avec Pékin dans cinq, quatre...

Une brume virtuelle envahit l'Assemblée, les tribunes furent recouvertes d'un écran holographique et Il apparut à la place des spectateurs. Le Roi Abdelmarik, encadré par sa suite de conseillers.

Il portait un uniforme militaire, alourdi par de multiples médailles du côté du cœur. Avec ses étranges piercings au crâne, il n'avait pas l'apparence d'un humain ordinaire. Debout et parfaitement immobile, il avait le bras en appui sur l'accoudoir de son trône doré.

Autour de la délégation, apparaissait un décor naturel au creux d'une forêt. Les moindres détails avaient été négociés comme susceptibles d'influencer le cours la rencontre. Un ruisseau à mi-chemin matérialisait la séparation entre les deux camps.

« Conférence de la rivière du Mante » s'afficha en toutes lettres au-dessus du cours d'eau, puis disparut.

Les deux hommes se jaugèrent un moment, à cinq mètres de distance, sans échanger le moindre mot. Les secondes s'allongèrent, et Octave sentit son corps frissonner d'anxiété. Il n'avait pas anticipé une telle tension d'entrée.

« Laisse le venir, lui conseilla Brian. Laisse le parler en premier. »

― Dis quelque chose, délégué ! lui souffla Otto Stanovic dans l'oreillette.

Le Roi rompit finalement le silence.

― Délégué Banks, vous ne me saluez pas ?

Octave se demanda si les mots allaient sortir de sa gorge nouée. Il pesa chacun d'entre eux, avant d'espérer les prononcer.

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