Dix-neuvième chapitre

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Janvier 2171 - Age d'Octave - 29


La commémoration avait lieu à Minsk, dans la province agricole du Belarus. Au micro, un vétéran partageait ses souvenirs de la grande bataille qui s'y était jouée. Très peu concerné par sa jauge, il la laissait dépérir, allongeant son récit de détails fastidieux.

Petrol n'appréciait guère ce genre de cérémonie, et comme à son habitude, il avait envoyé son apprenti pour le représenter, trop content de pouvoir s'en débarrasser quelques jours. Rien n'allait plus entre eux, au point qu'Octave se demandait pourquoi son maitre ne le congédiait pas.

Il accomplissait les corvées du délégué, en tâchant d'y trouver un intérêt quelconque. Et ce type de cérémonies en avait un non-négligeable : on s'y faisait des contacts. Le chef du parti par exemple, s'y rendait en personne, et à force d'être assis non-loin, Octave pouvait se targuer de quelques conversations avec David Lescott. Des conversations bien notées par le patriarche.

Des coups de canons furent tirés après le discours et la moitié assoupie de la tribune sursauta. Les invités observaient le somptueux Monument des Braves, au pied duquel avait lieu la cérémonie. Octave n'écoutait pas car après avoir réussi à s'asseoir à côté de David, il avait une idée en tête.

― Je ne peux plus garder mon maitre actuel, déclara-t-il de but en blanc. Je souhaite en changer.

David fronça les sourcils sans décrocher les yeux du cérémonial.

― Pour changer de délégué, il faut avoir une raison valable. Quelle est ta raison ?

― Petrol ne croit pas en moi. Il me voit au mieux comme un genre de secrétaire. En quatre ans, je n'ai rien appris !

― Il sait sans doute ce qu'il fait. Questionner l'efficacité de ton apprentissage ne justifie pas un changement de maitre...

― Je pense qu'il se méfie de moi !

― A-t-il des raisons de se méfier ?

La question était venue si rapidement qu'elle le déconcerta.

David, tourna la tête vers le jeune homme pour l'obliger à répondre.

― Je ne l'ai jamais trahi...

― Si tu as toujours fait ce qu'il te demandait, alors en effet, il aurait tort de se méfier.

― Je me suis déjà opposé à lui, mais n'est-ce pas le rôle d'un délégué de défendre ses convictions ?

― Et quelles sont tes convictions ?

Octave prit la peine d'y réfléchir, observant en silence les soldats qui hissaient le drapeau à la tête d'aigle.

― Je pense que la paix ne peut se faire qu'avec un rapport de force s'équilibré entre les deux zones.

― Donc tu penses qu'il faudrait renforcer notre armée pour qu'elle devienne l'égale de celle du Roi ?

― Oui, répondit-il sûr de lui.

― Et si après avoir été notre égal, le Roi d'Orient venait à faiblir, diminuerais tu d'autant la puissance de l'Oxydria ?

― Non, bien sûr !

Octave comprit dans l'instant qu'il avait sans-doute répondu un peu vite.

― Mais alors, répliqua David toujours fixé sur la commémoration, le rapport de force ne serait plus équilibré, et la paix serait à nouveau menacée.

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