Vingtième chapitre

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Avril 2187 - Age d'Octave - 46


Tout nouveau grade venait agrandir le champ des possibles pour les oxydriens, en leur donnant accès de nouveaux droits. Nombreuses étaient en effet les œuvres humaines ou les aliments interdits au-dessous d'un certain niveau. Ainsi le chocolat ne s'obtenait qu'au cinquième grade, et un artiste pouvait indiquer un niveau minimal d'accès à son contenu.

Au vingtième grade, le citoyen gagnait le droit d'échanger deux bras ou deux jambes naturelles contre des membres bioniques. L'opération permettait d'augmenter les performances du corps humain à des fins diverses. Au point que les sportifs qui en étaient dotés jouaient dans leurs propres ligues, afin de préserver l'équité. Ces championnats spectaculaires attiraient le foules, et les grands sportifs en fin de carrière la prolongeaient en se rachetant une jeunesse.

Au vingt-cinquième grade, les citoyens accédaient à l'Isle. Autrement appelée l'Islande. Elle était réputée magnifique et sa population n'était composée que de notables oxydriens. Nul ne pouvait s'y rendre à moins de posséder le grade requis. Quant aux proches accompagnants, ils n'étaient tolérés que sous réserve d'un historique d'interactions suffisant avec la personne.

Pour la vaste majorité en revanche, la province insulaire constituait un parfait mystère, d'où ne parvenait jamais la moindre photo ou anecdote. Les algorithmes du Cerveau filtraient tout ce qui évoquait l'Isle sur le bracelet, de sorte que seul le bouche à oreille répande les histoires de l'Isle.

Pour une raison inconnue, les pères fondateurs avaient souhaité cette entorse minime au principe d'équité entre citoyens. Une utopie qui autorisait tous les fantasmes de ceux qui n'en savaient rien, et qui la comparaient à la cité radieuse de l'Atlantide.

Au vingt-huitième grade, le citoyen s'assurait une place dans un bunker en cas de catastrophe naturelle ou humaine. Faute de place pour les sept milliards d'oxydriens, la distinction par le grade s'était imposée d'elle-même.

Au trentième-troisième grade, un cœur artificiel était offert, prolongeant l'espérance de vie de son porteur d'une douzaine d'années. Une opération qui relevait le coût total de l'individu pour l'Etat, mais qui se justifiait par son utilité reconnue.

Enfin au trente-cinquième grade, le citoyen était convoqué à Londres, dans les locaux du Cerveau, où il se voyait révéler le secret du Grade Trente-Cinq. Nul n'avait jamais commenté son contenu après l'avoir entendu. C'était comme s'il était trop grave pour que l'on puisse prendre le moindre risque à son sujet.

Une fois le grade atteint, les présents associés étaient dus à vie, y compris pour ceux qui rechutaient ensuite. Ainsi, et bien qu'il ne soit plus qu'à vingt-six, Octave conservait ses droits non-consommés.

La chirurgie ne le tentait guère, car bien qu'indolore, elle nécessitait de l'immobiliser quelques jours. Luxe dont il ne disposait pas, sans cesse balloté par l'actualité.

Il se trouvait dans son petit appartement mono-citoyen, lorsque Brian lui écrivit.

« Tu n'as plus Spionna dans les jambes. Si tu déménages en province d'Islande, tu y seras à l'abri des médias. Et puis c'est là-bas que sont tous les Interprètes... »

« Si je déménage sur une île alors que les Russes menacent d'attaquer l'Europe, le peuple va penser que je fuis. »

« Le peuple attend de son Interprète de la Guerre, qu'il s'agite pour des raisons qui lui échappent. En Islande, tu bénéficieras de l'aura de l'île. C'est sur l'Isle qu'est ta place. »

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