Vingt-deuxième chapitre

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Février 2172 - Aged'Octave - 30


Ce fût dans le but de répondre aux grandes catastrophes naturelles de 2099, que les pères fondateurs imaginèrent l'Oxydria. A cette époque, la population se remettait à peine des virus qu'avait libérés la fonte des glaces en Antarctique. La prise de conscience en matière écologique mena la population à adopter un état central, unique propriétaire des ressources communes. La seule entité à même de garantir une gestion raisonnable à long terme.

Sous l'impulsion de l'Assemblée des Ressources nouvellement créée, les intérêts court-termistes du capitalisme, furent proclamés incompatibles avec le respect de l'environnement, et l'import de produits africains ou asiatiques fut prohibé au motif de leurs conditions de production. Faute d'échanges commerciaux, les relations entre Orient et Occident se raréfièrent, constituant un terreau fertile à la Grande Guerre qui devait suivre.

*

Lorsqu'il entreprit les démarches administratives pour émigrer vers l'Orient, Octave se remémora que son père avait attendu plusieurs années avant d'obtenir son visa. Aidé par les contacts de David Lescott, lui n'eut à attendre que six mois.

Sur un formulaire, on le pria d'indiquer le nombre de semaines qu'il prévoyait pour son séjour, ce dont il n'avait pas la moindre idée. De sa réponse dépendait pourtant sa quantité de monnaie initiale, car les bureaux de l'émigration remboursaient en devise la période pendant laquelle il ne profiterait pas des rations en caloros.

Avec un pincement d'incertitude, il opta pour la durée minimale : trois ans.

Les bureaux de l'immigration l'assignèrent alors à un stage d'une semaine, afin de l'initier aux mœurs d'une culture bien différente. Une présentation qui ne le rassura pas, bien au contraire.

La gestion de la monnaie était à n'en pas douter le point le crucial de la survie en jungle capitaliste. Et aux vues de la complexité de cette gestion, Octave s'estima heureux d'être né dans une nation où elle n'avait plus cours.

A la fin de son stage, il reçut sept-cent mille Yuans en échange de sa renonciation à vivre du pradisme pour trois ans.

Sans autre critère que la probabilité d'y trouver le Roi, il sélectionna Pékin comme destination initiale.

*

Chargé d'un bagage que lui avait préparé le bureau de l'émigration, Octave se rendit seul au spatioport de Frankfort. Le lieu lui évoqua le triste souvenir de sa mère, ce qui n'arrangea rien à la mélancolie qui lui nouait déjà l'estomac. Il s'apprêtait à quitter son monde pour un autre, duquel il ne connaissait que des rumeurs négatives.

Sa grande aventure commença avec l'intense accélération du décollage à la verticale, dos au sol. La poussée et les turbulences furent si puissantes, qu'il continua de trembler dix minutes après la stabilisation de la navette dans l'espace.

Lorsqu'enfin il parvint à se détendre, il observa qu'à l'intérieur de la vaste cabine, tout était fait pour apaiser le passager. Sur trois compartiments, deux contenaient des sièges aux tissus fins et confortables, dans une ambiance chaleureuse. Le dernier permettait aux passagers de profiter de l'expérience spatiale, avec une salle de lévitation conçue comme une attraction.

Trop préoccupé pour s'essayer à cette nouvelle sensation, Octave attrapa le magazine qui se trouvait devant son siège. C'était la première fois qu'il voyait des images imprimées sur du véritable papier. La majorité de la revue faisait l'éloge de produits de luxe dont il n'avait jamais même envisagé l'existence. De simples sacs, qui n'étaient pas plus utiles que leur équivalent en plastique, coutaient jusqu'à un tiers de son trésor personnel, soit un an de vie en Oxydria.

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