Sixième chapitre

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Décembre 2184 - Age d'Octave - 43


« Je vais en ville et je risque de rentrer tard. Bisous mon amour. »

Octave referma l'écran de son bracelet. Sa femme ne parvenait à le laisser tranquille que lorsqu'elle ne voulait plus être dérangée. Elle pouvait oublier tous leurs problèmes, pour les reprendre dès qu'elle s'ennuyait à nouveau. Une pile de problèmes qui ne cessait de grossir depuis des années au point qu'il préférait désormais les éviter plutôt que les résoudre.

Il savait parfaitement à quel genre d'activité elle comptait s'adonner. Le rêve-lucide était son passe-temps favori. Loin de cautionner ce que la société considérait comme une drogue de substitution, Octave profitait des quelques heures de tranquillité que cela lui offrait chaque jour.

« Amuse-toi bien ma chérie ! », répondit-il, feignant la naïveté.

*

La porte se referma derrière Spionna dès qu'elle fut sortie de son appartement. Surexcitée, elle trépignait d'impatience.

« Suivez les flèches vertes » indiqua le bracelet de Spionna.

Les flèches holographiques la guidèrent à travers le dédale des couloirs de son étage, jusqu'à l'ascenseur le plus proche. Elle y pénétra, et se vit propulsée en douceur jusqu'au cent-troisième étage de son immeuble. Les flèches en suspension terminèrent de la guider vers le bloc de cellules récréatives, où elle poussa la porte de CreateAWorld.

Son bracelet s'illumina comme à chaque fois qu'elle passait cette porte.

« Salle de rêves lucides de l'immeuble Goderville – Lisez bien la notice des effets indésirables. Neuf personnes présentes. »

Les huit cabines de la salle étaient fermées, signe que des clients les occupaient déjà.

Elle ne cacha pas sa contrariété, si bien que l'homme au guichet dut relever la tête du code qu'il était en train de composer.

Comme il le répétait souvent et bien que derrière un guichet, son travail ne consistait pas en l'accueil des clients. Il se considérait plutôt comme un artiste du rêve, inventeur des scénarios et d'univers variés.

Un tatouage imitait une balafre des plus étranges sur sa joue gauche. Il avait l'apparence négligée d'un oisif, trop fainéant pour se raser ou pour de se couper les cheveux, alors même que chaque étage disposait de son propre salon de coiffure automatisé.

― Salut Spionna, fit-il sans entrain.

Ils effleurèrent familièrement leurs bracelets.

― Me dis pas que t'as aucune cabine de libre... maugréa-t-elle.

― Pas avant trente minutes, nan.

Elle fit part son immense déception, restant plantée là, très embêtée.

Comme il ne réagissait pas, elle pivota pour mettre bien en évidence le grade de son épaulette, ce qui eut pour effet de contrarier l'artiste à son tour.

― Je ne vais pas virer un de mes clients en plein milieu de son rêve, Spionna ! Même si tu es douze et que ce sont des cinq... Et puis, je t'ai déjà dit qu'il valait mieux vérifier les dispos avant de venir. C'est pourtant pas compliqué !

― Mais d'habitude, il y a personne !

Il la regarda d'un air affecté, comme vexé dans son art.

― Bon ok, acquiesça-t-elle trop lasse pour un scandale. Je vais en profiter pour choisir ce que je veux...

― Choisis dans le menu, sur PrestaWatch.

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