Quinzième chapitre

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Octobre 2186 - Aged'Octave - 45


Confortablement installée sur son canapé, Spionna grignotait les insectes directement de leur tiroir d'élevage, tout en regardant un film.

Du moins feignait-elle de le regarder. En fait, c'était Octave qu'elle surveillait du coin de l'œil, guettant le moment où il serait moins absorbé par son bracelet. Sa résolution était prise : celle de révéler sa véritable identité à ses holo-spectateurs. Ne lui restait qu'à l'annoncer à son compagnon.

Il était si affairé, à l'autre bout du canapé angulaire, qu'elle n'osait engager la discussion. L'idée de devoir la mener lui empoisonnait l'esprit depuis longtemps, au point qu'elle sentait son fragile équilibre psychique vaciller. La situation la rendait folle.

Depuis qu'il avait arraché son titre d'Interprète, c'était comme s'il souffrait du syndrome de l'imposteur. Il craignait d'être évincé au premier faux pas, et cette crainte ne le quittait jamais, l'incitant à voir et revoir ses dossiers sans relâche.

Pas une seconde, il n'oubliait la politique, se tenant informé des moindres détails de chaque affaire. Son obsession ne laissait que peu de place à leur vie privée, et la plupart du temps, ils cohabitaient sans communiquer, chacun à son bracelet. S'il arrivait que Spionna active son JackEye, Octave quittait l'appartement sans un mot, pour se retrancher dans un bureau de l'Assemblée.

La starlette s'étonnait qu'il n'ait jamais demandé la séparation, car leur relation n'avait plus rien à voir avec celle de leurs débuts. Sans enfants, ce n'eut été pourtant qu'une formalité. Mais en ce temps-là, se séparer était mal vu, et rares étaient ceux qui décidaient d'y risquer leur réputation.

Pour les oxydriens, la réussite du couple comptait presque autant que leur grade. La famille avait retrouvé de sa superbe à cette époque, et chacun voulait en fonder une grande. Il arrivait que d'illustres sportifs marquent leur réussite en s'offrant une vaste lignée de petits talents, payés en forsitins.

Les standards de familles importaient peu, et l'on ne se souciait pas qu'un homme ait quatre femmes, ou l'inverse ; Ni même que deux hommes, ou même cinq vivent ensemble. Ce qui importait, c'était que la famille tienne bon, bien soudée. Et ceux qui n'y parvenaient pas démontraient une faiblesse digne d'un oisif, nuisible à la stabilité sociale.

Spionna se sentait en sursis depuis longtemps. La gardait-il uniquement par soucis pour son image ?

Soudain, il releva la tête de son travail, et elle vit son regard s'échapper pour vagabonder dans les coins de la pièce.

― Octave, dit-elle d'un ton qui se voulait détaché.

L'attention du délégué revint sur ses documents, feignant de ne les avoir jamais quittés.

― Quoi ?

― J'aimerais te parler...

En disant cela, elle toucha délicatement la jambe d'Octave avec la pointe de son pied, et l'y posa en douceur.

― Spionna, implora-t-il en se dégageant. J'ai mon discours dans trois jours...

— Ho... minauda-t-elle. Tu pourrais faire une pause... On pourrait sortir, comme on faisait avant, et trouver quelqu'un.

Elle remet ça, pensa Octave.

Trouver quelqu'un pour former un ménage à trois était sa lubie du moment. Elle disait que cela rééquilibrerait leur couple, tout en apportant un peu d'animation chez eux. Sans compter que leur appartement grandirait dans les mêmes proportions, et que l'achat d'un enfant en serait moins couteux.

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