Premier Chapitre

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Avril 2141 - Age d'Octave - 0


Contrairement à l'écrasante majorité des humains avant lui, la survie d'Octave ne déprendrait d'aucun effort de sa part. Ses parents, comme tous les géniteurs de cette moitié du monde, avaient réglé d'avance le coût en ressources de son passage parmi les vivants.

En quelque sorte, Octave venait de naitre et il était déjà retraité. Mais de son avis comme de celui de ses parents, cela ne constituait en rien un premier succès, car le mot pauvreté n'existait plus à cette époque. Les ressources étaient réparties entre tous, et la question du bonheur matériel était réglée depuis bien longtemps.

Les oxydriens n'avaient d'idées que pour leur rang social, matérialisé par un nombre inscrit sur leur épaule. Et cette hiérarchie dont ils chérissaient à ce point l'ordonnance, intégrait à son calcul le moindre de leur comportement.

Un citoyen attribuait en moyenne soixante-trois notes par jour, en retour de tout type d'interaction : prestation rémunérée, victoire sportive, ou bien même simple acte de politesse... Tout était noté, évalué, commenté, et participait à la détermination du grade.

Mieux l'évaluateur était gradé, plus grande était la pondération de ses notes, et l'égard avec lequel il fallait par conséquent le traiter.

Une conversation réussie avec un mieux gradé que soi pouvait ainsi contribuer à une mini-promotion sociale, si bien qu'intéresser en discussion la haute société en était même devenu un métier.

Le travail n'existait plus en 2184, chassé par le progrès, et l'humain n'avait pour s'occuper que le sport et l'art. Deux domaines qui connurent leur âge d'or en ce siècle. Deux domaines qui attiraient les foules ainsi que leurs notes, si bien que tous voulaient en être. Mais compte tenu du nombre de candidats au succès, sans aptitudes physiques ou créatives innées, il était inutile d'espérer percer.

Aussi, le jeune père s'émerveilla-t-il des premières manifestations d'explosivité de son fils, qui moulinait des pieds et des mains dans son habitacle de naissance.

— Regarde-moi ça, comme il s'agite, dit Rodrigo. Si c'est pas un futur champion celui-là !

La pièce dans laquelle était né Octave n'avait aucune fenêtre. Elle était meublée au minimum, d'une table et de deux chaises, en plus de la sage-machine. Des projecteurs holographiques affichaient une végétation dense sur toute la surface de ses quatre murs, la faisant ressembler à l'intérieur d'une cabane ouverte en pleine forêt.

Soudain, les articulations de l'accoucheuse se mirent en branle et transformèrent l'assise de la jeune mère en un fauteuil plus confortable.

— Viens voir ça, Annicole, il est tout excité ! Un petit comme ça, ça ne peut que réussir !

L'accouchement avait beau être rapide et sans douleur, il n'en restait pas moins traumatisant pour le corps d'une mère, et elle préféra commander à son fauteuil d'avancer vers le sas qui s'ouvrit.

Rodrigo souleva le bébé et le lui déposa dans les bras.

Elle examina son petit corps d'un air attendri, tandis qu'il gesticulait de plus belle, et tâcha de ne pas penser au grade qu'elle espérait le voir atteindre. Il était impossible de préjuger de ses aptitudes avant le rapport génétique, et s'y essayer ne pouvait mener qu'à une déception.

— Si ce n'est pas un champion, dit-elle sans joie, ce ne sera pas si grave...

Le couple occupait le bas de la classe moyenne de l'époque, elle affublée d'un dix et lui d'un neuf. Ils vivaient selon la routine de l'Europôle, l'incroyable agglomération qui reliait Londres, Berlin et Rome. Leur quartier n'était ni plus ni moins privilégié qu'un autre, mais il avait la particularité de s'être spécialisé dans la pratique du tennis.

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