Algocratie

Trentième chapitre

Septembre 2193 - Age d'Octave - 52

Un bip résonna. Puis un autre.

A demi conscient, Octave réalisa qu'il entendait le bip depuis longtemps. Il n'y avait qu'obscurité tout autour de lui. On l'avait apparemment allongé sur un matelas imprégné de sa morphologie, et quelques mouvements lui rappelèrent le douloureux souvenir de ses os brisés.

En fait, un seul de ses membres ne le faisait pas souffrir, et l'image de son bras gauche tombant de son épaule lui revint en un éclair. Certain de l'avoir perdu, il avait néanmoins l'étrange sensation de pouvoir encore le contrôler.

Il s'essaya à quelques mouvements avec son membre disparut, et entendit un tintement, accompagné de l'impression d'avoir heurté une plaque métallique avec ses doigts manquants. Pivotant la tête sur la gauche, il parvint à ouvrir un peu plus ses paupière ecchymosées.

Une ombre indistincte dans le noir avait remplacé son membre de chair et d'os.

Pas tout à fait réveillé, il n'eut pas la force d'être bouleversé.

Soudain une faible lumière s'alluma, révélant une petite chambre d'hôpital, et une jeune infirmière se pencha au-dessus de lui avec un sourire paisible.

― Il faut vous reposer, dit-elle. Tout va bien se passer pour vous... Vous êtes en pleine forme.

En le broda, et juste au moment où il trouvait la force d'articuler quelque chose, un sédatif se mélangea à sa perfusion.

― Qu'est-ce qu...

Octave s'endormit, et ce fut en rêvant qu'il comprit. On lui avait greffé un nouveau bras bionique, et c'était pour l'habituer en douceur à cette idée qu'on l'avait réveillé et rendormi.

*

Lorsqu'il se réveilla à nouveau, une autre infirmière procédait à divers réglages sur un hologramme tactile au pied de son lit. Il se trouvait dans une petite pièce transformée par projection en parc ensoleillé.

Combien de temps avait-il passé dans le coma ? Sa première idée, fut que la guerre était peut-être terminée, et que si tel était le cas, il y avait survécut. Pris de vertige face à son incertitude quant à l'année en cours, il toucha son visage pour tester sa barbe.

Son rasage était à jour, mais cela ne le rassura pas complètement.

Sans s'en rendre compte, il venait d'utiliser son bras gauche, dont le métal noir mat se distinguait du reste de son corps. La sensation de toucher était parfaite. Admiratif, il considéra un moment le miracle de la science, et songea sans peine qu'avec déjà deux membres artificiels, il se transformait petit à petit en homme bionique.

L'infirmière qui pianotait à l'hologramme ne sembla pas s'étonner de son réveil.

― Heureuse de votre retour parmi nous ! dit-t-elle avec compassion.

― Je dors depuis combien de temps ?

— Ça fait deux mois...

La mémoire de ses derniers instants de conscience lui revint. Il se souvenait de l'escalier, des gardes ennemis qui l'y visaient, de leurs lasers, de sa douleur, de son corps brisé, et de sa certitude d'être mort.

L'infirmière, qui voyait son pouls repartir à la hausse, tenta de le rassurer.

― Tout est terminé maintenant, Monsieur Banks. Vous êtes en sécurité, bien à l'abri derrière la muraille. Tout va pour le mieux, et vous êtes en pleine forme. Le docteur va bientôt venir vous...