Vingt-cinquième chapitre

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Octobre 2172 - Age d'Octave - 31


Lorsqu'Octave posa les pieds sur le sol africain, il était ruiné.

En lui conseillant de s'y rendre, Fabia n'envisageait pas qu'il soit déjà si pauvre. Les frais d'inscription, la première cotisation, puis la rupture de son abonnement au club privé de Pékin, l'avaient dépouillé de son trésor initial. Un calcul mental grossier aurait pourtant suffit à comprendre la folie qu'il avait faite en prenant sa carte de membre. Il n'avait simplement pas envisagé que l'on puisse faire payer la rupture d'un contrat. En outre, le déménagement de ses affaires vers d'Afrique n'avait que trop duré, accumulant les frais et les retards.

Octave ne détenait plus que la moitié de son nominal de départ, et cinq mois d'inflation divisaient encore sa valeur par deux. Autant dire que pour s'acheter une propriété et générer des revenus, son trésor s'avérait désormais insuffisant. Plus inquiétant encore, l'inflation menaçait de la priver de nourriture avant les deux ans et demi qu'il lui restait à passer en Orient.

Certains lui conseillèrent d'emprunter, et il retourna plein d'espoir dans le magnifique hall de la Bank of China, à Casablanca cette fois. En réponse, on le pria de rendre son gant à la couleur changeante, faute de fonds suffisants à lui faire dépasser le jaune pâle. Chez les concurrents, l'accueil fut à peine plus favorable : un oxydrien au bord de la banqueroute et au temps limité n'intéressait aucune banque.

Faute d'avoir compris assez rapidement l'importance de l'argent, Octave vivait désormais son quotidien dans le tracas constant de ses finances. Lorsqu'on lui avait parlé des dangers de l'inflation, il n'avait pas imaginé que cela puisse si rapidement lui poser problème.

L'Oxydria avait de tout temps subvenu à ses besoins, et pour lui rien n'était plus naturel qu'un état interdisant à ses citoyens de mourir de faim. Le capitalisme ne montrait en réalité aucune pitié envers les négligents, un mauvais compte pouvait couter la vie.

Emménagé au Maroc, Octave voyait grimper chaque jour les prix de son hôtel, et désormais conscient de l'importance de ses finances, il envisagea les possibilités qu'il lui restait.

Il pouvait attendre sans rien faire, ce qui le mènerait droit à la mendicité, sans aucun doute possible.

Ou alors devenir le citoyen d'un riche seigneur africain, pour peu que son profil d'étranger intéresse. Toutefois, son rang de serviteur lui retirerait toute crédibilité pour accéder au Roi, bien qu'il se rapproche ainsi de la noblesse.

Il considéra alors sa dernière solution : demander la prolongation de son voyage en Orient. Par un séjour plus long, il recevrait davantage de devises, en compensation des années qu'il passerait sans jouir des rations Oxydriennes. Les banques orientales lui prêteraient alors plus facilement et ce serait l'occasion de faire enfin fructifier un patrimoine. En revanche, s'il échouait et que l'inflation le rattrapait à nouveau, il resterait bloqué en Orient encore plus longtemps.

Cette solution lui paraissait si radicale qu'il hésitait à y renoncer. Toutefois après bien considéré, il trouvait les alternatives encore moins réjouissantes, et ne tergiversa pas plus longtemps. Passer aux ordres d'un héritier pendant plus de deux ne lui faisait aucune envie.

Avant la fin de la journée, il rédigea une lettre à l'administration royale, requérant le virement de cinquante ans d'espérance de vie oxydrienne, en Yuans africains.

Peu importait la décote : équipé d'un manuel sur les produits dérivés financiers, il avait désormais la ferme intention de faire fortune.

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