Quatorzième chapitre

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Avril 2186 - Age d'Octave - 45


Lorsqu'il parvint à son bureau pour s'y enfermer, Octave avait retiré la localisation géographique de son profil LifeWatch. Il éprouvait le besoin vital en cet instant d'être seul pour rassembler ses pensées.

Une alerte lui signala que son grade venait encore de décroître, passant de vingt-huit à vingt-sept. Un quart d'heure après sa prestation controversée, l'audacieux délégué avait déjà perdu deux rangs, et pas des moindres.

Plus le grade était haut, plus il requérait de points d'admiration pour évoluer au niveau supérieur. Alors qu'il fallait cent points pour atteindre le premier, il en fallait six million pour le quarantième. En théorie donc, plus le citoyen montait, plus il lui était difficile de continuer à monter. Mais en considérant le changement des fréquentations inhérent à l'évolution du statut social, la difficulté exponentielle se justifiait.

C'était ce qui inquiétait Octave. Ayant perdu ses deux grades les plus forts en quelques minutes seulement, il craignait que la chute ne s'accélère désormais.

Jamais il n'aurait imaginé être la victime d'une vindicte à ce niveau de l'état. Cela ne se faisait pas, mais c'était arrivé. Les puissants Pacifistes l'amputaient du fruit d'une vie de travail. Tout son patrimoine accumulé s'évaporait inexorablement, et il n'avait aucune sorte de prise pour le retenir. Sans compter les médias, qui allaient s'en donner à cœur joie et relayer la consigne. Combien de citoyens allaient sauter sur l'occasion de se défouler ?

La justice civile dans sa forme la plus primaire était lancée, sans aucune possibilité de l'arrêter. Le plus fort devait gagner, et l'autre serait piétiné. La vindicte ressemblait aux duels des westerns. Les choses étaient certes plus symboliques en Oxydria, mais les symboles y constituaient les seuls éléments tangible, et cela rendait la victoire presque aussi cruciale.

Seul en pleine tempête, Octave ne prit pas la peine de charger une quelconque ambiance sur ses murs. Rien d'autre n'avait d'importance pour lui que son grade désormais.

Il ne le quittait pas des yeux. Etant donné la volatilité de la courbe, des milliers de personnes s'attelaient déjà à l'enfoncer ou à le soutenir. Il observait les chiffres avec appréhension, tout en tâchant de repérer la tendance de leur mouvement. Sans aucun doute, elle était baissière. A la recherche d'un espoir auquel se raccrocher, il crut percevoir un ralentissement de la chute. Mais ce n'était pas le cas.

La situation ne faisait qu'empirer.

Vingt-quatre. Cinq niveaux de perdus en une seule journée. Il voulait tout arrêter, mettre le monde sur pause pour réfléchir sans que son rang social ne soit massacré. Il n'y avait pourtant aucune alternative au spectacle de sa déchéance. D'après ses calculs, il pouvait toucher son grade de réserve en moins de trente minutes.

Paniqué, il se tourna vers le seul qui pouvait encore l'aider.

« Fais quelque chose, Brian ! Je t'en supplie ! »

« Je ne peux rien faire. »

La froideur de la réponse laissa Octave pantois. Ainsi, même le tout-puissant qui l'avait guidé jusqu'ici, tel un dieu guide son prophète, n'allait rien faire pour l'aider ?

« Dis-moi au moins ce que je dois faire ! »

« Calme-toi. »

« Je ne peux pas rester là à attendre, pendant que je perds tout ce que j'ai ! »

« Calme-toi ! »

Il lui semblait que Brian l'abandonnait et l'idée d'affronter seul l'adversité lui apparut soudain insurmontable.

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