Le lendemain matin, pont St John, direction Astoria.
Assise à la place passager, la tête tournée vers la vitre, le paysage naturel de l'Oregon reprend sa place et efface peu à peu la cime de la petite skyline de Portland. Allen a absolument voulu conduire la petite Ford Escort 1993 d'occasion que nous avons acheté ensemble il y a quelques années. C'est un peu notre bébé commun, certain ont des chiens, des enfants voire même des poissons rouges, nous nous avons une voiture. Et cette voiture séjourne dans le parking de l'immeuble d'Allen, à quelques rues de chez moi. Nous ne l'utilisons que pour quelques occasions comme traverser la ville, partir en « voyage » et, inévitablement, aller, mensuellement, les derniers dimanches au dîner de famille des Cobb dans la ville côtière d'Astoria.
Parlons un peu de ma famille tiens.
Initialement du Kentucky, mes parents, ma sœur, Allison, et moi avons déménagé quand nous n'étions que des enfants. Je n'ai plus beaucoup de souvenirs d'enfance dans notre maison aux abords de Louisville mais notre famille paternelle est restée là-bas. Ils sont de Pikeville, très jolie mais terriblement ennuyeux, plus qu'Astoria en tout cas.
Bref, mes parents rêvaient de la côte Ouest, de vivre proche de la mer, dans un endroit paisible pour leurs filles et c'est en 1993 justement qu'on a débarqué à Astoria. J'avais 3 ans, Allison en avait 6. Aujourd'hui je vais sur mes 27 et elle vient d'avoir ses 30.
Cependant, j'ai atterri à Portland et Alli est partie pour Seattle, le seul moment où nous nous voyons se résume à ce foutu repas ensemble réunissant ma sœur, son compagnon, j'oublie toujours son prénom, Allen et moi. C'est un instant de communication entre les différentes générations. Et c'est surtout barbant au possible. Vive la famille.
Imaginez la scène, six personnes autour d'une table, ma chère matriarche qui nous bassine les oreilles, pendant tout un repas avec ses conversations essentiellement basées sur sa ville, sur les offres d'emplois qu'elle propose qui, en prime, veut absolument nous voir tous deux mariées. Et qui, par extension, passe sa vie à connaître tous les détails des nôtres. Les deux sœurs qui essaient de se soutenir mentalement dans le combat et enfin. Les deux mecs qui miment être intéressés mais qui passent leur temps à brasser les cartes. Bref, de merveilleux moments en perspective. Je me répète peut-être mais "Vive la famille !"
Alors que nous traversons le pont, j'ai l'impression qu'il s'étire plus nous progressons. C'est peut-être l'expression de mon envie de rester en ville aujourd'hui. Je baille en posant ma main contre ma bouche, puis repose ma main sur celle d'Allen, celle-ci soigneusement placé sur ma cuisse. Et oui ma mère m'a bien élevé. Mais à cause des événements de la veille, j'étais tellement excitée que je n'ai que très peu dormi cette nuit. Encore moins que d'habitude, je ne pensais pas ça possible. Alors, "au réveil", j'ai farfouillé dans la trousse du dimanche -composé uniquement de maquillage occasionnel pour donner l'air en bonne santé durant les dîners- et me suis barbouillée d'anti-cernes. Outre mon air blafard, digne de Casper, mes cernes récurrentes ont presque disparues sous l'épaisse de couche de crème. Allen n'a pas pipé un mot, il s'est contenté de m'embrasser passionnément en me voyant sortir de la salle de bain, une vieille robe sombre sur le dos.
Un sourire innocent me sort de ma rêverie:
" Courte nuit ? Interroge Allen en tournant la tête vers moi.
- Tu n'as même pas besoin que je te réponde, lâché-je, blasée, mon corps parle pour moi.
- Et il ne parle pas trop mal pour bien d'autres choses, il rit en serrant un peu ma cuisse, mais essaies d'avoir meilleure mine avant d'arriver chez tes parents, tu sais très bien ce qu'on va avoir droit comme réflexion."
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Café Noir et Sucrette [Tome 2]
ChickLitQuelques mois après l'histoire racontée par Olivia Lawford, l'assistante d'un grand dirigeant d'une entreprise dans l'audiovisuel, Mediatics, à New York, voici celle d'une apprentie journaliste, Elie Cobb, de l'autre côté du pays, à Portland, Oregon...