Chapitre 41 : L'explosion d'un matin d'été

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New York, jeudi

Il est 10 heures lorsque j'atterris enfin. Mes jambes sont engourdies par le temps infini que j'ai mis pour traverser le pays. Je craque mon cou doucement en marchant, ma valise cabine roulant dans mon sillage. Plus je me rapproche de la sortie et des taxis, plus une boule grandit dans le creux de mon ventre. La fine équipe du Maine a dû arriver hier soir ou ce matin, très tôt et je ne m'attends à aucun petit panneau avec écrit au marqueur mon nom. La tête baissée et les écouteurs enfoncés dans les oreilles, je traverse les couloirs afin d'atteindre les taxis et autres VTC qui attendent à la file. Plus vite je pars, plus vite je pourrais... Je pourrais le voir. Le défier du regard, lui faire comprendre que je suis capable de passer à autre chose, comme lui. Mais en serais-je seulement capable ? Brusquement, je sens une main attrapée avec force celle qui tient la poignée de mon bagage. Je me retourne, prête à en coller une à mon agresseur, sans le regarder dans les yeux. Il tient une paire de lunettes de soleil que je pourrais reconnaître entre mille et je sens l'air se vider plus précipitamment de mes poumons.

L'objet de toutes mes pensées se tient en face de moi, les joues rougies et le souffle saccadé par ce qui semble avoir été une course de me suivre. Ses cheveux blonds sont en bataille et il y a une lueur que je n'ai jamais vue dans ses yeux lorsqu'il retire ses lunettes. Le voir, le sentir si proche de moi me retire tous les mots que j'aurais pu dire. Mon cœur s'emballe et je suis sûre que Luke peut sentir les pulsations sous ses doigts. Nous restons en silence à nous regarder un très long moment avant que ne nous demande de nous décaler du passage. Luke lâche délicatement mon poignet et met sa main incriminée dans sa poche de jean, la tête enfoncée dans les épaules. L'un comme l'autre, nous sommes si gênés de nous voir en vrai. C'est comme si ces deux dernières semaines étaient devenues de longs mois, si ce n'est des années... Il m'a tant manqué.

   " Je-..., faisons nous en coeur, ce qui nous arrache un rire. Toi d'abord, dit Luke.

   - Je ne m'attendais pas à te voir ici, maintenant...

   - Tu peux constater que je voulais être ici pour t'accueillir en ville.

   - Tu voulais ? Je fronce les sourcils, décontenancée. Tu aurais très bien pu te passer de cet effort, je sais me débrouiller seule, réponds-je une manière assez rêche."

L'homme qui me fait face perd son sourire. Il est tout aussi surpris que moi du ton que j'ai employé. Il faut que je me protège dès à présent, que je coupe court à cette attirance qui ne va que dans un sens. Je secoue la tête de gauche à droite, épuisée par le voyage de nuit et par le stress de ce qui m'arrive dans quelques heures.

   " Ça Elie, j'en doute pas une seule seconde, mon prénom dans sa bouche est prononcé aussi sèchement que le geste qu'il effectue pour me prendre ma valise des mains."

Les choses vont changer, les cartes seront redistribuées et je me languis déjà de le faire avec Luke à mes côtés. Il avance, ma valise derrière lui, sans vérifier si je le suis ou pas. Je trottine derrière lui, agacée par sa réaction qui, je dois l'avouer, est bien faite pour moi. Je n'aurais pas dû dire ça. C'était gentil de sa part d'être venu faire le comité d'accueil. Je n'arrive jamais à trouver le juste milieu dans tout ce que je fais de tout façon.

   " Luke, attends-moi ! Tu vas trop vite, m'égosillé-je tandis qu'il franchit les portes coulissantes menant à l'extérieur sans même me regarder ! Hoffman, merde ! "

Café Noir et Sucrette [Tome 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant