Chapitre 47 : Requiert tout ton courage

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   " Je crois que je vais vomir, articule Riley en plaçant sa main devant sa bouche, alors que ces yeux se voilent de larmes.

- Évite, je n'ai vraiment pas envie de devoir payer le nettoyage du cuir du taxi."

Une longue inspiration, une longue expiration. Une après l'autre, tout naturellement. Mes narines s'écartent et se rétractent au fur et à mesure que nous avançons dans le trafic d'une matinée bondée. Nous redescendons du nord de l'île de Manhattan et traverser Midtown a pris un temps fou. Ce retard conséquent ne rend l'ambiance sur la banquette arrière que plus délétère qu'elle ne l'était en partant. Je n'ai quasiment pas dormi de la nuit et malgré le maquillage, je sens un poids invisible s'écraser sur mes épaules. Pourtant il est encore tôt ce matin et le temps est magnifique, ce premier septembre s'annonce radieux pour la plupart des new-yorkais.

Mon téléphone vibre doucement et j'y lis un SMS sur l'écran. Il s'agit d'un message de Luke et je déglutis difficilement avant de secouer la tête de gauche à droite. Ce n'est pas le moment d'avoir des états d'âme, ni aujourd'hui, ni demain.

« Beaucoup de rapaces sur les marches, faites attention à vous. RDV dans le hall. Entrez sans vous attarder.»

Cette information ne me réjouit pas la moindre seconde. Le but d'être parti si tôt était d'éviter toute esclandre. J'hésite à en informer ma passagère qui semble sombrer de plus en plus dans l'angoisse. Non, ce n'est pas une bonne idée, ne lui rajoutons pas une couche en plus. La seule bonne nouvelle semble être que les journalistes sont occupés par Caleb et que cela peut les distraire pendant de longues minutes. Nous ne sommes plus qu'à quelques rues de notre destination et plus nous avançons, plus j'ai l'impression qu'elle s'asphyxie.

À ma droite, je jette un coup d'œil à la star de la journée. Elle aussi a une mine à faire peur. De vilaines poches sous ses yeux sont vaguement cachées par de l'anti-cernes qui marque déjà ses petites ridules. Sur ses ongles qui dansent au rythme de la radio, il y a un vernis rose pâle qui commence à s'écailler aux extrémités. Je décèle qu'elle s'est rongée un ongle ou deux avant de me rejoindre dans la voiture. Enfin, ses cheveux sont lissés sur le devant parfaitement mais l'arrière moins. Ses yeux naviguent sans discontinuer tout autour d'elle, sans être impressionnée. En même temps, elle a vécu dans cette ville quelque temps, il n'y a plus rien d'étonnant. Ce regard ressemble plus à de la nostalgie d'une époque où se cacher devait paraître plus simple je suppose. Ce n'est pas moi qui lui fera la leçon, je suis dans un état similaire au sien, sauf que je n'ai pas à parler devant toute une assemblée en craignant pour ma vie aujourd'hui. J'attrape sa main la plus proche de la sienne puis essaie d'esquisser un sourire qui sonne faux:

   " Tout va bien se passer. Tu peux me croire. Et puis qu'est-ce qui pourrait bien tourner de travers ?"

Feignant d'être confiante, je tourne mon regard vers Riley qui me dévisage en silence. Je préfère ne pas lui faire remarquer qu'effectivement, tout ne pourrait pas se dérouler de A à Z mais parfois, il est bon de dire un petit mensonge ou deux. C'est pour la bonne cause.

   " Pourquoi j'ai cette impression tenace dans le fond de mon ventre qui me dit tout l'inverse alors ? Son front se plisse alors qu'elle glisse sa tête dans le fond de sa main libre.

   - C'est le stress qui parle. Je prends une grande inspiration, essayant de lui donner du courage. Quoiqu'il advienne aujourd'hui, ton calvaire va prendre fin. Tu vas dire ta vérité et on va l'entendre, personne ne pourra te faire taire... Enfin, si on te demande de raccourcir ton discours parce qu'il dure trois heures, là peut-être, il faudra s'arrêter..."

La jeune femme qui se tient à côté de moi se déride un instant à ma remarque. J'aimerais vraiment avoir le pouvoir de lui retirer cette masse sombre qui s'est logée dans le creux de son ventre, d'apaiser ses peurs en un claquement de doigts. Le taxi jaune s'arrête encore brusquement qui nous fait toutes les deux sursauter et je grogne dans ma barbe. Si nous avions pris le métro, nous aurions mis moins de temps et moins attiré l'attention. Nous serions arrivées plus tôt, il y aurait eu moins de monde sur les marches du tribunal, la transition aurait été plus simple pour Riley.

Café Noir et Sucrette [Tome 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant