Luke est installé contre un des nombreux poteaux du hall de Médiatics, le nez collé à son téléphone. Il pianote à une grande vitesse sur celui-ci sans s'arrêter et ne décroche pas un seul regard dans ma direction ou dans celle des autres journalistes qui grouillent à nos côtés. Il y a malheureusement une majorité d'hommes mais toutes les femmes présentes paraissent toutes aussi féroces et assoiffées du même besoin d'informations que leurs homologues du sexe opposé. Je pouffe dans ma moustache, il y a des dizaines et des dizaines d'employés de la sécurité qui nous entourent, à croire qu'il va se passer un drame si je bouge d'un pas sur ma gauche. La scène est si hilarante que j'ai l'impression de perdre pied. Ce qui serait contre-productif, on peut le noter. Parlant de contre-production, dans ce hall pourtant gigantesque règne une chaleur digne d'un désert. Je parviens tout de même à contempler une nouvelle fois cette superbe salle.
Il faut l'avouer, le cadre est incroyable. Mes camarades sont tous réunis et ils sont si nombreux que se mouvoir n'est pas une mince affaire malgré que le cadre qui nous entoure soit profondément important. L'excitation est palpable, les bruits sont de plus en plus nombreux et forts, je ne peux m'empêcher de les comparer à l'atmosphère d'une ruche en ébullition.Au plafond, le blanc immaculé est habillé de nombreuses suspensions minimalistes qui changent de position selon un ordre précis. Des fois elles font la forme d'une vague, d'autres fois, elles se font montagnes. Au centre, il y a cette sublime collection de sculptures qui semble avoir arrêté le temps. Je ne pourrais pas dire à quoi elle ressemble mais je pense que c'est la seule chose ici qui veut ralentir, comme si elle observait quelque chose ou quelqu'un. Le calme qui s'oppose à la tempête au sol.
Je regarde ma montre. Monsieur Barnes est en retard de dix minutes. Mon bloc-notes et mon stylo dans la main gauche, mon téléphone sur le dictaphone, je ne cesse de m'agiter, ne sachant pas comment m'installer pour m'arrêter. Cette attente me paraît infinie ! Je me penche vers Luke, le tout en conservant un œil sur la foule en furie, des fois que Barnes débarque.
" Pas très ponctuel ce Caleb. Ça fait des mois qu'il n'a fait pas fait de déclaration en public et lorsqu'il en fait une, il n'arrive même pas à l'heure. Grommelé-je, fatiguée par l'ambiance.
- Cobb, tu apprendras que la patience est grande vertu. Il décroche un regard vers moi avant de revenir sur son clavier. Dix minutes de plus ou dix minutes de moins, on s'en fiche, l'important est qu'il viendra, il le faut. De plus si j'étais à sa place moi non plus je rechignerais à affronter les vautours médiatiques.
- Bon dieu, quelle sage parole ! Glisse Danyel qui se trouve derrière moi lorsque je me retourne. Il sourit et se place aux côtés de Luke. Luke, tu ne manqueras jamais de m'étonner ! Il faut savoir qu'à la fac, il n'était pas vraiment comme ça, n'est-ce pas mon vieux ? Il donne un coup de coude.
- Disons que le journalisme et que les conneries quotidiennes des collaborateurs m'ont appris beaucoup en l'espace de quelques années. Ça endurcit.
- Et ça rend morose aussi mais ça, je ne ferais pas de commentaire. Danyel ébouriffe Luke qui s'écrase pour se retirer de sa prise."
Je ne peux m'arrêter de rire alors que Luke tente tant bien que mal de se recoiffer. Il me jette un regard noir avant d'afficher un sourire de façade. Quelque chose ne va pas ? Tandis que je l'interroge en silence, Danyel fait, après avoir vu quelqu'un un geste dans sa direction :
" J'ai encore des connaissances à aller saluer, si on ne se voit pas avant le début de la conférence, à tout à l'heure à la voiture. Il sourit puis regarde son ami qui pourrait paraître presque abattu. Luke, arrête de faire la gueule, on n'est pas à un enterrement merde! Et puis, qu'est-ce qui te dit pas que tu pourrais rencontrer la femme de ta vie entre ses quatre murs ? Il donne une dernière claque sur son épaule avant de s'éloigner."
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Café Noir et Sucrette [Tome 2]
ChickLitQuelques mois après l'histoire racontée par Olivia Lawford, l'assistante d'un grand dirigeant d'une entreprise dans l'audiovisuel, Mediatics, à New York, voici celle d'une apprentie journaliste, Elie Cobb, de l'autre côté du pays, à Portland, Oregon...