Ma main caresse le plat du bureau en bois et un frisson me parcourt l'échine. Je vibre lentement sous la lumière blanche du plafonnier. Sur l'écran de mon téléphone, il est affiché qu'il est 6:00 a.m, je suis, à quelques exceptions près, seule dans tout l'étage. C'est presque vide, c'est calme, c'est agréable, il y a juste ce long ronronnement d'ordinateurs non éteints de la nuit qui amplifie le silence réconfortant d'un lundi à l'aube. Je souris. La journée ne peut commencer que sous de meilleures auspices. C'est surpris que le réceptionniste m'a donné l'accès à l'ascenseur. Je crois qu'il n'en a pas vu beaucoup des journalistes qui débarquent avec le sourire aux lèvres tôt un lundi matin en plein, mois de juin, sous la canicule, le pauvre. Je suis tellement excitée de connaître les réels rouages du métier et de connaître la raison de l'appel de Luke qui a littéralement tué ma soirée, l'enfoiré. Il a intérêt d'avoir une sacrée bonne raison cet abruti.
Avec une grande inspiration, je pose mon sac au sol, ne prends pas la peine d'allumer la lumière puis m'installe sur ma chaise. Ma chaise à moi, avec mon bureau à moi. Ça y est, tout commence vraiment, je suis officiellement journaliste. J'en palpite de joie.
" Tu es bien matinale Cobb, t'es tombée du lit ?"
Dans l'encadrement de mon box -oui, mon bureau est dans l'open space-, je perçois la silhouette tordue de Luke qui a les lunettes enfoncées sur le nez. Il a deux gobelet en carton dans les mains et un dossier bourré de feuilles sous le coude. Je peux sentir une odeur âcre d'ici. Il n'est pas tout frais celui-là. Une nuit à potasser peut-être?
" Toi, t'as juste une sale gueule, petit constat gratuit. Je lève la main en fermant les yeux. Tu me remercieras demain. "
J'arque un grand sourire moqueur et arrache presque le café que me tend Luke. Il glousse légèrement en attrapant le dossier de sous son bras.
" Disons que la nuit a été compliquée, tu n'as pas besoin d'en savoir plus. Il ouvre le document et le lit rapidement. Bref, il est temps que tu fasses tes preuves Miss et j'ai besoin de toi pour écrire le meilleur papier de tous les temps.
- Tu places la barre haut dès le début, tu vas me mettre la pression. En reposant mon gobelet sur le bureau, je prends le dossier et l'examine. Il s'agit du rapport que j'avais lu la dernière fois. Je vais réitérer la question, au risque de te paraître un poil chiante mais comment as-tu eu ça ?
- Je vais alors répéter que je connais quelqu'un qui me devait un service et que, encore une fois, tu n'en sauras pas plus. Fait-il, ironique. D'autres questions inutiles ?
- On ne pas va avancer si tu me l'a sort à chaque fois celle-là, je marmonne malgré moi, sans que Luke ne relève avant de poursuivre à voix haute: À part le fait que je trouve ça très louche que tu aies un lien avec un procureur délégué à l'affaire ou je ne sais qui, je crois qu'il me faut une réelle étude de tout ça pour en poser plus. Je ricane en voyant que Luke semble souffrir un mal de tête. Serait-ce une gueule de bois par hasard?
- Pire que ça, gueule de bois et conversation interminable pour tenter de me racheter auprès de mon ex... Il fuit mon regard en détournant la tête.
- Retires tes lunettes. Demandé-je platement."
Il touche une branche de ses lunettes et les enfonce plus encore sur son nez. Il fait une micro grimace lorsqu'il retire sa main. Je me lève précipitamment pour les prendre moi-même et allume la lumière, afin de mieux voir son visage dans la pénombre. Luke veut se reculer mais les panneaux de mon box le retiennent. Je me penche et pince la paire en les prenant entre mes doigts puis me retiens de pousser un soupir. Le contour de l'œil droit de ce dernier semble avoir pris une teinte rougeâtre, au moins son oeil n'est plus cerné de bleu. Mais c'est plutôt la peau rougie de sa joue qui m'interpelle. Je dépose la monture hors de prix sur mon bureau et croise les bras en m'asseyant contre lui.
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Café Noir et Sucrette [Tome 2]
ChickLitQuelques mois après l'histoire racontée par Olivia Lawford, l'assistante d'un grand dirigeant d'une entreprise dans l'audiovisuel, Mediatics, à New York, voici celle d'une apprentie journaliste, Elie Cobb, de l'autre côté du pays, à Portland, Oregon...