Et encore un carton de rempli. Assise en tailleur, je tâtonne la table pour attraper le marker sans avoir besoin de me lever. Faire l'inventaire de sa vie est plus compliqué que dans mes souvenirs. La dernière fois, cela ne m'avait pas paru aussi insurmontable... Bon, peut-être que la dernière fois, je n'étais pas seule non plus, il y avait Allen ainsi que quelque uns de ses amis pour m'aider, je crois. Alors que je m'étire de toute mes forces pour récupérer le stylo, une partie de la table en bordel me tombe dessus. Papiers, blocs-notes en tout genre et même un vieux chargeur de téléphone, tout se retrouve étalé par terre. Mon appartement ressemble à un champ de bataille, du moins plus que d'habitude. Exaspérée, je pousse un petit gémissement en me laissant m'allonger sur le sol. J'en ai ras-le-bol. Je ne vois pas le bout du tunnel en ce qui concerne mon déménagement, ça, c'est une certitude.
Cela fait une semaine que j'ai vu Riley, une et demi pour Olivia, Caleb et Luke, et depuis je subis un silence radio qui manque de me faire m'arracher des cheveux. Je sais bien qu'il fallait que je coupe les ponts pour ne pas retracer le petit monde. Ils se trouvent dans une magnifique demeure, probablement en bord de mer, entouré par les embruns marins et le sable frais mais, au final, j'ai la sensation de me retrouver en exil. Toute l'action est à l'autre bout du pays, des décisions sont prises, des mots sont dits et moi, je joue du scotch et du crayon pour fermer des cartons. C'est franchement déprimant. Je me sens affreusement seule et je déteste ça. C'est pour une de ces raisons que mon déménagement met trois plombes à s'organiser. Être seule avec soi-même pour constater réellement où on en est dans sa vie professionnelle et personnelle, c'est franchement triste dans mon cas. J'ai perdu mon petit copain, je quitte ma vie dans cette appartement de Portland et je suis encore dans le flou artistique pour ce qui arrivera post-Barnes. Bref, j'ai l'impression de revenir 10 ans en arrière, à peine sortie de l'adolescence.
Alors au bout du rouleau, je commence à délirer. Et si je ferme les yeux, peut-être que toutes mes responsabilités d'adulte disparaîtront ? Les cartons se rempliront par eux-mêmes, je n'aurais plus qu'à me détendre et boire une bière sur le comptoir de la cuisine en attendant le vol pour NYC. Je les clos, priant pour que tout se règle autour de moi. Avec un peu d'espoir, ça va arriver ! J'attends, j'attends, j'ouvre un œil pour constater n'importe quel maigre changement. Le silence qui m'englobe ne trahit aucune agitation pour organiser ma vie. Rien du tout. Et merde, faut vraiment tout faire toute seule ici ! Je me remets en position assise, poussant un immense soupir puis écris la description du contenu dans la boîte en lettre capitale:
" TRUC "
Oui, ça me paraît un très bon nom, il n'y a aucun doute.
Alors que j'empile un nouveau carton beige de " truc ", j'entends une clef tournée dans la serrure. Pendant un dixième de seconde, j'espère qu'Allen sera dans l'encadrement de la porte mais je me souviens qu'il m'a rendu sa clef, cela ne peut pas être lui. La porte s'ouvre mais j'entends d'abord la voix avant de ne voir le corps.
" Besoin d'aide par ici ? J'ai pensé que tu aurais besoin de compagnie ! La voix de mon père résonne dans tout le salon et mon visage s'illumine.
- Oh mon dieu, merci, merci, merci ! Je me lève d'une traite puis cours pour me jeter dans les bras du paternel. Je le serre si fort contre moi qu'il manque d'étouffer. Tu ne peux même pas imaginer la mélancolie que j'ai depuis que j'emballe tout... Toute seule, ce n'est pas drôle.
- Mais pourquoi tu n'as pas appelé ? Il a fallu que je tire les vers du nez à mes contacts pour savoir que tu mettais les voiles ! C'est une habitude, maintenant, de ne plus rien dire à ton vieux père ? Il met ses mains sur ses hanches puis lève sa tête vers le désastre. Oh merde... Il avance et récupère une culotte abandonnée sur le canapé avec un stylo qu'il sort de sa chemise. Une tornade est passée par là ou je dois m'inquiéter sur la propreté de ton chez-toi en temps normal ?
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Café Noir et Sucrette [Tome 2]
ChickLitQuelques mois après l'histoire racontée par Olivia Lawford, l'assistante d'un grand dirigeant d'une entreprise dans l'audiovisuel, Mediatics, à New York, voici celle d'une apprentie journaliste, Elie Cobb, de l'autre côté du pays, à Portland, Oregon...