Chapitre 24 : Les riches ont un goût particuliers pour le drame organisé

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Upper East Side, la semaine suivante, juste devant la porte d'un hôtel particulier

Je descends de la voiture apprêtée pour moi qui est venue me chercher à l'aéroport. Cette fois-ci, ce n'est pas Antoine mais un autre homme plus vieux et tiré à quatre épingles qui m'attendait. Nous ne nous sommes à peine adressés quelques banalités sur la qualité de mon voyage et la météo entre Portland et New-York. Après ça, plus un mot, j'ai donc décidé de m'atteler à la conception d'une queue de cheval haute, histoire de dégager ma nuque en sueur, puis de relire les dernières notes et idées que j'ai pu écrire sur mon carnet.

Ces derniers jours ont été encore plus moroses que je ne l'aurais imaginé. Luke et moi ne nous parlons que pour le strict nécessaire. Au début, il a essayé de me faire mille et un gestes pour s'excuser mais j'ai encore entre la gorge les phrases qu'il a pu prononcer alors je feigne ne plus l'entendre. Nous échangeons cordialement par mail dès que possible et la nouvelle de mon voyage n'a fait que creuser un fossé entre nous. Je suis convaincue qu'il est jaloux ou alors il n'arrive pas à admettre qu'il ne peut pas être le vecteur de toutes les informations dans notre « couple » professionnel pour une fois.

De plus, je sens bien que la distance ne nous permet pas d'avancer dans la bonne direction. Maintenant, lorsque l'on s'accorde quelques phrases, je ne peux ressentir que le ton passif-agressif que nous employons. C'est comme si chacune de ses phrases avaient pour unique objectif la morale ou le reproche, et à en juger par son attitude aussi peu patiente que moi, l'inverse doit aussi être vrai. Il est complètement fermé à mes propositions, comme s'il me boudait mais de façon adulte, avec de longues argumentation journalistiques mais dont les démonstrations sont juste ridicules. Ça a le don de me rendre folle !

Je serre les dents tandis que je me penche pour récupérer ma petite valise dans le coffre. Le chauffeur me barre la route, sévère et poli alors je m'écarte, offensée:

" Je vais déposer vos affaires à votre hôtel, faites moi appeler lorsque vous aurez fini. Il ne me laisse pas en placer une et repart immédiatement."

Je me retrouve complètement seule devant l'immense bâtiment. Soudain, j'en viens à paniquer sur ma prestance, sur ma façon de me tenir, mal à l'aise. D'un mouvement crispée, j'avance et appuie sur l'interphone, replaçant un pan de mon t-shirt correctement dans mon pantalon. Ma bouche est sèche et je serre mon sac contre ma hanche en inspirant un grand coup lorsqu'une voix me parvient enfin:

" Bonjour, je peux vous aider ? Demande une voix de femme mature.

- Euh... Euh, oui, bonjour, je viens d'être déposée ici par un chauffeur qui travaille pour Monsieur Barnes, j'ai un rendez-vous avec sa compagne dans, je sors mon téléphone de ma poche de jeans, dans dix minutes. C'est assez important."

J'entends un petit bruit qui paraît être du soulagement et la femme répond enfin:

" Ah oui, en effet, vous devez être Madame Cobb, Madame Lawford trépigne de vous recevoir, je viens vous chercher immédiatement. Je peux la sentir sourire à travers le combiné. Un instant je vous prie."

Elle raccroche et je fais les pas sur le porche, inspirant par le nez pour me détendre. La porte s'ouvre sur une petite dame, tirée à quatre épingles qui m'adresse un sourire sans retenu. Je le lui rends tandis qu'elle me tend sa main pour me saluer puis m'invite à pénétrer dans le corridor. Elle marche rapidement par petits pas pressés et je la suis difficilement. Je suis en admiration devant chaques détails de la maison. La décoration est absolument ravissante, un mélange de style victorien et de meubles de grands designers. Je me surprends à reconnaître la Eames Lounge Chair qui trône à côté d'une table basse avec du courrier posé en vrac. Je suis tout aussi surprise de trouver un lieu regorgeant de vie, empreint de la touche accueillante des propriétaires. D'un côté ce lieu a des airs de maison témoin, et d'un autre, il y a quand même un peu de bazar organisé qui traîne de temps à autre. La sensation est très étrange. L'accent de la femme me rappelle à l'ordre et je reviens sur Terre.

Café Noir et Sucrette [Tome 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant