Nelson fronce les sourcils, se remet droit et me dévisage:
" Qu'est-ce que tu me proposes encore comme plan foireux là Elie ?
- Je te jure que ce n'est pas foireux. Je m'arrête deux secondes en regardant dans le vide. Tout bien considéré, c'est peut-être foireux, je l'admets. Il ricane doucement. Mais bref, parlons business ! Tu brasses combien de passages par jour sur ton profil ou ton blog ? Approximativement.
- Je ne peux pas te dire vraiment mais je pense qu'il y a bien vingt mille personnes lorsque je ne poste pas et peut-être quatre cents milles quand je poste. Peut-être plus, peut-être moins."
Toucher potentiellement un peu moins d'un demi-million de personnes ? C'est juste inespéré. Une vague d'espoir me transperce et je commence à exulter. Jamais Nelson ne refusera de m'aider, ce n'est même pas envisageable ! Je me lève sur mes deux pieds tandis qu'il est toujours assis par terre, attentif.
" J'ai une proposition qui tue, littéralement. J'aurais besoin d'une plateforme pour délivrer la bonne parole de la justice et je pense que tu es la seule personne qui puisse m'aider.
- Je t'écoute, poursuis... Mon ami croise les bras contre son torse.
- Tu sais que je travaille sur un article qui pourrait faire balancer l'opinion publique à notre faveur.
- Rappelle-moi, c'est quoi le sujet déjà ?
- Pour faire court, Andrew Barnes est accusé pour fraude fiscale, ça ce n'est plus à prouver. Maintenant, on veut le faire tomber pour un crime encore plus gros. Je laisse un temps de suspense pour faire monter la pression. Homicide volontaire sur son fils aîné, Liam. Nelson semble surpris. Et on a des preuves. Enfin, un témoin du drame ainsi que des confessions d'employés et d'amis qui peuvent ajouter au caractère violent du senior. On ne cherche plus qu'un endroit favorable pour balancer nos recherches qui incriminent directement ce salopard. Je ferme les yeux, un peu libérée. J'aurais la haine qu'il s'en sorte juste pour crime de col blanc."
Après ma tirade, Nelson se relève doucement et me fixe, comme pour sonder mon âme. Dans son appartement à moitié vide, il fait minuscule. C'est fou comme cela me brise le cœur. Sans un mot, il se rend dans la cuisine, prend deux verres à vin rouge qu'il remplit avant de m'en tendre un.
" Avec une telle bombe et vu l'influence que monsieur Barnes a sur les grandes personnes de ce monde, tu m'étonnes que tu sois bloquée. Tu aimeras profiter de ma plateforme et de mon réseau pour te faire entendre, si j'ai bien compris ?
- Je ne suis pas sûre que "profiter" soit le bon terme, ça me parait un peu péjoratif, mais dans l'idée, oui, c'est ça."
Il déguste en silence son verre, pensif. Toute mon excitation s'évapore petit à petit. Et s'il refusait ? Bien que cela ne le touche pas particulièrement, il pourrait se mettre du monde à dos pour relier ce genre d'accusation. Ce n'est pas une décision à prendre à la légère.
" Tu as mentionné un projet dans le Maine, je peux savoir quel est le rapport ?
- C'est peut-être un peu ambitieux mais tu avais l'air d'apprécier que je sois dans ton décor la dernière fois que l'on s'est vu. Je me demandais si, pour illustrer notre dossier, tu ne pouvais pas faire une œuvre avec le fils Barnes, sa compagne et le témoin, justement. Je pense que ce sera un renouveau pour toi et en plus, tu pourras t'essayer à un nouveau lieu. On dit que le Maine est très calme et que trouver l'inspiration là-bas est incroyable. Je suis sûre que cela te plairait !
- Je ne fais pas de portrait de famille Elie, grommelle Nelson, mi figue, mi raisin. Je ne serais pas l'homme de la situation.
- Je ne te demande pas un portrait de famille, Nelson. Je te demande une fresque de la triste réalité. Il se détourne de mon regard. Je sais que tu as ça dans le sang. Tu as un talent fou pour révéler toute la froideur de notre monde. Et je ne fais que te mettre à disposition tous les éléments que j'ai pour que tu puisses orienter le sujet comme tu le veux. Les gens ne veulent pas d'un truc terre à terre, trop sérieux à pleurer d'ennui... Cela nous sera à tous les deux profitables ! Je me place bien sous ses yeux, convaincue de ce que je lui raconte. Tu auras ton buzz, et par la suite si tu veux ouvrir ton art a plus loin que ton appartement ! Tu auras la plateforme pour, et moi j'aurais attiré l'attention sur la vérité auprès de toutes les grandes enseignes que Barnes n'a pas sous le coude, et qui rêvent de le voir tomber. Tout ça pourrait même te faire encore plus connaître. C'est un procès qui va enflammer notre pays Nelson ! Notre pays tout entier !"
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Café Noir et Sucrette [Tome 2]
ChickLitQuelques mois après l'histoire racontée par Olivia Lawford, l'assistante d'un grand dirigeant d'une entreprise dans l'audiovisuel, Mediatics, à New York, voici celle d'une apprentie journaliste, Elie Cobb, de l'autre côté du pays, à Portland, Oregon...