Chapitre 9 : Ce genre de dîner de famille Partie N°2

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Il ouvre la porte grinçante de la maison pour, comme moi, abandonner les albums de famille ainsi que les anecdotes douteuses de ma mère puis expire de soulagement. Je suis déjà assise tranquillement sous le porche, cigarette à la main, les yeux rivés vers la rue déserte.

La conversation est enfin arrivée. Il prend place à mes côtés tandis que je lève mon bras pour apporter la cigarette à mes lèvres. Une fois la fumée expirée, je me tends le cylindre de tabac tandis qu'il m'accorde enfin un regard doux. J'esquisse un léger sourire, alors qu'il s'en saisit pour tirer une longue bouffée de nicotine à mon tour. Des années d'expérience derrière nous...

'' T'es pas censé avoir arrêté, me reproche mon père alors que je lui rends l'objet du délit.

- Dit-il alors qu'il doit lui même s'arrêter depuis 30 ans, je réplique, avec humour.''

Mon père esquisse un sourire à son tour approche la cigarette à sa bouche mais se ravise au dernier moment pour l'écraser dans le cendrier, bien caché des yeux de ma mère depuis cinq ans déjà.

" C'est mieux pour toi vieille branche, dit-il en se rasseyant, alors raconte, il est comment ton Luke?

- Tout d'abord ce n'est pas mon Luke... le repris-je, je n'ai pour réponse qu'un regard remplis de sous-entendus impossible à comprendre. Quoi?

-Quoi? Répéte-t-il. Je n'ai rien dit chérie.

- Papa, je grogne en couvrant mes jambes nues du volant de ma robe, allez crache le morceau, t'es pas du genre à tourner autour du pot d'habitude. Encore moins avec moi.

- T'a raison, je t'ai faite trop intelligente toi, il soupire et reprend, je comprends pourquoi tu as menti... Allen est comme un dieu pour ta mère depuis que tu l'as ramené à la maison pour la première fois y a quoi 8 ans... Tu sais que j'ai du mal, mais tu sais aussi que je respecte ton choix. Parce que c'est ta vie, il s'arrête un bref moment pour réfléchir à ses mots. Seulement, fais attention ma puce, parce que j'ai vu des étoiles dans tes yeux lorsque tu as parlé de Luke. Des étoiles qui n'ont jamais pointé le bout de leur nez avec ton Allen. Et crois-moi, la jalousie viens plus vite que l'amour.

- C'est juste pour le travail papa, je lui réponds un peu trop vite à mon goût. Pourquoi je me justifie?

- Mais oui, je te crois, il se lève, allez viens avant que ta mère ne débarque pour nous faire rentrer. Il ne faudrait pas qu'elle nous voit fumer cette merde. Elle ferait une attaque.''

Évidemment, il n'avait pas l'air de me croire du tout sur ce coup là.

______

Enfin sorti de cet enfer

Depuis que nous avons repris la route, Allen reste silencieux. Un regard en coin me fait comprendre qu'il n'a pas envie de parler tandis que de mon côté, je ne peux me retenir de réfléchir à propos de la conversation avec mon père. Je passe une mèche de cheveux derrière mon oreille tout en conservant la main sur le volant. Alors que je me tente de me concentrer sur la route, je sens la question fatidique arriver. Ça ne manque pas, car à peine deux minutes plus tard j'entends:

" Il sait, n'est-ce pas ? Il grogne et répond lui-même à sa question. Bien sûr qu'il sait soit par investigation, soit par déduction."

Mon compagnon pousse un long soupir en se grattant la peau.

"Un peu des deux je pense. Je regarde dans le rétroviseur sale, une voiture me colle. J'ai vécu plus longtemps avec mon père qu'avec toi.

- Tu me passeras le passage sur le fait que je ne te mérite pas et que le fait que je n'ai plus de travail est une mauvaise chose. Il fait geste ironique puis s'attelle contre le porte coude de la porte.

- Il n'a rien dit de tel, je me reprends ainsi, en tout cas pas à voix haute. Et puis c'est totalement ridicule Allen, travail ou pas, tu es et resteras un merveilleux homme qu'importe la situation. Fais-je, en tournant la tête vers lui. Il semble s'apaiser légèrement, et se décrispe sur son siège. C'est pour ça que je t'ai-..."

Avant que je ne puisse poursuivre, mon téléphone, posé sur le tableau de bord, se met à sonner. Intriguée, mon œil louche sur l'écran l'espace d'une seconde. C'est un numéro inconnu qui y est affiché. Sans que je ne le demande, Allen attrape le mobile et le porte à son oreille.

Sa ride du lion s'affaisse et ses yeux se plissent alors qu'il écoute mon interlocuteur mystère. Il répond évasivement avant de raccrocher sur un "Je lui dirais, merci.". Froid serait un euphémisme. Il replace le dispositif à son emplacement originel puis fait:

" Ton cher collègue a appelé. Il veut te dire qu'il t'attend au plus tôt parce qu'il à une très bonne nouvelle à te partager. Je sens qu'il serre les dents.

- Chéri, ne vas pas me dire que tu te sens encore menacé ?

- C'est sûr que passer entre 9 à 11 heures par jour avec « Luke Hoffmann, le mec qui tu idolâtres depuis ses grand débuts ?», il n'y pas de quoi se sentir jaloux. Il pianote sur son genou en détournant le regard.

- Franchement, tu agis comme un gamin Allen ! Je le toise violemment. Je ne vais pas tout laisser tomber après huit ans de relation alors que ça n'a même pas encore commencé le boulot de mes rêves juste parce que Monsieur est jaloux de mon associé. Grandis merde!

- Le problème n'est pas moi mais tes réactions par rapport à ce type... tente mon compagnon.

- J'ai un rêve et je compte bien le réaliser, je réponds sèchement. Que tu sois jaloux ou pas n'y changera rien alors fais toi à l'idée."

Contre toute attente, aucune réponse ne vient contrecarrer la mienne. L'air ambiant est lourd tandis que je me focalise sur la route qui se bouchonne légèrement. De ce fait, la voiture qui me colle s'énerve et commence à klaxonner. Je pose ma main sur la radio et l'actionne, laissant un bruit de fond pour couvrir le malaise que nous entretenons.

Même la musique ne peut pas panser tous les mœurs. Alors, je n'ose même imaginer ce qu'il faudrait pour guérir la jalousie maladive d'Allen.

Café Noir et Sucrette [Tome 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant