New York County Courthouse, vendredi
Je crois bien que personne n'a fermé l'œil de la nuit et ça se voit. Nous sommes tous les quatre, Olivia, Caleb, Luke et moi, dans un des nombreux couloirs du tribunal de New York, à essayer de nous préparer mentalement à ce qui va arriver dans les prochaines heures. Tout le monde prédit que le procès durera plusieurs jours, enfin pour ceux qui ont lu notre article. Les choses sont devenues plus floues sur l'issue de cette bataille. Nous savons tous qu'Andrew et sa liste interminable de témoins -on y retrouve notre très cher Walter Wells d'ailleurs- diront des couleuvres. Des jolies histoires brodées de fil blanc qui va le dépeindre comme un héros dans son genre. Reste à savoir si les jurés seront réceptifs à leurs manœuvres ou non. Maître Moore, l'avocat de l'accusation veut laisser l'avantage au parti adverse pour cette première journée. Je trouve ça très risqué mais il semble être très sûr de ce qu'il programme. Personne n'essaie de transmettre son inquiétude mais je vois bien que le premier signe du stress est là. Le manque de sommeil nous a tous atteint.
Olivia, habillée d'un tailleur sobre et ses cheveux tombant en cascade sur ses frêles épaules, essaie de réarranger le nœud de la cravate de Caleb même si elle tremble comme une feuille. Ce dernier lui caresse doucement le bras pour la détendre bien qu'il semble particulièrement fébrile. Physiquement même avec l'aide d'un peu d'anti-cernes, il passe l'étape supérieure en matière de poches sous les yeux. À l'autre bout du couloir, accoudé au mur, Luke consulte son téléphone, imperturbable. Je ne sais pas vraiment comment il fait. Je suis la première à faire les cent pas, les bras croisés contre ma poitrine. Je suis déjà épuisée alors que le procès n'a même pas encore commencé. Quand tout ça sera fini, je me prendrais des vacances. Des vacances dans le Kentucky familial. J'en profiterais pour prendre un bol d'air frais tout en pleurant dans une relation avortée. Je ne pourrais que mieux me relever après ça.Nous ne nous parlons presque plus avec Luke. Il est mutique ou alors il ne m'adresse la parole que pour dire des phrases courtes et génériques, la plupart du temps sur un ton agacé. Il n'y a rien de personnel, rien qui pourrait me rassurer. C'est pour ça qu'il s'est mis à l'écart. C'est plus simple comme ça.
Je n'aime pas ça.
La nuit a été courte car je n'ai pas arrêté de me retourner l'esprit. Si seulement j'avais juste eu le courage de dire ce que je pensais vraiment. Peut-être un je t'aime. Ou une connerie dans le genre, je ne sais plus ça ce niveau, on ne serait pas rendu à cette situation. J'en ai la nausée. Putain mais c'est quoi mon problème ? Je l'ai bien dit auparavant, pourquoi je ne peux même pas le sortir maintenant ? Est-ce que, pour une fois, je le pense vraiment et que ce genre d'engagement me terrifie encore plus ? J'aimerais ne plus avoir à y penser.
" Je suis morte de trouille, fait Olivia en me rejoignant, complètement morte de trouille...
- Moi aussi, c'est anxiogène ici.
- Attends de rentrer dans la salle de tribunal, ça va être encore pire et pourtant on sera dans le public. Elle regarde Caleb qui discute doucement avec son avocat. Je n'ose même pas imaginer ce qu'il doit ressentir. Être en ligne de front, comme ça...
- J'aime à penser que je ne serais jamais confrontée à ça.
- De même. Je ne suis pas visée directement et pourtant... Elle renifle et j'attrape sa main pour la soutenir. Pourtant, j'ai l'impression d'être touchée en plein cœur. Imagine s'il avait été seul dans cette croisade !
- C'est parce que tu vis sa situation au quotidien, c'est presque devenue la tienne Olivia. Je grimace, désolée pour elle. Et de toute façon, il n'y a rien à imaginer, vous vous êtes trouvés et tu as eu le courage ou la folie, au choix, de rester... J'y vois un drôle de parallèle entre leur relation et celle de Luke et moi.
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Café Noir et Sucrette [Tome 2]
ChickLitQuelques mois après l'histoire racontée par Olivia Lawford, l'assistante d'un grand dirigeant d'une entreprise dans l'audiovisuel, Mediatics, à New York, voici celle d'une apprentie journaliste, Elie Cobb, de l'autre côté du pays, à Portland, Oregon...