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      Il me rejoignit près de la porte, et tenait la poignée de celle-ci et de sorte à ce que je ne puisse quitter la chambre. Des paroles me revenaient en tête, des paroles qui faisaient froids dans le dos et me procurais ce vague frisson de peur. Je priais pour que ces paroles ne se vérifient pas.

      A présent, j'étais presque collé à cet homme qui, dans son regard, me paraissait menaçant. Il devait avoir une cinquantaine d'année tout au plus, les cheveux grisonnants, et une barbe de quelques jours. Une montre en or ornait son poignée, presque accessoire incontournable dans ce genre de lieu. Sa présence m'oppressait, et je sentais que la situation pourrait déraper. Gênée et tétanisée face à cette situation, je regardais le sol et ses chaussures bien cirées qui devaient valoir bien plus que ce je ne pourrais jamais avoir dans ma vie. Il remarqua ce malaise qui prenait mon corps, et ne sembla pas l'apprécié.

- Relèves la tête poupée, je ne vais rien te faire, me chuchota-t-il.

         Je frissonna à l'entente de ce surnom, personne n'avait le droit d'appeler une inconnue de la sorte. C'était ce surnom qui peut paraître insignifiant par ceux qui l'emploient mais qui s'avère d'une grande humiliation pour celle qui le subit. Car, oui, une poupée c'est jolie, certes, mais cela reste une poupée, et sa définition n'en est que plus péjorative, et ça, ils avaient tendance à l'oublier. Une poupée, c'est un jouet, une poupée on en fait ce que l'on veut. Et même si ce terme est employé parfois de manière maladroite, son second sens, son sens caché, lui n'est pas maladroit et il veut bien dire : Je fais ce que tu veux de toi, tu n'a rien à dire, tu es une poupée, tu es ma poupée, tu es mon jouet. Certes, ce terme n'est pas toujours utilisé pour en arriver là, mais avec cle type d'homme que j'avais en face de moi, et même si je ne voulais le croire, c'était bien à cette interprétation que je devais me faire. En repensant à ce mot et son étymologie, une grande question de société me tarauda l'esprit, une question que je ne devrais peut-être pas me poser dans un moment aussi critique que celui là, mais que pourtant mon esprit, si complexe qu'il en soit, trouvait intéressante. Pourquoi est-ce principalement les filles que l'on laisse jouer au poupée ? Je sais que rentrer dans ce débat n'est que sujet brulant et scandale, mais une part de moi voulait s'échapper de cette situation stressante que me donnait la réalité. Pourquoi tous ces rayons de barbie dans le rayon des jouets consacrés aux filles ? Et puis pourquoi des rayons distincts pour les filles et les garçons d'ailleurs ? Pourquoi à l'âge où l'éducation et l'esprit se forgent, on persuade les filles à jouer aux poupées ? Me montais-je trop la tête ? Ou pouvait-on se demander quel était le but caché de ces jeux ? Oui, sûrement que je montais la tête, oui sûrement que je voyais le mal et le vice partout, mais où n'y en avait-il plus de nos jours ? Mon monologue intérieur, autant passionnant que discutable, s'interrompit lorsque une main se posa sur mon bras.

- Mademoiselle vous m'entendez ? Me demanda cet homme qui me donnait envie de vomir à présent.

- Hein... Je... Oui, bien sûr, excusez moi monsieur, fis-je tout bas.

- Je disais que vous pouviez continuer à faire le ménage, vous ne me dérangez pas, reprit-il.

              Mais moi vous me dérangez, pensais-je. Mais ici, j'avais rapidement appris que mes avis, envies et non-vouloir ne comptaient pas, seul le client avait le droit à ces libertés. Je me devais de me soumettre à ces règles, s'était normal, je ne suis qu'une employée, et une employée est soumise à l'autorité de ces supérieurs, s'en était ainsi, juste logique. A une différence près, mes supérieurs, était bien sur les patrons et propriétaires de ce lieu, mais à cela se rajoutait aussi les clients. J'étais à leur service, presque sous leurs ordres. Et aujourd'hui, si le désir de ce client était que je nettoie sa chambre malgré sa présence, je devais le faire.

That's why I love you, again.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant