La tension était palpable. Chacun se regardait dans le blanc des yeux, nageant dans les appréhensions ; étouffés par les réflexions. La grande table semblait désormais bien vide, abandonnée par la moitié des participants. Tous morts. Kitty, Flora, Mary, Thomas, Leeloo, Jean, Emi, et à présent Rufus. Si naguère je comptais les vivants, une cruelle réalité me tenaillait. A l'issue de ce procès, plus de la moitié de mes camarades aurait disparu. Enfin, disparu... pas totalement. Le visage de Jack, affublé d'un éternel sourire gamin, ne me rappelait que trop l'existence de la morgue. Les corps demeuraient si proches... Et ce depuis le début. Nous ne nous en étions jamais rendu compte, mais ils étaient bien là, dans leurs cercueils respectifs. Peut-être qu'un jour, je... Un frisson me traversa.
Rufus était mort. Pire, il avait été retrouvé démembré, éparpillé aux quatre coins du manoir. Un camarade avait encore péri ; un tueur avait encore frappé. La flaque de sang au réveil, le plan morbide, la tête en une offrande glaçante... Je me souvenais de tout cela, mais la première chose qui me venait à l'esprit en repensant au colosse était sa main. La même main qui s'était levée durant le procès d'Emiliana, accusant Atlan ; l'envoyant vers une mort certaine. Une main traîtresse. Elle devait en ce moment même pourrir au fond du mixer, noyée dans du milkshake à la fraise.
- Qu'est ce qui te prend à sourire, abruti ?
La voix de Capucine, tranchante comme une lame, me fit redescendre instantanément. Je demeurai interdit, le visage figé. La brune me fixait avec des yeux ronds, partagée entre incompréhension et un autre sentiment, indescriptible. Elle avait chuchoté, pourtant la distance qui nous séparait me paraissait un gouffre. Maintenant que notre nombre le permettait, nous avions laissé une chaise entre chaque personne ; afin d'éviter tout incident lors du vote, à l'instar d'Emi et sa fourchette.
Le procès pouvait commencer. Parmi mes huit camarades se trouvaient le ou les tueurs de Rufus. Je commençais à connaître la rengaine. Les visages innocents, qui, bientôt, allaient se transformer. Qui accusateur, qui narquois... qui coupable. Si certains comme Atlan ou Capucine avaient déjà une liste de suspects en tête, je ne pouvais accuser personne d'emblée. Les indices trouvés se mélangeaient, et fondaient dans mon esprit en une bouillie incohérente. J'avais beau essayer de faire le tri, tout me paraissait illogique. Comme à son habitude, Capucine s'éclaircit la voix. La jeune fille présidait, en face d'Hologramme, qui semblait encore se délecter de la situation. Sa motivation avait marché, sans doute plus rapidement que prévu. Il avait un contrôle total de nos faits et gestes ; il savait comment nous aiguiller vers l'irréparable. Entre l'amour évident que portait Ben à la brune, celui, douloureux, de Yukie à mon égard, et l'attitude de Capucine envers le brun... Sans compter ma propre relation avec Atlan ; elle était ce qu'elle était, c'est-à-dire pas grand-chose en l'état actuel, mais j'avais de plus en plus de mal à camoufler mes sentiments. Lui restait stoïque, m'accordant le minimum d'attention. Je sentais en permanence mon regard converger vers son œil glacial, comme attiré par un aimant invisible.
Cette constatation acheva de sceller mon malaise croissant, et je me lançai dans une intense contemplation du vide. Capucine prit enfin la parole.- La logique veut que nous commencions par le plus évident, non ? Alors puisque personne ne semble décidé à poser la question, je vais le faire. Que foutaient ces deux abrutis dans le réfectoire ?
Sur ces mots, la brune porta ses yeux assassins sur Jack, puis sur moi. A mon exact opposé, le blondinet ne semblait pas le moins du monde inquiété par son accusation. Son sourire se renforça même.
- Cicine, ma petite Cicine... J'apprécie que tu te soucies de mon alibi, mais tu me penses vraiment capable de laisser des indices aussi gros ? Entre ma localisation ce matin et le taser dans la bouche de ce bon vieux...
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MURDER PARTY (terminée)
Misterio / Suspenso« Si vous voulez sortir d'ici, il vous suffit simplement de commettre un meurtre. » Telles furent les paroles d'Hologramme, le terrifiant maître du jeu. Caleb ne se souvient de rien. Lorsqu'il se réveille dans un endroit inconnu, il met un moment à...