Jack me fixa pendant que je me relevais. Je m'appliquai à ne pas croiser ses yeux accusateurs, mais je les sentis toujours peser sur moi. J'apposai mes mains tremblantes contre la porte fermée, dans mon dos, pour conserver un minimum de stabilité. Toute énergie semblait avoir déserté mon corps. Mes jambes avaient une consistance cotonneuse. Ma tête tournait, comme prise dans un manège infernal. Le temps se brouillait, de même que ma vision. Mes pensées devenaient inconsistantes ; je ne savais plus quel était mon but, ni même ce que je faisais ici. Elles faisaient tellement de bruit que l'atmosphère me paraissait éthérée. Je sentis vaguement mes lèvres bouger.
- Quoi ?
La voix du blond colportait une émotion qui ne m'était que trop familière : la peur. Je redressai la tête, enfin extirpé de mon malaise, pour croiser son regard. Jack avait crispé ses doigts sur le flacon. Il serrait les dents, et à en croire ses yeux écarquillés, ce n'était pas seulement à cause de la douleur. Je déglutis.
- C-comment ça, « quoi » ?
Jack recula d'un pas. C'était incompréhensible. Il me regardait comme si je l'effrayais, lui, cette même personne qui avait terrifié presque tous mes camarades. Le blond lâcha un petit rire nerveux.
- Tu viens de dire que si j'étais le tueur, j'allais souffrir le martyre, dit Jack d'une voix blanche.
Il allait ajouter quelque chose lorsque la poignée s'abaissa. Je m'écartai de la porte comme si elle était brûlante et la tête de Ben apparut dans l'encadrement. Le métis se raidit lorsqu'il aperçut Jack. Il s'adressa alors à moi d'un ton légèrement chancelant.
- Hologramme nous a annoncé la fin des investigations. On doit y aller maintenant.
Le blond posa le flacon de poison sur une table et sortit en trombe, la tête baissée, bousculant Ben au passage.
Le procès allait commencer, et il s'annonçait sanglant.
*
La table semblait un paysage démesuré ; un désert immense dans lequel nous nous serions perdus. Six. Nous n'étions plus que six personnes égarées parmi les cadavres. Mes mains étaient devenues moites depuis que j'avais posé un pied dans la salle. Je n'avais pas jeté le moindre regard au cadavre ; j'avais préféré abandonner son corps comme un mauvais souvenir, et maintenant, je regrettais ma décision. Atlan disparaîtrait à l'instar des précédentes victimes. Son corps reposerait dans la morgue. Curieuse ironie, j'avais appris son véritable prénom en observant son cercueil. Comme si Hologramme voulait que je le sache avant que l'un de mes camarades ne commette l'irréparable. Cette expression n'avait jamais été aussi vraie. Un tel acte ne se pardonnerait pas avec des excuses. Le coupable ne trouverait ma grâce qu'au milieu de son agonie, que j'espérais lente. A présent, je laissais mes pensées digresser. A quoi bon réfréner ces idées qui n'étaient définitivement pas les miennes ?
Mon cerveau bouillait. Tiraillé entre mes nouvelles pulsions vengeresses et l'enquête, il devait également contrôler mes gestes et mes paroles. Je ne pouvais pas me permettre d'avoir la même attitude que dans l'infirmerie. Désormais, Jack évitait mon regard ; j'espérais qu'il tairait mon comportement, mais si je commençais à perdre le contrôle devant tous les autres...
- Euh... Hologramme ? Avant de commencer, j'ai une question.
Tout le monde se tourna de concert vers Ben. Le métis, la main levée à la manière d'un enfant en classe, sembla immédiatement mal à l'aise de l'attention qu'il recevait. Le maître du jeu arbora un grand sourire carnassier. A cet instant, j'aurais juré que s'il avait des yeux, ils auraient été en train de briller d'excitation. Une aura d'omniscience émanait de lui ; il semblait connaître la question et sa réponse avant même que Ben ne l'ait prononcée.
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MURDER PARTY (terminée)
Misterio / Suspenso« Si vous voulez sortir d'ici, il vous suffit simplement de commettre un meurtre. » Telles furent les paroles d'Hologramme, le terrifiant maître du jeu. Caleb ne se souvient de rien. Lorsqu'il se réveille dans un endroit inconnu, il met un moment à...