Une goutte d'eau encore tiède roula entre mes yeux, me faisant loucher pour suivre sa progression. Je la fis disparaître du bout des doigts. Une seconde la rejoignit, puis une troisième. Je venais de prendre la douche la plus rapide de mon existence. Le simple fait de descendre et remonter les trois étages m'avait paru durer des heures. Je n'avais croisé personne. Nous n'étions, de toute façon, plus que neuf dans cette immense bâtisse. Il n'empêche, je me refusais de laisser seul Atlan. Son état le rendait vulnérable, et quiconque ayant des pulsions meurtrières pouvait très bien l'éliminer sans grandes difficultés. Mon objectif du moment était d'empêcher quiconque de le blesser ; ensuite, nous pourrions réfléchir à la suite des événements.
Je ne me souvenais pas avoir vu quelqu'un ramasser l'un des deux couteaux après le combat, ce qui signifiait que les compteurs étaient remis à zéro. Plus personne ne possédait d'arme, et avec le débarras fermé par le cadenas, cela réduisait grandement les chances que l'un d'entre nous commette l'irréparable. Du moins... le fasse sans aucune raison. Atlan... avait tué Emi. Il l'avait poignardée devant nos yeux, et cela ne s'effacerait jamais des mémoires. Mais c'était de la légitime défense. C'était elle, ou lui. A cause de la rousse il avait perdu un œil et serait bientôt couvert de cicatrices. Il n'était pas un meurtrier.
Je réajustai les manches de la veste d'Atlan, qui décidément me paraissait immense. Le brun somnolait, encore assommé par les antidouleurs que Bianca lui avait donnés à l'œil. Je n'avais aucune compétence en médecine ; impossible de savoir si elle en mettait trop ou pas assez. Mais quand elle s'était aperçue que je la fixais, elle avait craché quelque chose comme « arrête de me mater, sale puceau ! ». Elle avait repris des forces, visiblement.
Les événements des derniers jours me revinrent à l'esprit. Le meurtre de Leeloo, puis celui de Jean. Emi ayant totalement disjoncté. Le combat. L'angoisse de ne jamais le revoir vivant. Et, au final... notre baiser. Je ne pouvais pas m'empêcher d'y repenser. Et plus j'y repensais, plus je me demandais s'il ne l'avait pas fait sous le coup de la fièvre. Comment quelqu'un comme lui pouvait-il aimer... quelqu'un comme moi ? Je me sentais étrange ; si ça tombait, tout cela n'était qu'un simple rêve. Après tout, je faisais bien des cauchemars ultra-réalistes, jusqu'à même ressentir la douleur en réalité.
Une question naquit dans mon esprit. Certains de mes camarades subissaient-ils, eux aussi, ce genre de vision ? Pas le brun, en tout cas. Il ne semblait agité d'aucun...
L'œil valide d'Atlan s'ouvrit, exorbité et illuminé par un éclat terrorisé. Il se redressa brusquement, sans même prêter attention à ses blessures encore fragiles. Ses mains cherchèrent une prise, et finirent par se refermer sur le col de mon t-shirt. Son visage se trouvait à quelques centimètres du mien. La respiration haletante, il semblait sous le choc. Ses lèvres bougèrent pour parler, mais aucun son ne sortit. Je tentai de mettre de l'ordre dans mes pensées mais sa réaction m'avait pris au dépourvu.
- Atlan ? Qu'est ce que...
Le brun ne me laissa pas terminer ma phrase. Il me secoua comme un prunier. Je saisis ses poignets pour qu'il se calme, sans succès.
- Il ne... faut pas... sortir d'ici !
Sa voix avait une tonalité étrange. Je restai muet, troublé par ses paroles. Le brun resta quelques secondes paralysé, la respiration sifflante. Il tenait toujours mon t-shirt, les doigts crispés sur le tissu. Cette phrase... ça voulait tout et rien dire à la fois. Réelle mise en garde, ou simple hallucination ? L'iris glacé d'Atlan posé sur moi m'arracha à mes pensées vagabondes. Sa poigne avait perdu la puissance créée par l'adrénaline ; ses mains tremblaient à présent. Je les décollai doucement et fis en sorte que le brun se rallonge. Je posai ma main sur son front. Il n'avait pas de fièvre.
Atlan ferma les yeux, et laissa échapper un petit rire nerveux. Il porta sa main à son crâne, soulevant quelques mèches au passage entre ses doigts. L'autre vint attraper la mienne et la serra comme une passerelle vers la réalité.
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MURDER PARTY (terminée)
Misteri / Thriller« Si vous voulez sortir d'ici, il vous suffit simplement de commettre un meurtre. » Telles furent les paroles d'Hologramme, le terrifiant maître du jeu. Caleb ne se souvient de rien. Lorsqu'il se réveille dans un endroit inconnu, il met un moment à...