MURDER PARTY (terminée)

61 - Les vainqueurs

Il y eut une seconde de flottement. Mon regard intercepta celui de Bianca. Elle paraissait tout aussi déboussolée que moi face aux paroles de Jean. Ce dernier attendait une réaction verbale : ses yeux brillaient d'impatience derrière ses verres. Je déglutis, et tentai de me rasséréner. Il mentait. Il mentait forcément pour nous déstabiliser un peu plus. Enfin, il est quand même là, vivant, sous mes yeux, en me collant un flingue sous le menton. Ah, bordel, je dois encore être en plein cauchemar.

J'inspirai, et forçai un rire incrédule à sortir de ma gorge. Il sonnait tellement faux que c'en était ridicule. Les yeux de la blonde s'agrandirent. A vrai dire, j'avais moi-même du mal à suivre mes propres réactions. Mes sens s'embrouillaient. Tout se passait si vite... la mort de Benoît, la réapparition de Jean, et maintenant ses révélations sans queue ni tête ? Même moi, je m'y perdais. Alors, comme d'habitude, je redevenais le gamin que je n'avais jamais cessé d'être. Un rôle que j'avais endossé tant de fois qu'il me paraissait plus réel que mon véritable visage.

- Franchement, Jeannot, tu... tu penses qu'on va gober ça ? T'es peut-être un zombie, un fantôme, j'en sais rien, et je m'en tape. Mais Yukie... Non, tu mens. Cette furie a bien failli me tuer, et j'ai entendu son putain de crâne se briser sous les coups de Benoît. Comment t'expliques ça, si elle est déjà morte ?

Un ange passa. Encore. Jean me fixa quelques instants, puis ses lèvres se tordirent, comme s'il cherchait à réprimer un fou rire. Ses épaules se soulevèrent, et, enfin, il s'esclaffa. Je sentis la honte me mordre les joues, et la colère me nouer l'estomac.

- Désolé de briser tes convictions, Jackson, lâcha le bigleux entre deux hoquets. Il y a beaucoup de choses que je devrais vous expliquer, mais pourquoi ne pas discuter de tout ça à l'intérieur ?

Il désignait la porte derrière moi. Sa question était rhétorique : le canon collé sur ma gorge ne me laissait pas le choix de la réponse. D'un coup d'œil, il intima à Bianca de nous rejoindre. La blonde blêmit, mais resta muette. Elle se redressa, lentement, son t-shirt trempé par le sang du basketteur. Lorsqu'elle fut à notre niveau, je la sentis plus nerveuse que jamais, et pour cause. La présence de l'arme, de Jean, et maintenant l'angoisse de savoir ce que renfermait la salle cadenassée... Mes mains étaient moites à l'idée d'ouvrir ce cadenas. Je n'avais même plus envie de le faire. Mon quota de mauvaises surprises avait été atteint pour toute une existence.

J'ouvris le cadenas en essayant d'oublier les frissons glacés qui me mordaient la colonne vertébrale. J'avais un très mauvais pressentiment quant à ce qui nous attendait derrière cette fameuse porte. Jean pressa un peu plus le flingue entre mes omoplates. Il perdait patience. J'expirai. Tant que je suis encore vivant, je peux agir. Rien n'est perdu. Calme-toi, et réfléchis. Je fis sauter le loquet et ouvris la porte d'un geste brusque. Je me figeai.

Ce que j'avais attendu depuis des jours ; ce qui représentait selon moi le plus grand mystère de la zone... au final, c'était presque décevant. Un simple bureau, et un ordinateur. La simplicité du dispositif semblait se foutre de moi, et mes attentes ridicules. Je ne sais pas ce que j'aurais préféré entre une nouvelle énigme, ou ça. Au fond, c'est ce que nous avions toujours cherché : un moyen de communication avec l'extérieur. Peut-être notre seul salut. Savoir que nous vivions depuis des mois coupés du monde alors qu'un tel dispositif demeurait simplement derrière une porte... c'était frustrant.

Je plissai les yeux. L'écran semblait allumé, et projetait des couleurs blafardes sur le mur. J'eus un mouvement pour m'en approcher, mais je me souvins au dernier moment du pistolet braqué sur moi. Je me figeai. Jean le remarqua, et se pencha sur le côté pour arriver à mon niveau. Mes poings se crispèrent. Un sourire faussement amical flottait sur ses lèvres.