Je ne dois pas craquer. Me mettre à hurler en tambourinant sur les portes désespérément fermées. Ou pire, m'ecrouler sur la moquette et fondre en larmes. Parce que je ne suis pas seul, et je ne veux surtout pas qu'il me prenne pour un fragile ou bien même un fou.
Je m'exhorte à respirer. Ce n'est rien, juste une petite panne. Ne panique pas. L'ascenseur ne va pas tarder à redémarrer et tu pourras t'en aller.
Les interrupteurs, comme la lumière, sont éteints, il doit s'agir d'une coupure d'électricité. Sans un mot, le jeune homme sort un smartphone de la poche de son blouson, puis le dépose sur le sol, devant nos pieds.
Respire calme-toi.
Juste après, sans signe avant-coureur, il frappe violemment une paroi du plat de la main, puis marmone quelque chose que je ne saisis pas. Ce geste brutal me surprend, m'intrigue. Il me semble à bout, lui aussi.
C'est ça, focalise-toi sur lui, ça t'aidera peut-être à empêcher la montée de la crise.
J'inspire, pivote légèrement la tête sur le côté, en toute discrétion je l'espère. Son profil est harmonieux, bien qu'assez plat. Ses cheveux d'un noir profond, un peu long, sont brillants et laissés au naturel. Il a un visage captivant, parce qu'il comporte cette part d'imperfection, toute relative, qui le rend justement intéressant.
Il me fait penser à un acteur que j'admirais plus jeune. Ses lèvres pleines et sensuelles s'accordent à merveille avec son nez droit. Et je me demande par quel étrange phénomène j'arrive à m'intéresser à lui, alors que je suis au bord de l'implosion.
Ses mâchoires carrées et masculines se contractent à intervalles réguliers, creusant ses jours, au même rythme que la palpitation de ses narines. Il devait avoir mon âge ou peut être un peu moins. Ses points ne tardent pas à se joindre au reste. Il les serre, les relâche, puis les serre de nouveau.
Je compatis. Moi, si je m'écoutais ...
- Ça n'a pas l'air d'aller ? demandé-je timidement.
Il lève un sourcil. Agacement ? Surprise ? Impossible à dire.
- Il n'y a pas de réseau, ici ... Bon sang, quelle vie de merde !
Sa réplique cinglante me prend au dépourvu.
- Je suis bien d'accord avec toi. Mais il y a pire dans la vie qu'une petite panne d'ascenseur, tu ne penses pas ?Je me ferais presque pitié. Non mais, à qui est-ce que je crois pouvoir donner des leçons ?
Il tourne la tête vers moi, et des yeux en amande surmontés de sourcils parfaitement dessinés me scrutent avec une soudaine attention. Il a un regard d'une intensité surprenante, comme si un feu l'illuminait de l'arrière. J'en reste cloué sur place, interdit. Est-il en colère contre moi ? Est-ce sa façon habituelle de considérer les gens ?
- Oui, c'est vrai. Il y a pire dans la vie que d'être coincé avec un mec qui vous dévisage sans en avoir l'air, déclare-t-il que un ton froid.
- Ce n'est pas ça. C'est juste que ... Je suis nerveux. J'ai besoin de faire quelque chose.
- Et donc, tu as choisi de me mater ? Je ne suis pas gay.J'ai conscience de l'opacité de mon explication, et la honte me fait plonger le nez sur mes baskets.
Les minutes s'écoulent avec une lenteur inhumaine, alors que je m'évertu à ne surtout pas penser à mes ongles ... Rien ne change, hormis la chaleur qui augmente. Ou bien est-ce seulement moi qui ai de plus en plus chaud ?
J'entends un bruit régulier et agaçant. Le garçon s'est mis à tapoter la paroi métallique du bout des doigts.
Quand cet ascenseur va-t-il se décider à redémarrer, que je puisse enfin sortir d'ici ?
Respire. Pense à autre chose.
Je m'oblige à fermer les yeux et je pense à de bons souvenirs avec mes parents.
- Là, tu es en train de sourire dans le vide.
La voix du jeune homme me fait sursauter et je rouvre les yeux. La crise est passée, je crois. Je respire de nouveau normalement. Les parois ne semblent plus se mouvoir et se rapprocher dangereusement de moi.
La lumière du portable finit par s'éteindre, plongeant l'ascenseur dans une brusque obscurité. Le garçon se baisse, l'attrape d'un geste sec, quasiment violent, appuie dessus avec frénésie.
- Super ! Plus de batterie ! fulmine-t-il en le balançant sur le sol.
Désormais, seule la petite veilleuse accrochée près du plafond éclaire faiblement la cabine. Je jette un coup d'oeil vers le garçon, furtivement, de crainte de déclencher sa colère. Nous sommes seuls, plongés dans le noir, et pas un bruit ne résonne. Pourtant, je n'ai pas peur. En fait, je me sens presque bien, comme si je me trouvais dans une bulle que rien de grave ne peut traverser. Protégé.
Et j'ai l'impression que lui aussi se détend. Il a arrêté de serrer les poings, ne se défoule plus contre la paroi. L'obscurité m'incite à me relâcher. Je n'ai plus à me cacher, à faire semblant. Une larme arrive, je la laisse couler puis s'écraser sur ma chemise, comme si de rien n'était.
De toute manière, il ne peut pas la voir.
FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE DU QUATRIÈME CHAPITRE.
J'espère que ça vous plais toujours autant, dites moi vos avis. Merci pour vos lectures 💗
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Pierre, Feuille, Ciseaux - Changlix
FanfictionFélix a perdu ses parents dans un accident de voiture. Accueilli par sa grand-mère qui vit à Séoul en Corée du Sud, il s'enferme peu à peu dans une bulle de solitude et de souffrance. Changbin est un jeune homme rebelle et torturé. Artiste contrarié...