Pierre, Feuille, Ciseaux - Changlix

Chapitre 2 - Changbin

Il existe un café dans lequel Changbin de cache chaque fois qu'il a l'impression que tout lui échappe, comme c'est le cas en particulier ce jour-là.

Dans ce quartier de Hongdae, Changbin se sent désormais comme un mission dans l'eau, dans doute parce qu'il est à son image : pleins de contradictions, entre décrépitude et tentatives désespérées de se trouver.

Un peu plus tôt, Taeyeon lui a proposé d'aller dans un bar dansant du centre avec d'autres étudiants, invitation qu'il a choisi de décliner. Ça lui arrive parfois, le besoin animal de se rouler en boule dans sa tanière, de ne voir personne.

Lorsqu'il est dans cet état, Taeyeon l'appelle "mon petit changbinnie", ce qui a le don d'excéder Changbin. Pourquoi se sent-elle obligée de l'affirmer de surnoms ridicules au gré de ses humeurs ? Croit-elle que cela officialise en quelque sorte leur relation ?

Le souci, c'est qu'ils vivent ensemble, dans la même colocation, ce sont Changbin se serait bien passé. Il déteste avoir une chaîne au pied, et le simple fait de savoir qu'elle sera là lorsqu'il rentrera lui donne envie de fuir à toutes jambes. Il voudrait respirer un peu.

Pourtant, il aime bien être avec Taeyeon, lorsqu'elle l'entraîne dans des endroits improbables et risqués pour faire l'amour. Il savoure l'excitation et les plaisirs qu'elle lui procure.

Ce soir, après une journée époque à l'université et une sieste en plein cours tellement il s'ennuyait, il a vu trois bières, au comptoir, en priant pour que son visage morne éloigne les importuns ou les éventuelles filles esseulées.

Au Craft One, Changbin peut enfin esayer de réfléchir. Et on peut dire que les sujets ne lui manquent pas !
Par quoi commencer ? Ses études - si on peut les appeler ainsi-, ses parents ... Taeyeon ?
Le plus important peut être pour l'instant , le plus vital, c'est de trouver l'argent pour faire réparer sa moto. Il en a marre d'être obligé de prendre le métro.

Jouant avec son verre vide, il pouffe de rire, se moquant de lui-même.
Changbin se dit que la situation ne peut pas être pire. On a vandalisé sa moto, et, en guise de bonus, il va devoir subir les remontrances de son père.

- Je prends les dernières commandes, annonce le patron au visage rubicond, le nez rivé sur la pendule accrochée au-dessus de la porte des toilettes.

Il ne manquait plus que ça ! Bientot son unique refuge va fermer et il va être obligé de rentrer. Doit-il céder à son envie de se saouler ? Il sait comment ça se terminera : en bagarre. Il ira défier le premier mec qui le regardera un peu de travers, rien que pour soulager cette haine qui le ronge constamment.

Soudain, il sent une main sur son épaule, manque de d'emporter puis se calme en apercevant le visage penché au-dessus de lui.

- Est ce que ça te dirait de m'offrir un verre ?

Une brunette assez jolie lui sourit. Elle a de beaux cheveux brillants qui lui descendent sur le haut de ses clavicules et il remarque la courbe avantageuse de ses fesses, moulées dans sa robe serrée. Ses yeux laissent clairement entrevoir ce qu'elle a en tête. Changbin hésite. Pourquoi pas ? ... Et puis Taeyeon est sortie.

Il fait signe au patron de lui servir du soju. Celui-ci s'exécute en grommelant.

- Tu es étudiante ?
- Non. Je travaille dans l'usine automobile pas loin d'ici. Pas très glorieux, hein?
- Au moins, tu gagnes ta vie. Je trouve ça courageux.
- Oh mais j'espère bien trouver un meilleur boulot, un jour ! C'est simplement en attendant, tu vois?
- Je suis sûr que tu pourras y arriver.

Elle approuve d'un signe de la tête, puis s'asseoir sur le tabouret voisin en affectant de devoir rehausser sa robe pour y parvenir. Changbin découvre ainsi des cuisses galbées.

Pas mal du tout, pense-t-il, de plus en plus sensible à ses manoeuvres de séduction.
- Mon nom est Mina.
- Charmant ... comme toi. Moi c'est Changbin.

Elle met son buste en avant pour lui parler, croise ses jambes sans se préocupper de sa robe qui remonte encore un peu plus. Attitude dans équivoque, selon Changbin. Tous les signaux sont réunis. Il n'a plus qu'à passer à l'attaque.

- Tu peux me raccompagner chez moi ? Tu sais, les rues de Hongdae ne sont pas très sûres à cette heure. Tu ne voudrais pas qu'il m'arrive quelque chose, pas vrai ? J'ai besoin que quelqu'un me protège.

Changbin manque d'éclater de rire. Une fille qui ose aborder un inconnu de manière aussi directe dans un bar ne doit certainement pas avoir peur de se promener seule en pleine nuit.

- Je n'ai pas de voiture
- Tant mieux, répond-elle en décroisant les jambes. Comme ça, on va pouvoir marcher un peu.

Oh, et puis, qu'y a-t-il de mal à s'amuser un peu ? se dit finalement Changbin

Lorsqu'ils sortent du Craft One, dans la rue quasiment déserte, Mina accélère le pas pour devancer Changbin. Elle rit en jetant des coups d'oeil par-dessus son épaule et en balançant ses fesses rebondies. Changbin sent son excitation grimper en flèche. Il ignore où Mina l'emmène, mais ce qui est sûr, c'est qu'elle sait comment l'inviter à la suivre.

Au bout de quelques mètres, Mina tourne brusquement à gauche, dans une ruelle sombre. Amusé, Changbin s'y engouffre à son tour. L'espace d'un instant, il est décontenancé en ne la voyant plus, se demande si elle n'a pas fui. Puis il entend un rire étouffé. Mina se cache au creux d'un renfoncement. Changbin la rejoint et, les yeux brillants, elle se met à l'embrasser d'une bouche experte.

Sans prévenir, il l'attrape par la taille et la retourne contre le mur.

- Tu aimes jouer ? Ça tombe bien, moi aussi, murmure-t-il en écartant les cheveux de Mina pour dégager son cou.

La jeune femme cesse de rire tandis que, derrière elle, Changbin parcourt sa nuque du bout de la langue tout en lui caressant les seins. Le souffle de plus en plus court, elle ferme les yeux en pressant ses fesses contre lui.

Mais il ôta brutalement ses mains, se détache de Mina, qui fait volte-face et le considère avec stupeur.

- Excuse-moi, je ne sais pas ce qui m'a pris, marmone-t-il. On ne se connaît même pas ... Tu ferais mieux de rentrer chez toi, Mina.

Elle s'éloigne, en maugréant contre les garcons qui ne savent pas ce qu'ils veulent. Changbin la regarde partir, surpris de se sentir aussi soulagé.

Tandis qu'il gagne la station de métro la plus proche, les mains enfoncées dans les poches de son blouson en cuir, Changbin se sent vieux et las. Comme s'il avait déjà tout vu, tout fait, et que l'avenir ne lui réservait plus aucune surprise qui en vaille la peine.

Et il déteste ce sentiment.

CHAPITRE 2 TERMINÉ. 1131 mots.
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