Chapitre 6 - Félix

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Le lendemain, j'entreprends de nettoyer le vieux vélo de maman, que granny a entreposé dans l'abri de jardin. Je gratte d'abord grossièrement, puis je ponce la rouille, je regonfle les pneus et j'étale une fine couche de peinture blanche qui le fait paraître comme neuf. Cela me prend le plus clair de la journée et, durant tout ce temps, ma grand-mère m'obverse sans émettre la moindre remarque ou question. J'aperçois parfois son visage intrigué à travers l'une ou l'autre des fenêtres de la maison.

Au milieu de l'après-midi, elle traverse le jardinet en sabots, un petit pot et une épaisse feuille blanche à la main.

- Tu pourrais dessiner des fleurs ? suggère-t-elle, avec des yeux si gais que je n'ai pas le coeur de la contredire.
- Excellente idée ! approuvé-je en attrapant la peinture rose bonbon et le pochoir délicatement découpé.

Lors du dîner de la veille, face à son regard insistant, je lui ai avoué la vérité. Elle n'a pas eu besoin d'ouvrir la bouche pour exprimer l'ampleur de sa déception et j'ai soudain mesuré tous les espoirs qu'elle avait fondés sur cette entrevue avec un psy.

Les jours suivants, dès que le temps le permet, je parcours Séoul de long en large sur mon vélo. Je traverse les ruelles extraordinairement étroites. J'essaye de mémoriser le nom des places, des cinémas, des cafés-théâtres, ainsi que des innombrables monuments, en me fondant dans la masse de cyclistes et de badauds parlant toutes les langues.
Certains me bousculent sans le faire exprès ou me saluent d'un hochement de tête, croyant sans doute que je fais partie de leur communauté. Ça doit être à cause du vélo.

Un après-midi, il me prend l'envie soudaine de visiter un musée, de m'intégrer à un petit groupe de touristes. Je me sens à ma place, parce qu'après tout c'est ce que je suis : un touriste étranger qui s'ébahit devant la beauté de la ville, tout en la trouvant inaccessible. Je me demande si Séoul voudra un jour de moi. Il faudrait sans doute que je montre patte blanche, que j'accepte de retourner sur les bancs du lycée, que je chante dans une chorale - pourquoi pas ? -, que je me fonde dans le paysage avec une sacoche sur l'épaule et des rêves d'avenir plein la tête.

Je suis loin, très loin, d'en être là.

La plupart du temps, je me contente de rouler, jusqu'à ce que mes muscles n'en puissent plus.

Pédale ... et oublie.
Pédale plus vite que ton angoisse ...
Ne t'arrête pas ou elle te rattrapera ...
Quand tu seras bien épuisé, elle s'en ira ... jusqu'à demain matin.

J'ai beau apprécier Séoul et la maison de ma grand-mère, je ne les considère pas encore comme mon chez-moi.

Chez moi, ça a toujours été un lieu rassurant où se trouvent mes parents.

Où se trouvaient ...

Il m'arrive de délaisser le centre pour aller me promener près des rivières, sur les berges, emprunter les chemins fréquentés essentiellement par des joggeurs.

Assis près du Banpo bridge, un grand pont en béton, je regarde les bateaux passer et contemple les humeurs mouvantes du fleuve. J'observe finalement des enfants accompagnés de leurs parents sautillant sur les ponts des bateaux, ils me font de grands coucous joyeux avant de continuer leur excursion sur l'eau.

Ils ne connaissent par leur chance ...

Pourtant, avec mes parents tout n'étais pas rose, et une querelle avec mon père représentait le summum des petites tragédies qui jalonnaient ma vie. Mais la mort modifie radicalement la vision des choses. Maintenant, j'aimerais inventer une connerie vraiment énorme, juste pour qu'il revienne me faire la morale ...

Quand ma gorge se serre, je me mets à penser au garçon de l'ascenseur, en me demandant si je le reverrai un jour.

Pourquoi me mentir ? J'espère le croiser au détour d'une rue. J'ai un peu honte de nourrir ce genre d'espoir naïf, m'étonne d'en être encore à croire au contes de fées.
Mais étrangement ça me fait du bien de penser à lui. Je revois son visage, je sens son odeur. Parfois, la nuit, je me dis que notre rencontre aurait pu se terminer autrement. Je me laisse aller à un fantasme qui me fait ensuite rougir dans la journée, accélère mon coeur et répand une chaleur irradiante au creux de mon ventre ...

Dans la cabine d'ascenseur, nous commençons à nous embrasser, à nous caresser à travers nos vêtements ... Je suis obsédé par l'envie de sentir sa peau contre la mienne. N'y tenant plus, je l'aide à enlever son tee-shirt et, sans un mot, il déboutonne ma chemise avant de la laisser tomber sur le sol.

Du bout des doigts il me caresse mes épaules dénudés, mon torse, lentement, tandis que je ne trouve plus mon souffle.

Les yeux brûlants, il regarde mon corps.

Je veux qu'il me touche, là, maintenant ...

CHAPITRE 6 TERMINÉ!
Le chapitre 7 sera bientôt disponible (dans la journée) 😌
N'hésitez pas à donner vos avis, j'en ai besoin pour progresser! Bisous à tous 💜

Pierre, Feuille, Ciseaux - ChanglixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant