- Je ne suis pas là pour te dire quoi faire ni quoi dire et encore moins pour te surveiller, m'annonce Jisoo lorsque nous arrivons ensemble en bus devant l'hôpital. Considère moi plutôt comme ton assistante personnelle et exclusive. Je t'assiste dans ta démarche d'aller voir un psy. Si tu as un doute, un coup de stress, surtout n'hésite pas. Je connais plein de techniques pour te calmer. Y compris celle de la mignonette de scotch sifflée cul sec.
Pour prouver ses dires, elle entrouvre un instant son cabas à paillettes, me montre la bouteille avec des airs de conspiratrice. Elle a vraiment tout prévu, et je ne jure pas que je n'y aurai pas recours en cas de besoin. Son sac sous le bras, elle pousse en premier la porte d'entrée de l'immeuble, parlant très fort pour que je l'entende de derrière.
- Ah oui, dernière chose : promis, juré, je ne te poserai aucune question après.
- Entendu
- Donc, en tant qu'assistante, je t'invite à monter dans l'ascenseur, en prenant une profonde inspiration par le nez et en expirant ensuite par la bouche. Tu peux recommencer l'opération autant de fois que tu le souhaites.Nous suivons une famille nombreuse à l'intérieur de la cabine, je sens la pression monter et je regarde Jisoo, me focalise sur ses lèvres qui me sourient. Ça crève les yeux : elle se démène pour me distraire. Mais par la force des choses, je suis devenu expert dans la détection de certains signes. De fines lignes rouges, quasiment indécelables, cernent ses yeux et elle parle trop et trop vite. Je me demande pourquoi elle a pleuré, pourquoi depuis tout à l'heure elle noie sa tristesse dans un flot de paroles. La petite bouteille ne lui était-elle pas plutôt destinée, au départ ?
- Tu n'es pas obligée de faire ça, tu sais, lui dis-je
- Crois-moi, ça me fais plaisir d'être là.
- Je vois bien que tu ...
Elle paraît deviner où je veux en venir. Avec un sourire en coin, elle pose son index sur ma bouche.
- T'occupe. Tu as des soucis bien plus importants que les miens et, aujourd'hui, c'est toi la propriété.J'ai pu obtenir un nouveau rendez-vous auprès du psychologue très rapidement. D'après la secrétaire de M. Choi, il tient tout particulièrement à aider les jeunes et elle a pour consigne de les traiter en priorité sur son agenda. Quelle "chance" ... Moi qui avais espéré un long délai pour pouvoir me préparer à cette idée.
En même temps, je ne suis pas certain que ça aurait changé grand-chose.
Je retrouve la salle d'attente, son atmosphère, avec la même sensation d'étouffement, et je m'installe à côté de Jisoo qui, attentive, me fourre l'un de ses écouteurs dans l'oreille. Mes jambes tremblent de plus en plus. Je sais que mon angoisse est là, quelque part, tapie dans un coin prête à bondir à la première occasion, la première faiblesse, que le monstre n'attend que ça ...
- C'est bientôt à vous, monsieur Lee.
Cette fois pourtant, quand c'est mon tour, je ne m'enfuis pas. Vacillant, je rends à Jisoo son écouteur, me lève, puis me dirige vers l'homme en costume qui m'accueille, le visage inexpressif. Jisoo me soutient d'un large sourire, qui reste figé sur ses lèvres jusqu'à ce que la porte rouge se referme derrière moi.
En traversant la salle d'attente, j'ai cru sentir la main de ma mère dans la mienne.
Elle était là, prêt de moi, et nous avons franchi cette étape difficile cramponnés l'un contre l'autre, comme une mère et son fils.
Comme une mère et son fils ...
Après l'entretien, Jisoo tient promesse : elle ne me questionne pas. De toute façon, mes pensées sont si confuses que je serais bien incapable de raconter quoi que ce soit. J'ai la tête vide. Je sais que les questions du psy, mes réponses balbutiées, me reviendront plus tard, durant la nuit.
Ce n'est qu'au moment de repartir, lorsque nous regagnons l'ascenseur vide, que j'aperçois le message tagué sur la paroi. Je ne l'avais pas vu en montant.
Pour une autre partie,
rendez vous dans le bar Craft One à Yeonnam-dong. Même jour, même heure.Je veux masquer mon trouble et contrer le rouge qui me monte aux joues, comme un raz de marée. Jisoo hausse les épaules en soupirant. Elle n'a aucun moyen de deviner que ce message m'est destiné.
- Franchement, je me demande qui a écrit ça. Tout le monde à Séoul sait où se trouve le bar. Ce n'est pas la peine de préciser le quartier !
Oh si !
CHAPITRE 10 TERMINÉ.
Alors ? Comment avez vous trouvé ce chapitre ? On se retrouve en fin de soirée pour la suite 😊
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Pierre, Feuille, Ciseaux - Changlix
FanficFélix a perdu ses parents dans un accident de voiture. Accueilli par sa grand-mère qui vit à Séoul en Corée du Sud, il s'enferme peu à peu dans une bulle de solitude et de souffrance. Changbin est un jeune homme rebelle et torturé. Artiste contrarié...