Chapitre 11 - Félix

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Est-ce que je dois y aller ?

Cette question m'a taraudée une bonne partie de la nuit, et à dix heures du matin, étendu sur mon lit, je n'y ai toujours pas répondu. Bien sûr, j’ai formulé le désir secret de tomber sur lui au coin d’une rue. Mais j’avais compté sur le hasard, ou ce qu’on appelle communément le destin,
tandis que là, le scénario qui se dessine est très différent…

Et d’abord, qu’est-ce qu’il me trouve ? Est-il même homosexuel ?

Je sais que je ne suis pas moche, mais personne ne se retourne sur mon passage dans la rue. Je suis dans la moyenne, je crois.

Je me lève pour aller m’observer dans le miroir. Rien d’exceptionnel, vraiment.
Sans oublier mes affreuses dents !
Quand j’étais petit, il m’arrivait de zozoter. Mais ma mère n’a jamais voulu entendre parler d’un appareil dentaire.
Affublé de la même marque de fabrique, elle prétend que c’est une partie intégrante de notre charme.

Prétendait…

Maintenant, pourtant, je suis content d’avoir conservé mes dents en l’état car, chaque fois que je me regarde, c’est son sourire à elle que je vois.
J’ai une pensée coupable, en me dirigeant vers la salle de bains. Je ne devrais pas me sentir enjoué, presque excité.

Il a gravé un message à mon intention. Rien que pour cela, je ne peux décemment pas lui poser un lapin. Et j’ai tellement aimé le regard qu’il m’a lancé en sortant de l’ascenseur…

Pour la première fois depuis des mois, j’ai l’impression qu’un arc-en-ciel vient de jaillir à l’horizon. Éphémère, mais bien trop beau pour que je détourne les yeux.

Je me demande ce que je vais éprouver en le revoyant. L’autre jour, nous nous trouvions dans une situation particulière, coincés dans un ascenseur en panne, condamnés à nous côtoyer, de gré ou de force, encouragés à nous confier, à nous toucher, confortés par l’obscurité…

Que se passera-t-il aujourd’hui, alors que rien ne nous oblige à nous rapprocher ?

L’après-midi, je laisse mon vélo sur un parking et termine le chemin à pied. De l’autre côté de la rue, le pub est un établissement très élégant qui me plaît instantanément par son aspect accueillant et distingué. Excellent choix…

De taille conséquente, il occupe les deux premiers niveaux d’un immeuble. Le rez-de-chaussée, orné d’une devanture en bois sombre, est percé de larges baies vitrées
rectangulaires, tandis que celles de l’étage supérieur, au dessus d’une enseigne, sont cintrées et mangent quasiment tout l’espace. Les étages les plus élevés, en brique et aux fenêtres plus petites, semblent quant à eux abriter des appartements.

Je ne traverse pas encore la rue, je préfère rester un moment devant un théâtre, un imposant bâtiment gris, dans le style Art déco. Tiens, ce soir, se joue justement une représentation de Roméo et Juliette ! Tu
parles d’une coïncidence.

Un couple me contourne, bras dessus, bras dessous, s’arrête au milieu du trottoir et lève le nez pour regarder les affiches accrochées sur la haute façade du théâtre, de chaque côté d’un balcon central encadré par deux colonnes. Je me laisse baigner par l’ambiance de Séoul,
m’attendant à tout instant à voir débouler des personnes en costumes d’époque et Juliette écoutant Roméo de son balcon.

Parvenu sous les auvents en tissu bleu marine, j’hésite toujours et je jette un coup d’oeil à l’intérieur, à travers une
vitre, sans oser trop m’approcher.

Et si c’était juste une blague ? S’il n’était pas là ? Ça expliquerait tout.

C’est alors que je le vois. Il est assis sur l’une des banquettes, vêtu d’un tee-shirt à manches longues bleu avec un motif doré et d’un jean. Il a un bras étendu le long
du dossier recouvert de velours pourpre, et il embrasse la salle du regard comme si elle lui appartenait.

Je ne bouge pas, de peur qu’à mon entrée le mirage s’évanouisse.

Dès qu’il m’aperçoit, son expression change et il se redresse. Avec ce regard ardent qui me fait toujours autant d’effet, il tend un poing en l’air en me le montrant de l’autre main, avant de le cacher derrière son dos.

C’est à priori évident. Il veut que je joue notre rencontre à Pierre, feuille, ciseaux. Je formule mentalement la règle, en espérant que ce soit la bonne.

S’il gagne, j’entre. S’il perd, je repars d’où je suis venu.

Mon coeur accélère encore. Il y a longtemps que je ne l’ai pas senti battre aussi fort. Ni même battre, tout simplement.


CHAPITRE 11 TERMINÉ.
Jsuis de retour de Séoul et qu'est ce que j'ai apprécié mon voyage !!! J'ai été étonné par le nombre de vues qui ont augmenté sur ma fiction ! Je vous remercie du fond du coeur ❤
Je reviens en force avec de nouveaux chapitres en espérant que cela va vous plaire. Je vous fais de gros bisous à toutes et à tous.

Pierre, Feuille, Ciseaux - ChanglixOù les histoires vivent. Découvrez maintenant