22 juin 1943

127 30 13
                                    

Mon mauvais pressentiment s'est confirmé. Henri nous a dénoncé. On n'a rien vu venir. Tout d'un coup les hommes de la Milice nous ont encerclés. Daniel n'avait pas été prévenu, il ne se doutait de rien. Il fut le premier arrêté. Son frère souriait devant ses larmes de rage et d'impuissance. Un homme m'a poussé dans un coin de la pièce. Il m'a giflée violement et m'a demandé si je n'avais pas honte. Je lui ai répondu qu'il fallait bien que je me batte puisqu'il n'y avait pas d'Hommes pour le faire. Je lui ai craché au visage avant de m'enfuir. Sous l'effet de la surprise, il est resté immobile et n'a pas cherché à me rattraper. Maintenant je suis cachée dans la sacristie de l'église. En sécurité. Enfin, je l'espère. Il faut que je sorte, que je retrouve Simon. Que je serre mon petit ange dans mes bras. Il doit s'inquiéter de ne pas me voir rentrer. Je ne peux pas sauver les autres, pas ici. Il faut que je contacte des gars du réseau, n'importe lesquels, pour qu'ils les libèrent. Je refuse d'imaginer leur état actuel. Torturés, affamés, assoiffés. Si nous ne faisons rien ils ne survivront pas. Je sais qu'ils ne diront rien, ils ont trop d'honneur pour trahir. Mais je préfère les savoir bien vivants que morts en martyrs. Je penses également aux enfants de Mireille. Pour Simon nous n'avions pas pris de dispositions en cas de problème de ce genre, mais eux doivent déjà être dans un train en direction de Rouen avec leur voisine. Elle prétendra rejoindre son frère et plus rien ne reliera les jeunes Arthur, Jules et Charles à leur pauvre mère. Elle les rejoindra peut-être un jour, si les nazis l'oublient suffisamment longtemps. J'espère de tout mon cœur qu'ils seront réunis, et qu'un beau jour nous admirons leur bonheur tout en savourant le nôtre, Daniel, Simon et moi.

Journal d'une résistanteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant