CHAPITRE 4

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Les courses sont rangées, les éléments de décorations installés et mon maigre repas –des nouilles instantanées– englouti quand je me laisse tomber sur mon canapé, remarquant que mon téléphone clignote, affichant un appel manqué. Sans en connaître l'origine, je grimace et l'attrape pour voir. Christopher. Je vois. Si mon frère m'a appelé, c'est forcément sur demande de notre père. Il ne le ferait pas de lui-même, il n'est pas du genre à s'intéresser à moi de toute façon. Je constate également qu'il m'a laissé un message vocal. Ça promet. Je n'ai clairement aucune envie d'écouter ce qu'il a à me dire mais ne pas le faire serait pire. Alors que je compose le numéro de ma messagerie, je retire mon bonnet pour le poser à côté, portant ensuite le téléphone à mon oreille.

« Bonjour Zachary, c'est Christopher. »

Non, jure. Mon téléphone n'était pas assez intelligent pour me dire que c'était toi. De toute façon, j'aurais forcément reconnu ta voix désagréable de coincé du cul dès le début. J'inspire pour me calmer et écoute la suite.

« Papa et moi... »

Papa. Il n'y a bien que lui pour l'appeler comme ça. Je n'ai pas dû parvenir à le faire depuis des années, sûrement quelques jours à peine après le départ de Maman.

« ... nous allons organiser un gala pour l'entreprise dans quelques semaines et nous aimerions que tu sois présent. Bien évidemment, une tenue correcte est de mise donc ne pense pas te ramener avec l'un de tes stupides jeans à trous. »

Mes jeans à trous t'emmerdent, cordialement.

« De plus, cela nous ferait plaisir que tu viennes dîner à la maison, bientôt. »

Bizarrement, je n'y crois pas vraiment. Ils vont encore me couvrir de reproches et d'attentes. Mais revoir la maison ne me ferait pourtant pas de mal. Retourner dans ma chambre d'enfant pleine de souvenirs me rapprocherait un peu de ma mère, un bref instant. Elle me manque tellement.

« Rappelle-moi rapidement, que nous puissions fixer une date, s'il te plaît. À bientôt cher frère. »

Le message s'achève et je laisse tomber ma tête en arrière contre le dossier. Rentrer chez mon père est toujours une épreuve difficile et éprouvante mais parfois nécessaire pour que je sente la présence de ma mère. Je crois qu'elle est la seule raison de mon retour entre ses murs. Je n'y vais plus que pour le passé et sûrement pas pour le présent. Encore moins pour l'avenir. Je ne sais pas combien de temps je reste là, à réfléchir, mais je finis par rappeler mon frère après une longue inspiration.

- Allô ?

- Bonjour Chris.

- Oh, bonjour Zachary. Tu me rappelles tard.

Toujours obligé de m'appeler par mon nom entier même s'il sait que je n'aime pas ça. Quel chieur.

- Désolé, j'étais au supermarché et j'avais oublié mon téléphone.

- Il n'y a pas de problème. Tu as donc eu mon message, je suppose.

- En effet. Pour le déjeuner, nous pouvons l'organiser dimanche si vous n'avez rien de prévu.

- C'est parfait, papa sera ravi.

- Bien évidemment. Ensuite, pour le gala, faîtes-moi parvenir une invitation quand elles seront prêtes et je verrai si je suis disponible.

- Voyons Zachary, bien sûr que tu le seras. Tu ne fais rien d'autres de tes journées que de sortir dans tes lieux de débauches alors fais donc un effort pour ta famille. Viens à ce gala.

Je serre mon poing pour ne pas m'énerver, respirant calmement. Je savais que même un appel téléphonique était au-dessus de ses moyens. Qu'il ne serait capable que de me faire sortir de mes gonds. Comme si c'était un amusement exquis pour lui.

- Ne commence pas sur ce terrain, Chris.

- Peu importe. Et fais quelque chose pour tes cheveux. Hors de question que tu viennes au gala avec des cheveux bleus.

- Ils sont violets, maintenant.

- Beurk. Mais qu'est-ce que cela peut-il bien t'apporter ?

- Je...

- Ce n'est pas le sujet. Fais simplement en sorte d'être présentable et de ne pas ruiner tous nos efforts. Ce sera une soirée importante.

Je sens mes ongles pourtant courts égratigner ma peau alors que je continue de serrer fortement mon poing. Christopher ne me témoigne aucun respect. Comment pouvons-nous être de la même famille en étant si différent ? Maman était la seule à s'intéresser à moi.

- Nous reparlerons avec Papa de tout ça, dimanche. Au revoir, Zachary.

- Ouais, salut.

- Ton langa...

Je raccroche avant même qu'il n'achève sa phrase, les nerfs à vif. Il ne fait décidément rien pour me simplifier la vie et ça m'exaspère. Je ne suis peut-être pas un homme carré comme lui mais je ne suis pas non plus un gros coincé du cul incapable de m'amuser. Et peu importe ce qu'ils me diront, je viendrais à ce gala comme je le souhaiterais. Il est hors de question que je change pour leur faire plaisir. Agacé et énervé, je commence à faire les cent pas dans mon appartement. J'ai juste envie de hurler et de tout casser. Finalement, sans que je ne le contrôle, un long cri de frustration sort d'entre mes lèvres, résonnant dans le salon. Tant pis pour les voisins que j'ai dû effrayer. Je déteste quand il agit avec moi comme si je n'étais qu'un moucheron indésirable. Je suis peut-être un raté mais je préfère largement ma vie à la sienne !

J'ai absolument besoin de trouver quelqu'un ce soir pour passer la frustration que j'ai conservée toute l'après-midi. Quelqu'un de plutôt solide parce qu'il me faudra sûrement plus qu'un round pour parvenir à me calmer. Mon slim en simili cuir rouge vif et ma chemise à moitié ouverte sont une preuve suffisante de ce que je suis venu chercher. Et il est hors de question que je reparte seul. La musique est toujours assourdissante alors que je suis à ma place habituelle, sondant du regard la salle jusqu'à trouver la proie parfaite. Et je le vois alors, à une table en compagnie de trois autres hommes de la même carrure. L'homme idéal. L'homme parfait pour lequel mon corps commence à s'éveiller. C'est décidé, c'est lui que je veux pour ce soir. Pour toute la nuit à venir. 

TROUBLEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant