CHAPITRE 12

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Le silence m'enveloppe lorsque j'ouvre les yeux. Ce silence qui m'a toujours agacé dès mon réveil m'apaise aujourd'hui. Comme si je suis suffisamment en paix avec moi-même pour ne pas avoir à faire taire ma voix intérieure en l'étouffant derrière une mélodie. Bien sûr, je sais que ça ne durera pas mais la soirée de la veille avec Andy m'a apporté un calme que j'étais loin de soupçonner pouvoir ressentir. J'avais passé une excellente soirée, en bonne compagnie, et je n'ai aucune envie de retourner à la vie réelle, à cette douleur qui martèle mon cœur et à ma solitude qui me pèse un peu plus au fur et à mesure que les jours passent. Délaissant la chaleur de mon lit, je m'étire en posant mes pieds au sol, décidant que ce serait une bonne journée. Une excellente journée même. Il n'y a aucune raison que ça ne soit pas comme cela. Je l'ai entendu quelque part : le positif attire le positif, alors pour aujourd'hui, je vais y croire.

Grâce à ça, ma journée a réellement été positive. Je suis allé courir au parc, savourant la sensation du vent sur ma peau. J'ai dégusté un délicieux repas dans un petit restaurant familial de quartier, un véritable délice. Je suis retourné faire quelques courses, sans mettre mal à l'aise qui que ce soit. Et pour le temps qui me restait, je me suis installé confortablement dans mon canapé pour lire un bon livre, ce que je n'avais pas fait depuis bien trop longtemps. Redécouvrir le bonheur de me plonger dans un bon roman m'a fait beaucoup de bien, que ce soit au moral ou même à mon corps qui a semblé se détendre. Je me suis senti apaisé, protégé et calme. Comme si j'avais voyagé au milieu d'un monde de coton.

C'est ainsi que se déroule le début de ma semaine. Entre jogging et lecture. Je me suis même initié un peu à la cuisine, commençant à prendre un certain plaisir à me faire mes propres petits plats. Et quelques desserts. Mes voisins m'ont même servi de cobaye pour ma première fournée de cookies. Elle n'a pas fait l'unanimité, un peu trop cuite, mais le goût y était presque et ils m'ont encouragé à continuer, se portant volontaire pour le prochain test. Ça a été étrange mais agréable d'enfin faire connaissance avec mes voisins alors que l'on cohabite depuis quelque temps déjà. Et heureusement, ils n'ont visiblement jamais été témoin de mes frasques !

Je me rends peu à peu compte de ce que j'ai pu perdre et louper avec ce mode de vie. J'avais oublié la chaleur du soleil sur ma peau, le souffle du vent dans mes cheveux. J'avais oublié le rire des enfants au parc, le sourire des amoureux qui se regardent. J'avais oublié ce sentiment de plénitude à être au milieu de Green Lake Park, assis dans l'herbe, à écouter la vie autour. La vie simplement : le vent dans les branches, les voix des passants et le bruit de leur pas. Je me souviens que j'aimais me poser dans l'herbe, avec Maman. On pouvait rester allongé là pendant des heures à simplement écouter. Parfois, nous parlions de choses et d'autres. Maman me racontait sa vie avant de connaître Papa et tout ce qu'ils avaient vécu ensemble avant nos arrivées. Aujourd'hui, j'ai l'impression qu'elle me parlait d'un étranger. Je suis incapable de croire que cet homme amoureux qui l'a demandé en mariage d'une manière si romantique puisse être le géniteur qui me rabaisse aujourd'hui.

Je suis également allé au Zeppelin, le mercredi. Et pourtant... Je n'avais aucune envie de finir ivre à ne plus me souvenir de ma soirée, je n'avais aucune envie de rentrer avec un inconnu pour m'envoyer en l'air et me réveiller aussi sale que j'en avais l'habitude. J'ai simplement pris un verre, discutant avec le barman ou avec n'importe qui ayant une conversation intéressante. Je n'y allais pas avec mes vêtements habituels et je semblais me fondre dans la masse avec la casquette couvrant mes cheveux. J'étais juste un homme parmi tant d'autres, venu passer sa soirée dans un bar pour profiter et faire des rencontres. C'était agréable. Différent, mais tellement agréable.

Pendant une soirée, j'ai eu l'impression d'être un gars normal. Tout ce qui pesait sur mes épaules et dans mon cœur semblait si léger, si imperceptible, si accessoire. Je n'étais plus cet homme torturait qui souffrait et qui voulait tout oublier. J'étais juste ce jeune de vingt-deux ans qui voulait s'amuser en rencontrant des gens. Je ne passais pas la soirée en étant seul et je ne finissais pas dans un état lamentable : un excellent compromis. Et en allant me coucher, ce soir-là, je me suis dit que j'avais perdu beaucoup de temps. Mais était-ce vraiment la réalité ? Ma réalité ? Je m'étais si souvent conditionné à être ce que j'étais devenu que je doutais de cette nouvelle vie qui s'offrait à moi. Étais-je vraiment capable d'être à la hauteur de ses attentes ? Saurais-je vraiment continuer sur cette voie sans me perdre en chemin pou revenir à la case départ ? Que de questions sans aucune réponse. Juste une simple idée : essaye et tu verras bien.

TROUBLEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant