Appuyé contre ce mur sale, la frustration amène des larmes à mes yeux et je serre les dents pour les retenir. Hors de question que je me mette à pleurer ici comme un imbécile, ruinant au passage mon léger maquillage autour des yeux qui me trahirait directement. Je suis un homme et en tant que tel mon père m'a toujours inculqué que pleurer n'était que pour les faibles. Je ne suis pas d'accord avec lui mais c'est l'une des choses qu'il a ancrées en moi et j'aurais toujours du mal à me laisser aller ainsi. Un nouveau soupir m'échappe alors que je recrache la fumée de la cigarette que j'avais allumée en sortant, fermant les yeux alors que ma tête part en arrière pour se reposer contre les briques présentes derrière moi.
- Tu m'en passes une ?
Je sursaute en entendant la voix si proche de moi, me ramenant sur Terre. Mon regard se pose alors sur cet homme qui m'a humilié un peu plus tôt.
- Tu viens en rajouter une couche au cas où je ne me sentirais pas assez minable ?
- Si ton mode de vie te convient, je n'ai rien à dire et je ne te jugerai pas. Mais il est hors de question que tu me mêles à tes conneries seulement pour te faire baiser comme tu le souhaites.
- Je voulais juste... Oublie ça. J'ai compris la leçon alors qu'est-ce que tu fiches ici ?
Il hausse les épaules et attrape le bâton de nicotine entre mes doigts avant de le porter à ses propres lèvres, prenant place à côté de moi.
- Je m'inquiétais pour toi. J'ai vu la façon dont tu as quitté la boite et tu ne semblais pas aller bien.
- Je ne suis pas un gamin.
- Ce n'est pas la question, gamin. Je voulais juste m'assurer que tu allais bien.
- En quoi ça te concerne ? Tu penses que je suis ébranlé parce que je me prends un râteau ? Je ne suis pas une petite chose fragile.
Il soupire avant de prendre une nouvelle bouffée qu'il recrache en me tendant la cigarette. Je la saisis donc entre mes doigts et la regarde un instant.
- Ce n'est pas ce que je dis. Tu es vraiment chiant.
- Je sais. Mais je refuse qu'on m'accorde une quelconque pitié ou je ne sais pas quoi.
- Ce n'est pas le cas.
- Alors quoi ?
- Je te l'ai dit, je m'inquiétais. J'avais plutôt l'impression que mon refus a été une petite goutte qui a tout fait basculé dans ta journée.
- Tu ne connais rien de ma vie.
- Et tu ne connais rien de la mienne alors comment peux-tu venir m'accoster ainsi en me traitant comme un bout de viande ?
- Je...
- Voilà. Tu ignores tout de ma vie et des choses que j'apprécie. Comment aurais-tu fait si tu étais tombé sur une bande d'homophobes violents ?
Un instant de réflexion alors que c'est à mon tour de fumer. Je ne sais pas. Je n'y ai jamais réfléchi. Et le pire, c'est que je crois que je me ficherai que cela arrive. La douleur fait exister, non ?
- Je l'ignore.
- Alors ne te mets pas en danger comme ça.
- Tu n'as pas à me dire ce que je dois faire ou non.
- C'est exact. C'est ton esprit de conservation qui devrait faire ça.
- Je n'en ai aucun.
- J'ai pu le constater.
Il se décolle du mur et fait un pas pour rejoindre l'entrée alors que j'écrase le mégot consumé sous mon talon.
- Attends !
Il se retourne à moitié, plantant son regard vert dans le mien, me déstabilisant.
- Je... Je peux savoir ton prénom ?
Il esquisse un petit sourire alors qu'il se retourne à nouveau pour s'éloigner.
- Andy.
Andy. Sa silhouette disparaît dans l'entrée et j'échappe un énième soupire. Je n'ai pas envie de retourner dans le Zeppelin pour trouver quelqu'un d'autre. Surtout qu'il sera encore là. Je ne sais pas pourquoi mais je ne veux pas qu'il me voit comme ça après le désastre de cette nuit. C'est ridicule et ça m'agace ! Je shoote avec rage dans une canette qui traîne sur le trottoir avant de rentrer à mon tour dans le bâtiment, rejoignant directement le bar pour commander une desperados. Je n'ai pas encore envie de rentrer et pas envie de danser alors il me reste une seule option : boire. De retour à sa place, je vois Andy qui m'observe. Je lève alors mon verre comme si c'était en son honneur avant d'en descendre une bonne partie d'un coup. Puis mon regard se perd sur la masse alors que je le sens toujours me regarder.
Il est minuit et demi quand je rentre chez moi, ne souhaitant qu'une bonne douche. Je rentre seul et c'est un fait étrange qui n'arrive que rarement. Surtout quand je repense à l'appel de mon frère. Je passe une main sur mon visage, me souvenant un instant trop tard que j'étais maquillé alors que je viens de frotter mes yeux. Mes chaussures restent en plan dans l'entrée alors que je rejoins la salle de bain, mes vêtements atterrissant bien vite dans la corbeille et j'entreprends de me démaquiller alors que je suis dans mon plus simple appareil. Lentement, le souvenir d'Andy revient à mon esprit alors que j'entre dans la cabine de douche, sous l'eau déjà chaude. Sa carrure carrée alors qu'il semble tout en muscle, son tee-shirt moulant son torse avantageux à la perfection. Ce visage digne d'une gravure de mode bien qu'un peu dur et ses lèvres si bien dessinées. Mais surtout, bordel ce qu'il a des yeux envoûtants. Et sans que je n'en prenne conscience, ma main se retrouve sur mon membre dur à faire de lents vas-et-viens en repensant à son regard sur moi, à ses doigts qui tiennent la cigarette et au ton de sa voix lorsqu'il m'a rejoint dehors. Et j'imagine tout ça dans d'autres circonstances : ses longs doigts à la place des miens sur mon sexe dressé, ses lèvres occupées à torturer mon cou et à me murmurer toutes sortes de choses. Ses yeux qui sonderaient mon âme alors que je jouirais comme jamais depuis longtemps, faisant s'envoler mon esprit ailleurs. Malgré que tout ne soit que le fruit de mon imagination, tout cela finit par me mener à une jouissance incroyable, me laissant avec des jambes tremblantes alors que je glisse au sol, le dos appuyé au mur.
Étalé sur mon lit, complètement nu et la tête enfoncée dans l'oreiller, je réfléchis. Je ne comprends pas. Comment cet homme peut-il me faire jouir mieux que certaines de mes conquêtes seulement avec son souvenir ? C'est inconcevable et insupportable de penser que quelqu'un peut avoir une telle emprise sur moi. J'échappe alors un cri qui est étouffé dans le tissu, frappant mon matelas de mon poing. Mon envie n'a pas changé : je veux cet homme en moi mais il semblerait que cela soit impossible. Sauf que rien n'a jamais été impossible pour moi. Dois-je abandonner l'idée de posséder Andy pour une nuit ?
VOUS LISEZ
TROUBLE
Romance⟪Mon quotidien est devenu ce qu'il est parce que je n'avais pas de but et personne pour croire en moi. Mais peut-être que cette rencontre va me toucher plus que je ne le pensais, plus que je ne le voulais. ⟫ [BOYXBOY]