CHAPITRE 18

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Assis en tailleur sur le muret, une cigarette entre les lèvres, je réfléchis. Après l'entraînement d'hier, chaque souvenir me semble différent. Mes pensées s'assemblent peu à peu et je comprends pourquoi Andy est ainsi. Tout prend de plus en plus son sens. La raison pour laquelle une relation basée sur le sexe ne l'intéresse pas semble plus que logique : il est papa et compte offrir une bonne vie à sa fille. Qu'a-t-il à faire d'un séducteur à deux balles qui vient le voir effrontément devant ses amis militaires pour lui faire des avances ? Il avait raison, ils auraient pu être une bande d'homophobes qui m'auraient détruit le corps et l'esprit. J'ai vraiment été inconscient. Je relâche la fumée et passe une main dans mes cheveux, les ramenant en arrière.

Le pire dans cette révélation, c'est qu'il semble avoir sous-entendus que, dans une autre vie et avec d'autres circonstances, il aurait pu me céder. Et je me rends compte que, désormais, je me fiche des circonstances et de la durée : je veux simplement l'avoir, que ce soit pour une nuit ou pour une vie. Ce n'est plus qu'un simple intérêt sexuel que je lui porte, c'est bien plus que ça. J'éprouve une véritable envie de le connaître, de tout connaître de lui et de sa vie, de son passé de militaire et de sa famille. Bien évidemment, mon désir pour lui est bien loin de s'être tari mais je ne pense plus à simplement me faire prendre par lui. Je voudrais être avec lui, le découvrir, me découvrir et avancer, ensemble. Cette réalisation me fait peur : ce que je prenais pour une obsession semble se compliquer de plus en plus, se transformant en de véritables sentiments à son égard. Et je ne suis pas certain de bien savoir comment gérer tout ça.

Assis cette fois-ci sur mon canapé, je ne sais pas vraiment quoi faire. Mon doigt est au-dessus de la toucher "appeler" alors qu'un numéro est déjà écrit. Le numéro de Dylan. Est-ce une bonne idée de le joindre ? C'était-il moqué de moi au Zeppelin et se moquera-t-il encore plus de moi pour avoir cru qu'il était sincère ? Je suis face à un choix cornélien et je suis incapable de me dire qu'elle est la bonne situation. Alors j'appuie finalement sur cette touche : les dés sont jetés, advienne que pourra. Soit j'avais tort et je saurais qu'il ne mérite pas ma confiance, soit...

- Allô ?

Face à cette porte, je suis toujours aussi hésitant que lorsqu'il a décroché. Il semblait sincèrement heureux de mon appel, au téléphone. Mais était-ce un piège pour m'amener dans un guet-apens ? Je suis certain d'une chose, ma paranoïa ne m'aidera jamais à avancer dans la vie si je la laisse toujours me bloquer ainsi. Je prends alors une grande inspiration et j'abaisse ma main pour frapper le panneau de bois à deux reprises. Respires, Zack, tu ne vas pas mourir.

Une chose est sûre, le jeune homme qui m'a ouvert et fait entrer n'est pas Dylan. Il m'a indiqué que ce dernier était sous la douche, entendant en effet l'eau couler, mais je ne me sens pas rassurer sous son regard scrutateur. Il m'a invité à m'asseoir sur le canapé, prenant place à côté de moi et me dévisageant. Dylan, vite, s'il te plaît !

- Lionel, arrête de le fusiller du regard, il ne va rien te faire. Ni me faire.

Je sursaute en entendant une voix venir de derrière moi et je me retourne pour voir Dylan, en jean et tee-shirt, les cheveux encore humides.

- Désolé Zack, tu as été plus rapide que moi. Comment vas-tu ?

- Euh... Ça va ?

Je dois avouer que je ne me sens pas encore tout à fait à mon aise entre eux. Ou plutôt, vraiment pas à mon aise !

- Je te présente Lionel, mon petit-ami dont je t'ai parlé au Zeppelin. Li', voici...

- Je sais qui il est. Et il n'a vraiment rien d'exceptionnel, le fils Thomson. Sur ce, je vais vous laisser discuter. À ce soir, mon cœur.

Ok, je crois qu'il ne m'apprécie vraiment pas. Ils s'échangent un rapide mais doux baiser, me faisant détourner le regard avant que le dénommé Lionel ne quitte l'appartement, nous laissant seul. Et je dois avouer que son absence me permet de me détendre.

- Désolé pour lui. Il sait qui tu es et que nous avons eu une nuit... Agitée ensemble. Il sait pertinemment que ça remonte à loin et à avant lui mais bon, il est tellement mignon quand il est jaloux.

- T'es mielleux, mec.

- Tu verras, tu le seras aussi sûrement, un jour.

Je hausse les épaules alors qu'il me propose à boire et je l'observe aller nous chercher des cannettes de coca et un bol de chips. Nous pourrons nous rassasier pendant notre conversation. Une fois qu'il est installé à côté de moi, nous nous asseyons de travers pour nous faire face.

- Bon, je t'écoute, qu'est-ce-qui t'a fait changer d'avis et m'appeler ?

- J'ai besoin de ton aide.

Je ne sais même pas par où commencer, quoi dire ou quoi penser. Un soupir m'échappe alors qu'il me sourit, m'encourageant silencieusement à parler.

- Il ya ce mec que j'ai rencontré. Enfin, rencontré... Notre rencontre a été plutôt tumultueuse.

Et finalement, tout y passe : ma drague effrontée, sa proposition de cours de défense après ma mise à tabac, sa présence au gala, sa fille et enfin les fameux cours. Tout y passe : ce que je pense, ce que je ressens et ce que je veux. Sexe, amitié, relation. Je me perds dans un tourbillon de paroles, n'étant même pas certain que Dylan comprenne un strict mot de ce que je peux lui raconter. Mais je suis lancé et je ne m'arrêterais que lorsque j'aurais fini de tout déballer.

Je m'arrête finalement de parler, reprenant mon souffle avant de poser mon regard sur mon vis-à-vis, attendant un commentaire. Qui tarde à venir. Il semble sortir d'une sorte de transe avant d'éclater de rire.

- Eh beh, tu en as gros sur la patate mon gars !

Surpris par sa réaction, je me mets finalement à rire moi aussi, me déridant et la panique s'échappant de mon corps. Tout cela semble tellement ridicule maintenant que je me sens un peu plus léger. Je bois une gorgée de coca et mange quelques chips pendant que Dylan semble organiser ses pensées.

- Donc ce gars, Andy, t'as eu un genre un méga crush sur lui. Tu voulais une putain de partie de jambes en l'air mais il t'a mis un stop. Finalement, vous avez une relation amicale, tu connais sa fille et tu es en train de tomber amoureux de lui. C'est ça ?

- Je... Amoureux, peut-être pas jusque-là mais j'ai un gros coup de cœur pour l'homme que je découvre peu à peu, oui. Il n'a rien à voir avec toutes les personnes que j'ai pu côtoyer jusqu'à présent. C'est un homme bon, véritablement bon.

- Tu ne transposerais pas sur lui tes sentiments d'abandon ? Il prend soin de toi et fait attention à toi donc tu lui portes un intérêt. Tu vois ce que je veux dire ?

- Oui, je comprends. J'y ai pensé aussi mais j'ai l'impression que ça va bien au-delà de ça. Il dégage un je-ne-sais-quoi qui me donne envie de rester avec lui à chaque instant.

- Il te manque ? Là, à cet instant même, il te manque ? Tu as envie de le voir ou pas particulièrement ?

- Oui, je souhaiterai le voir si c'est possible.

- Cherche pas plus loin, mon pote. T'es en train de tomber amoureux.

- Et comment je gère ça ?

- Tu ne le gères pas. Tu le subis.

Ces mots restent dans mon esprit même après être rentré chez moi, des heures après. Je suis en train, petit à petit, lentement mais sûrement, de tomber amoureux. Amoureux d'Andy. Et je ne sais absolument pas quoi faire de cette information. Est-ce que je dois être honnête avec lui, quitte à le perdre pour de bon ? Ou dois-je omettre ce détail et continuer d'apprendre à le connaître tout en cachant mes sentiments ? Je n'ai tellement aucune idée de ce qui pourrait être la "bonne solution" que je me torture à en chercher mille et une autres. Mais aucune ne semble à la hauteur. Après tout, Dylan a raison : je ne peux pas gérer mes sentiments. Je vais les subir, les vois grandir de plus en plus et advienne que pourra. J'espère seulement ne pas perdre Andy à cause de cela, il compte de plus en plus à mes yeux. Et j'ose espérer que cela est réciproque à ses yeux. Me laissant tomber en arrière sur mon canapé, je regarde le plafond. J'aimerais que Maman soit là pour me conseiller, m'aider à voir clair et me rassurer. Tu me manques, Maman. Vraiment beaucoup.

TROUBLEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant