CHAPITRE 11

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C'est légèrement déboussolé que je quitte mon appartement pour rejoindre le Zeppelin. Ce fut une journée éreintante d'un point de vue psychologique : subir les attaques de mon père et me souvenir de ma mère. Passant une main dans mes cheveux, je regarde le sol en avançant. Maman me manque quotidiennement mais ça faisait longtemps que je n'avais pas repensé à ce jour tragique. Perdu dans mes pensées, je ne me rends pas compte que quelqu'un est face à moi et je le percute de plein fouet. Mais alors que je m'attends à tomber au sol, deux bras puissants me saisissent par les épaules et me maintiennent debout.

- Je suis vraiment désolé, je ne regardais pas où j'allais !

- Ce n'est pas grave, ça peut arriver, Zack.

Surpris que l'on m'appelle par mon prénom, je relève les yeux pour tomber dans un regard vert qui a hanté mes rêves pendant quelques nuits.

- Oh. Andy.

Je vois son visage s'étirer dans un sourire, amusé par ma réaction, avant de voir ses sourcils se froncer sous l'inquiétude. Je sens ses longs doigts saisir doucement mon visage pour mettre un peu plus à découvert ma joue blessée.

- Zack ?

- Je suis tombé ?

- Mais encore ?

- On m'a poussé ?

- Et ?

Je soupire, sortant de son emprise. Mais il ne semble pas décidé à abandonner et s'approche de moi d'un pas, soulevant mon tee-shirt sans aucune gêne. Sauf que là où se trouvait ma peau laiteuse, se trouve désormais de gros hématomes virant au violet. Et il ne semble pas apprécier.

- Ne me dis pas...

- Je ne le dirai pas.

- Qui a fait ça ?

- Je n'en ai aucune idée, sérieusement. Ils m'ont pris par surprise et je n'ai pas vu leur visage.

- Tu as porté plainte ?

- ... Non.

- Tu es allé à l'hôpital ?

- ... Non plus ?

- Idiot ! Et si tu avais une côte cassée ? Un poumon perforé ?

Je hausse alors les épaules. Je n'y ai pas songé. Je voulais simplement rentrer pour être en sécurité et protéger mes livres. Mais comment pourrait-il comprendre ça ?

- T'inquiéterais-tu pour moi ?

- Je déteste voir les gens blessés.

- Le syndrome du super-héros ?

- Je suis un ancien militaire, Zack. Protéger les gens, c'est mon métier. Ma façon de vivre.

- Oh.

Ce qui explique sa carrure et ses muscles. Et ça le rend encore plus sexy à mes yeux. Je crois que c'est l'idée de l'uniforme. Je secoue la tête légèrement pour revenir à la réalité et esquisse un petit sourire.

- Ne t'en fais pas, Superman. Je vais bien et je suis encore vivant. Assez vivant pour aller danser toute la nuit. Tu allais au Zeppelin ?

- En effet. Mais je n'ai plus vraiment envie. Tu viens boire un verre avec moi ?

- C'est une invitation ?

- En tout bien tout honneur, évidemment.

- Évidemment.

J'échappe un rire alors qu'il esquisse lui-même un sourire. Nous prenons alors un autre chemin, sans qu'aucun de nous ne prononce un mot. Et je ne ressens pas le besoin de parler, ce qui est rare. Je n'aime pas le silence quand je suis avec quelqu'un, comme si une tension était là, me mettant mal à l'aise. Mais ici, tout semble si naturel. Et si agréable.

Installé face à face dans un coin d'un bar, à une petite table en hauteur, nous avons chacun une pinte de bière devant nous. C'est un lieu qui semble bien plus agréable et plus calme que le Zeppelin où la clientèle est loin d'être la même. Mais ça nous permet de nous mettre à l'aise plus facilement. Après tout, notre dernier échange a tout de même était assez étrange. Il remonte à quelques jours mais je pense qu'il est encore bien frais dans nos mémoires à chacun. J'aimerais entamer la conversation mais je ne saurais pas par quoi commencer. Désolé de t'avoir abordé juste pour me faire sauter ? Tu m'obsèdes depuis que je t'ai vu ? Je refuse que tu restes autant dans mon esprit ?

- Tu ne t'es pas défendu.

Ce n'est pas une question qu'il me pose, c'est une affirmation. Son regard est sur mes mains et je comprends, je n'ai aucune blessure d'auto-défense.

- Tu as essayé au moins ?

Comment lui expliquer que je voulais prendre à la place de mes livres ?

- Tu ne sais pas ou tu ne voulais pas ?

Je pense que même sans ça, je n'aurais rien fait. Comme si j'avais l'impression qu'une part de moi le méritait. Comme si mon père avait raison.

- Zack ?

- Honnêtement ? Je ne sais pas. Je pense que même si j'avais voulu me défendre, je n'aurais pas su comment faire. Outre le fait qu'ils étaient plusieurs, je pense que je ne me serai attiré que plus d'ennuis.

- Ne me dis pas que tu penses que tu as mérité chacun de ses coups.

Un sourire triste se peint alors sur mon visage.

- Je suppose que c'est la rançon de la différence. Ils m'ont vu au Zeppelin, ils savent ce que je suis. Ça ne leur a vraisemblablement pas plu. Mais je ne compte pas pour autant changer pour eux.

- Zack, c'est ridicule de penser ainsi.

- C'est pourtant ce que mon père a dit.

- Alors ton père est stupide. Rien ne justifie de se faire frapper, pas même une différence. Surtout pas une différence. Personne ne devrait lever la main sur toi sous prétexte que tu as les cheveux blancs, que tu t'habilles différemment ou que tu es gay. Personne ne devrait jamais lever la main sur quelqu'un d'autre.

Ses mots me touchent mais je ne sais quoi répondre. C'est la première fois que quelqu'un me dit quelque chose comme ça, que quelqu'un prend ma défense. Si Adam et Sam étaient à sa place, ils auraient ignoré ma blessure ou m'auraient dit que j'aurais dû me défendre, simplement. Mais Andy semble véritablement inquiet pour moi, déçu que je pense ainsi et triste que je sois blessé.

- Dans tous les cas, c'est toujours difficile de lutter contre plusieurs personnes en même temps. Mais, si éventuellement tu veux apprendre à te défendre, je pourrais t'enseigner des techniques d'auto-défense.

Surpris, mes yeux s'écarquillent alors que je l'observe. Il est sérieux ? Andy échappe alors un rire en appuyant sur mon menton pour le remonter.

- Ferme la bouche, tu vas gober les mouches. Je suis sérieux. J'ai des moments de liberté dans mon emploi du temps alors si tu es intéressé et vraiment motivé, on pourrait organiser ça pour qu'une prochaine fois n'arrive jamais.

- Je... Merci Andy. Je vais y réfléchir.

- Parfait.

Il m'adresse un sourire satisfait alors que je suis troublé. Nous avons si mal démarré et maintenant, il veut m'aider. Comment un homme pareil peut-il exister ? Comment un homme pareil peut-il vouloir m'aider ? La fin de la soirée continue de m'apporter ces questionnements alors que nous passons un excellent moment, parlant de tout et de rien. Mais en surface, ni l'un ni l'autre ne rentrons dans les détails de nos vies privées. C'est trop tôt pour en aborder différent aspect. C'est donc le pas léger que je rentre à mon appartement, rejoignant mon lit dans une certaine euphorie. Je n'avais pas passé un moment si agréable en compagnie de quelqu'un depuis bien longtemps. Et le passer avec Andy le rend encore plus incroyable.

TROUBLEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant