CHAPITRE 3

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Malgré l'heure tardive à laquelle je me suis endormi, je suis debout en début de matinée. Il n'est même pas dix heures que j'émerge, un mal de crâne emplissant mon crâne. Un grognement plus tard, je me traîne difficilement le long du couloir jusqu'à la cuisine pour prendre une aspirine. J'adore mon appartement mais bordel qu'est-ce que je maudis cette immense baie vitrée dans le salon à cet instant. En un soupir, je remplis mon verre d'eau avant de prendre mon cachet, fermant les yeux en m'appuyant contre le comptoir. Mes yeux parviennent à s'habituer à la luminosité et je passe mes doigts dans mes cheveux en bataille. Je constate alors que je suis –encore– nu et je soupire. Mes draps anciennement propres vont déjà devoir rejoindre la machine. J'ai beau ne connaître que ça et ne pas avoir envie d'y mettre fin, cette routine m'emmerde. Alors comme chaque matin, je prends une douche avant de m'occuper de ma chambre et je me prépare un café que je sirote devant la télé. Sauf qu'à la différence des autres jours, je n'ai plus rien à faire à onze heures. Installé sur mon canapé et lassé des débilités de la télévision, je balaie mon appartement du regard pour trouver une occupation. Jouer à la console ? Aucune envie. Ranger ? Mon appartement l'est déjà. Faire le ménage ? Flemme absolue. Un tour dans la cuisine et je sais ce que je dois faire même si ça ne m'enchante pas : les courses.

Armé d'un stylo et d'un bloc-note, je fais le tour de mon appartement pour faire la liste de ce que je dois acheter, en plus de la nourriture. Autant ne pas avoir besoin de ressortir pour le moment. Et faire un stock de capotes et de lubrifiant rejoint le haut de la liste. Hors de question de me retrouver en rade au moment crucial. Je vais en profiter également pour acheter deux/trois trucs de décoration, histoire de rendre le tout encore plus personnel même si c'est déjà bien avancé et que je suis plutôt fier de mon appartement. Après tout, c'était mon unique cadeau pour mes vingt-et-un ans, choisi par ma mère avant qu'elle ne parte. Il sommeillait tranquillement jusqu'à ma majorité. Et heureusement, parce que je crois que mon père ne m'en aurait sûrement pas payé un en voyant comment j'ai tourné. Mais je suis complètement dingue de cet endroit qui est parfaitement à mon goût.

Le salon est une immense pièce dont les murs sont recouverts de briques rouges, digne d'un grand loft new-yorkais. Des photographies en noir et blanc grand format y sont accrochés, de nombreuses bibliothèques regorgeant de livres y sont appuyés et beaucoup de bibelots traînent par-ci par là avec quelques plantes, dont Jack, mon cactus nain présent sur la table basse. Une immense baie vitrée se trouve sur un côté, éclairant l'intérieur d'une douce chaleur et donnant accès à un balcon où se trouve un salon de jardin. Une cuisine américaine tout-équipée noire se trouve dans un petit renfoncement, séparé du salon par un comptoir faisant office de bar. Une partie de la pièce est occupé par le grand canapé d'angle sur son tapis à poil, devant une table basse en verre et une grande télé accrochée au mur, un meuble se situant dessous pour y stocker mes consoles ainsi que mes jeux vidéos et mes DVD. Quand on passe l'entrée, on se retrouve directement dans cet univers tellement dans l'air de la ville avec une décoration urban street. Deux portes amènent aux toilettes, où se trouve également un lavabo, et à la buanderie, un placard étant également présent dans l'entrée. À côté de la cuisine, un escalier en colimaçon noir métallique trône, menant à une mezzanine où se trouve ma chambre, dans le même style que le reste de l'appartement avec un grand lit au centre sous une sous-pente de vitres, et une salle de bain avec une grande baignoire et une douche à l'italienne. En somme : ma mère m'a offert l'appartement de mes rêves dont nous parlions tant, lorsque j'étais enfant.

Un slim gris et un sweat à capuche enfilés plus tard, je mets une paire de converse ainsi qu'un bonnet, cachant mes cheveux décoloré aux pointes violettes. Mes lunettes sont sur mon nez et mon porte-feuilles dans ma poche arrière, avec la liste. Je suis prêt. Fermant mon appartement derrière moi, je glisse les clés dans une poche libre alors que je rejoins l'ascenseur, me situant au dernier étage d'un immeuble qui en compte neuf. J'ai délibérément laissé mon téléphone portable sur la table basse, voulant simplement sortir pour voir. C'est très con mais les mots de Dylan me reviennent à l'esprit. « Comment vivent le commun des mortels ». Cela fait bien longtemps que j'ai cessé d'y porter de l'importance. Suis-je donc réellement devenu le connard prétentieux que pensent certains ? Où me reste-t-il encore un peu de moralité que je n'aurais pas vendu au diable contre du sexe ? Un soupir m'échappe quand je m'engage sur le trottoir, me mêlant à la vie de Seattle toujours si active. Je sais qu'une grande surface se trouve à quelques rues, me permettant d'acheter tout ce dont j'ai besoin.

Flânant dans les rayons, je regarde ce que la boutique me propose et trouve mon bonheur dans quelques bricoles parfaites pour mon chez-moi. Poussant le chariot devant moi, je rejoins alors le rayon hygiène pour acheter les préservatifs que je souhaite. Devant l'étalage se trouve déjà un couple rougissant, hésitant sur quel lubrifiant prendre ou quoi tester comme petit jouet. Je réprime un petit rire moqueur mais amusé. Il faut bien se protéger alors pourquoi être mal à l'aise ? Je passe le bras devant eux pour attraper deux tubes de lubrifiants et trois boites de capotes, les faisant me regarder avec des grands yeux alors que je mets le tout dans mon chariot. Je leur fais alors un clin d'œil suggestif puis m'éloigne en échappant un rire, récupérant au passage du gel douche et du shampoing. Je crois que l'expression de leurs visages va être gravé dans mon esprit pendant un moment. Et je crois qu'ils vont être traumatisé par ma faute. Beh quoi ? J'ai le droit d'avoir une vie sexuelle bien remplie !

Un chariot plein en arrivant en caisse, je soupire en le regardant d'un mauvais œil. Il va falloir que j'appelle un taxi parce que, comme un con, je ne vais pas parvenir à ramener tout ça chez moi d'un coup. Il faudra que j'aille faire des courses plus tôt la prochaine fois, au lieu de le faire au dernier moment pour trop de choses. Je m'installe à une caisse dont l'hôtesse est une jeune femme, sûrement une étudiante qui fait ça pour pouvoir payer ses études et son appartement. Elle a bien du courage, je ne pourrais pas assumer ces deux choses en même temps. Je commence alors à étaler mes affaires, me glissant ensuite de l'autre côté pour commencer à récupérer les sacs qu'elle me remplit. Et je la vois virer doucement rouge tomate quand elle passe mes articles intimes. Je crois que c'est définitivement la journée de la gêne. Moi ? Je m'en fiche complètement. Je ne suis pas du genre à être pudique ou mal à l'aise pour ce genre de chose alors bon. Mais les gens m'amuseront toujours. Alors c'est ça, voir la vie extérieure ?

Le taxi me dépose devant chez moi et, m'ayant reconnu durant la course, m'aide à monter mes sacs jusqu'à mon appartement. Même si son aide est précieuse, je sais qu'il ne fait ça que pour le pourboire généreux qu'il s'attend à recevoir et ça me chagrine un peu. Aujourd'hui, on n'a plus rien sans rien et ça devient triste. Les gens attendent toujours quelque chose en échange d'aide et ça m'exaspère. Mais je suis un homme poli et courtois donc je lui donne un joli billet avant qu'il ne quitte mon appartement. Un soupir m'échappe et je dépose tous les sacs sur le comptoir de la cuisine, commençant le rangement après avoir allumé la télévision sur une chaîne musicale. Chaque chose rejoignant sa place dans la maison. Je ne suis pas particulièrement friand du silence donc la musique est toujours la bienvenue chez moi.

TROUBLEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant