CHAPITRE 16

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Je ne pensais pas m'attarder, après mon réveil. Je pensais qu'après mon petit-déjeuner, je quitterai le domicile familial pour aller prendre un bus et rejoindre mon appartement. Et pourtant, à l'heure du déjeuner, je suis toujours là, les pieds sous la table et manger les délicieuses pâtes à la carbonara maison d'Andy, assis face à Alice. Outre des yeux identiques à ceux de son père, je me rends vite compte qu'elle a également bon nombre de ses mimiques et de ses expressions. En les voyant ensemble, il est impossible que quelqu'un puisse douter de la paternité d'Andy. De plus, aussi étrange que cela puisse paraître, je ne me sens pas de trop avec eux. Rien ne me donne envie de prendre mes jambes à mon cou pour fuir le plus loin possible. Au contraire, comme souvent ses derniers temps, je me sens bien. Alice est une enfant adorable et très intelligente. À aucun moment elle n'a créé de malaise avec une question gênante. J'ignore ce que son père a pu lui dire à mon propos mais elle ne semble pas vouloir chercher à en savoir plus.

Même après le repas, alors que je pensais gentiment être mis à la porte, je me retrouve à jouer à un jeu de société avec eux. Andy ne semble pas vouloir me voir partir à tout prix et cela me réchauffe le cœur. Cela faisait bien longtemps que je ne m'étais pas senti aussi bien au sein d'une famille, même si ce n'est pas la mienne. Et, alors que les jeux se succèdent, je reste là sans même faire attention à l'heure. Je suis simplement resté avec eux à profiter de ces moments, de si agréables moments, jusqu'à ce que la nuit tombe. Le dîner se fait également avec moi sur demande d'Alice, qui affirme que c'est cool d'avoir quelqu'un de plus qui fait sourire son papa à la maison. À ses mots, je tourne mon visage pour regarder Andy, occupé à sortir les ingrédients du placard. Ai-je vraiment un tel impact sur lui ? Je n'en suis pas vraiment certain, mais je suis prêt à le croire. Cela fait très plaisir à entendre.

C'est donc après le dîner qu'Andy me raccompagne à mon immeuble, laissant sa fille à la garde de la voisine. C'est une grand-mère qui semble bien ravie d'avoir une enfant à gâter pour quelques heures. Alors, assis dans la voiture, je regarde le paysage défiler par la fenêtre en écoutant mon chauffeur chantonner la chanson populaire passant à la radio. Aucun de nous ne parle. Ce n'est pas par manque de sujet de discussion, juste parce que nous n'en ressentons pas le besoin, ni l'envie. Le silence est aussi parlant que les mots et nous nous sentons bien comme ça. Je n'aime pas le silence habituellement mais là, il m'apaise. Je me sens bien : calme et serein. C'est de plus en plus fréquent ces derniers jours et je le ressens. Tout me semble évoluer petit à petit. Dylan avait-il finalement raison ? Puis-je espérer avoir une autre vie que celle que j'avais jusqu'à maintenant ? Puis-je réellement mener une autre vie que celle que je menais jusqu'à présent ? Tant de questions pour un avenir incertain.

Je n'ai pas envie que cette journée se termine. Je n'ai pas envie de me retrouver tout seul dans mon duplex. Je veux rester avec Andy et Alice. Je veux que mes pensées restent enfouies comme elles l'ont été aujourd'hui. Pendant cette journée, tout m'a semblé si simple et si naturel. Pas de moquerie, pas d'humiliation, pas de rejet. Juste une journée avec une famille, comme j'en avais avec Maman, il y a de ça si longtemps. J'ai envie de prolonger cette soirée, de lui proposer de monter boire un verre. Mais je ne peux pas. Il croirait que je recommence à le draguer alors que ça n'a rien à voir, ce soir. Oui, évidemment qu'il m'attire mais je ne veux pas lui sauter dessus. Je voudrais juste continuer à côtoyer quelqu'un qui me respecte et qui me considère comme un égal. Une personne qui se fiche de mon argent, de ma sexualité ou de mon corps. Je voudrais juste rester avec le Andy que j'ai vu aujourd'hui.

La voiture s'arrête face à mon immeuble mais je n'ai pas envie de descendre. Le temps est comme suspendu avant que ma main ne s'approche de la poignée.

- Zack ?

Je sursaute, ne m'attendant pas à ce qu'il prenne la parole, et tourne la tête vers lui, l'invitant silencieusement à continuer.

- Je... J'ai passé une bonne journée avec toi. Et Alice t'apprécie beaucoup.

Il semble chercher ses mots et je trouve ça adorable. Comme il semble avoir encore des choses à dire, je ne prononce pas un mot pour le laisser continuer.

- Pour être honnête avec toi, je ne voulais pas que tu te retrouves seul à trop réfléchir.

Un silence qui semble s'éterniser passe avant qu'il n'ajoute.

- Et je ne voulais pas vraiment te voir partir.

Ce sont les mots de trop. Ceux qui me retournent la tête et me font sourire comme un idiot. Par chance, j'arrive à réprimer ce sourire pour un plus doux.

- Merci, Andy. Tes paroles me touchent beaucoup. Et savoir que tu t'en fais pour moi, aussi. Mais je suppose que, comme on dit, toute bonne chose à une fin. J'ai passé une très bonne journée avec vous deux et je vous en remercie. J'espère pouvoir à nouveau vivre une telle journée à l'avenir. Maintenant, je vais descendre de cette voiture avant de faire une bêtise et je vais te souhaiter une très bonne nuit.

Me penchant par-dessus le frein à main, je dépose un léger baiser sur sa joue avant de me reculer et d'ouvrir la portière. Descendu de la voiture, je m'apprête à la refermer quand Andy m'interpelle.

- Zack, attends.

- Oui ?

Je me tourne face à lui et le regarde. Un léger sourire orne ses lèvres.

- Mardi, quinze heures, en bas de ton immeuble. En tenue de sport. Interdiction de se défiler.

Je reste un moment surpris avant de lui adresser un sourire franc.

- Hors de question, je serai là. Au revoir, Andy.

- Au revoir, Zack.

La porte fermée, je regarde la voiture du père de famille s'éloigner jusqu'à tourner au coin de la rue avant de rentrer dans mon immeuble. Une fois à l'intérieur de mon appartement, je me laisse tomber dans le canapé en fermant les yeux. Je n'arrive pas à réaliser tout ce qu'il vient de se passer aujourd'hui. Et je n'arrive pas à croire aux derniers mots d'Andy. J'étais persuadé qu'à ses yeux, cette histoire d'auto-défense n'était pas véritable. Que c'était une chose que l'on dit sur le moment parce que ça fait bien mais qu'on ne mettra jamais en place parce qu'en réalité, peu importe. Mais non, là, le rendez-vous est pris. Mardi, quinze heures, je le retrouverai pour qu'il m'apprenne à me défendre contre de potentielles futures agressions. Cela me semble tellement surréaliste, tellement irréel.

Mes yeux se rouvrant, mes dents mordillant ma lèvre inférieure, quelques larmes me montent aux yeux. Je ne saurais pas dire pourquoi mais elles sont là, signe de tout ce qui se bouscule en moi. Avais-je seulement besoin de rencontrer Andy pour que toute ma vie prenne un tournant décisif et reprenne un cours normal ? Est-il celui qui me fallait pour tout chambouler et tout reconstruire correctement ? Si c'est le cas, alors je ne pourrais jamais assez le remercier. 

TROUBLEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant